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Un roman de Kate
Banks, publié chez Gallimard,
en 2006, dans la collection Scripto.
Traduit de l'anglais
Elle s'appelle Lucrezia, ou
Lukey, il l'appelle Lou. Il s'appelle Olivier, elle
l'appelle Ollie. Ils ont treize ans, mais Ollie est né
quatre mois avant Lou. Leurs mères sont amies. Tous sont
romains, sauf le père d'Ollie qui est anglais. Ollie a
vécu à Rome jusqu'à sept ans. Ensemble, ils ont
visité toute la ville. Quand Ollie et sa famille ont
déménagé, Lou a bien compris qu'un déménagement, c'est un départ; et qu'un départ, c'est une perte.
Chaque été, ils se retrouvent au bord de la mer, dans la
maison des grands-parents de Lou, pour des vacances toutes
simples : baignades, sorties en mer sur un dériveur,
plage, poterie, cuisine, promenades. Cet été de leurs
treize ans, des nouveaux voisins se sont installés auprès
de la maison, avec un jeune de leur âge, Martin. Une fille
qu'ils rencontraient sur la plage depuis toujours, Anna Maria,
est vite devenue amoureuse de Martin. C'était inévitable, Maria tombait toujours amoureuse de tous les garçons. Lou, de son côté, se demande
où elle en est de sa relation avec Ollie. il m'était insupportable
d'imaginer Ollie comme mon petit ami, mais il m'était tout aussi
insupportable de l'imaginer avec une autre fille. C'était comme si on
m'ouvrait en deux avec un poignard. A la fin de l'été, Ollie et Martin prennent l'avion à destination de Milan. Un simple et pudique Ciao d'Ollie et un baiser furtif sur la joue ont suffit à faire savoir à Lou que leur amitié était scellée pour toujours.
Mais Lou ne reverra jamais Ollie...
Très joli roman servi
par une belle écriture chaleureuse. C'est un livre du
souvenir d'un "été qui n'aurait jamais dû
exister", que la narratrice écrit à l'âge de
seize ans. On ne peut
comprendre la raison de ce jugement avant d'arriver aux
dernières pages ou
brutalement et d'une façon non prévisible, on apprend
l'attentat et la mort d'Ollie. La référence
répétée à cet "été
qui n'aurait jamais dû exister" devient alors
compréhensible et explique pourquoi Lou a tant besoin de savoir
où elle en est de sa relation à Ollie. Elle explore
attentivement et calmement tout le petit monde de son été
au bord de la mer, les sentiments des uns et des autres, les moments
familiaux. Elle insiste sur cette immense complicité qui les
unit, Ollie et elle, la compréhension profonde qu'ils ont
l'un de l'autre, leur attachement inconditionnel. Il y a tout à
la fois de la légèreté et de la gravité
dans son récit.
Puis, brutalement, il y a la mort d'Ollie qui la broie d'autant plus
qu'elle ne pouvait être imaginée. Lou souffre, ne
pense qu'à la mort d'Ollie, perd l'insouciance de l'enfance, devient adulte en
peu de temps. Si la souffrance ne la détruit pas, c'est qu'elle
puise dans ce qu'elle a vécu avec Ollie la force de
continuer à vivre. Elle pense à lui chaque jour, et "elle
garde au fond de son coeur tous les beaux souvenirs qu'elle a de lui. Amicio mio. Ami del cuore".
J'ai beaucoup aimé ce roman où il ne se passe rien,
finalement. C'est un texte joliment écrit et bien traduit,
toujours un
peu distancié, pas triste du tout, tellement nostalgique.
Tout l'intérêt du livre est dans la perception sensible et
délicate que Lou a de ce qui s'est passé. Dans la
description de sa vie dans une famille attentive et chaleureuse,
une vie facile, agréable et plaisante qui se
brise à la fin de l'été. Parler de la
mort d'un jeune homme est forcément difficile et pose
toujours d'insolubles questions. Faire parler Lou de la mort de
son ami de coeur sans
tomber un seul instant dans le mélo était encore
plus difficile. C'est assez dire que ce roman mérite la lecture.
Pour garçons et
filles dès 12-13 ans.
© Jean TANGUY 01
février 2007
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