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Mis à jour le 09 mai 2012
 

S'en aller sans retour

Un roman de Francisco Arcis, publié au Seuil, en 2008, dans la collection Karactère(s).

S'en aller sans retour  Angélique trouve que ses parents se désintéressent d'elle, parce qu'elle a 16 ans et qu'elle est "grande". Elle sort souvent, rentre tard ou le lendemain sans que ses parents ne s'en inquiètent. Elle estime que son père ne sait que lui poser des interdictions, rien d'autre.
Elle décide donc de partir. Un matin, elle met dans son sac de cours deux bouteilles de lait, deux paquets de gâteaux secs et deux paquets de clopes piqués dasn la cartouche de son père, elle traîne un peu au centre commercial au lieu d'aller au lycée, puis elle prend le train pour Lyon.
A elle la liberté !
Très vite, il lui faut résoudre quelques problèmes pratiques : dormir, se nourrir, se laver. Le premier soir, elle loge chez une étudiante rencontrée un samedi soirau cours d'une virée. Mais comme elle fait des études d'assistante sociale, elle choisit de ne pas s'attarder... Elle a envoyé un message à sa copine, laquelle lui fait part de l'inquiétude de ses parents. Emue, elle rentrerait bien, mais elle croise Ludmilla. Cette fille qui vit dans la rue la repère à ses cheveux encore propres. Elle lui apprend à mendier, à zoner sans se faire prendre. Elle lui fait voir un squatt bien crasseux pour qu'elle réalise qu'il vaut mieux dormir la nuit sous les ponts de la Saône. Les journées des deux filles sont entièrement occupées à leur survie : avoir un peu d'argent, manger, être en éveil pour ne pas se faire repérer, trouver où dormir...
Vivre dans la rue en refusant toute aide est usant et dégrade rapidement le corps. Ludmilla s'affaiblit. Une nuit, elle commence à cracher du sang. Au matin, profitant de son inconscience, Angélique dépose Ludmilla dans une clinique et se décide à rentrer.


 La narratrice raconte son mal-être d'adolescente, sa rébellion, sa décision irréfléchie de partir pour être libre, sa vie dans la rue, son amitié avec l'autre fille. A la lecture, on décèle nettement l'écart existant entre le rêve d'être libre et la dure réalité de la vie dans la rue.
Le roman est centré sur la fugue de l'adolescente. On ne saura que peu de choses de ce qui l'a conduite à partir, sauf la solitude dans laquelle elle se trouve à ce moment de sa vie, l'apparent désintérêt de ses parents. Ce choix de l'auteur permet de mieux montrer la réalité de la vie d'une fugueuse : la mendicité, la faim, le froid, la saleté, le recours à l'alcool, le risque sexuel, la solitude, la sensation d'inexistence. L'absence de relations avec des gens "normaux" crée un risque de dégradation morale et physique aboutissant au mieux dans un service d'urgences hospitalières. C'est ce qui se passe pour Ludmilla. C'est ce qui choque Angélique et qui laisse penser qu'elle retrouvera le chemin de la normalité.
Ce texte est bien écrit. Avec ce qu'il faut pudeur, l'auteur laisse deviner sans les décrire, ce que pourraient être certaines situations violentes ou sordides. Il montre qu'il est sensible à ces situations de détresse. Il précise d'ailleurs que l'idée de ce livre lui est venue alors qu'il venait de déclarer la fugue d'une jeune fille coutumière du fait et qui savait disparaître. C'est un texte de prévention plus que d'émotion, un texte qui décrit avec lucidité la vie d'une fugueuse, qui affronte le rêve de liberté de la fugue.
Ce roman a le mérite de rappeler aux adultes que la fugue est toujours un risque, qu'elle est toujours un danger, que les adolescents peuvent ne jamais remonter la pente. Aux adolescents, il souligne qu'elle est une liberté qui, à terme, se paye toujours trop cher, lorsqu'elle ne rapporte plus que de la solitude, de la misère et de la souffrance. 

Pour des lecteurs de 12-13 ans.

© Jean TANGUY   14 septembre 2008