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Mis à jour le 09 mai 2012
Si même les arbres meurent
La Boutique Jaune

Si même les arbres meurent

Un roman de Jeanne Benameur, édité par Thierry Magnier en 2000,
dans la collection Roman.

si même les arbres meurent Dans un couloir d'hôpital, deux enfants se tiennent par la main. Depuis trois heures, Céline et Mathieu sont soudés l'un à l'autre. Soudés frère et soeur.   Leur père a fait une chute en montagne, il est dans le coma, plus près de la mort que de la vie. Sa mère est enclose, emmurée dans sa douleur. Chaque jour, elle les emmène à l'hôpital où ils passent tout leur temps. Pour résister au chagrin qui les entoure, Faut plus penser à rien. Juste tenir très fort la main de Céline (... ) le monde n'est plus le même. Ils sont tous les deux sur une île. Ils ne pleurent pas.
Mathieu invente alors une histoire d'Indiens, pour tenir et pour comprendre. Pour rester encore auprès de leur père, qui sera Grand Aigle. Mathieu est Aigle Brun, et Céline est Petite Montagne. Mathieu imagine la marche de Grand Aigle, jusqu'à y croire, sans que leur mère ne puisse se douter les voyages qu'ils font tous les trois.
Il y a aussi Paula, infirmière de nuit, qui un matin, s'est sentie saisie à la vue des deux enfants (...) dressés dans une autre attente. Comme tenus de l'intérieur. Et tout entiers pris là-dedans. Elle restera attentive à eux jusqu'au bout. Simple présence.
Il y a aussi Fabien, l'ami de Mathieu, qui lui écrit du collège où il ne peut plus être attentif aux cours. Mathieu ne lui répond pas. Non, il faut rester seuls. personne ne peut comprendre.
Quand le médecin appelle leur mère, Mathieu a inventé un autre jeu qui les emmène au sous-sol de l'hôpital. Ils y rencontrent Issaïa, un balayeur noir. Un sage, surtout, qui lui recommande de laisser sa peur. Je la balaierai tout à l'heure. Tu peux tout laisser tomber de ton coeur sur le sol. Plus tard, quand Céline est dans les bras de sa mère, Mathieu redescend avec Issaïa, et lui apprend qu'on quitte toujours son village. Pour aller plus loin. (...) Toi, tu quitteras tes montagnes ? Il lui dit encore : Tu continues à aimer l'homme de la montagne. L'amour, c'est comme l'air, ça continue.


Voici un livre extrêmement poignant. qui se lit d'un trait, faisant naître une forte émotion. Il traite, avec une rare délicatesse, de l'accident qui stupéfie, qui effondre, qui pulvérise. Il parle avec beaucoup de sensibilité de la mort, de cet événement inéluctable que chacun doit affronter et dépasser pour continuer à vivre.
L'auteur montre bien que c'est en soi que l'on trouve la ressource qui aide à supporter les moments douloureux de la vie, qu'il faut rentrer en soi, se replier pour trouver l'énergie nécessaire à la survie.
J'ai beaucoup admiré la rencontre des enfants avec Issaïa, leur entretien, les mots qu'il dit pour expliquer que si la mort passe, l'amour continue, pour expliquer que la mort de son père est son entrée dans une grande paix. Issaïa dit ce qu'on ne peut jamais prononcer dans ces moments-là. Parce qu'on est embarassé par la pudeur. Parce qu'il y a la souffrance. Parce qu'on est dans la vie et non dans le texte du roman. Parce qu'on n'a pas le temps de réfléchir à ce qu'on pourrait dire. Parce qu'on n'a pas le talent de Jeanne Benameur.
C'est pourquoi il ne faut pas laisser passer ce livre émouvant et pudique.
Pour garçons et filles à partir de 12-13 ans.

   © Jean TANGUY  19 mai 2001 

La boutique jaune

Un roman de Jeanne Benameur, édité par Thierry Magnier en 2002,
dans la collection Roman.

La boutique jauneDans la rue où habite Marion, il y a une boutique fermée, très ancienne, une sorte d'objet de collection. Chaque jour en passant devant, Marion caresse le bois de la devanture. C'est un rituel, un talisman. Marion est passionnée de photo, elle sera photographe. C'est pour cette raison qu'elle pose sur le monde et les gens, un regard particulier.
Un jour, elle rencontre un voisin, Adalbert Lecoeur, un vieil homme qui l'invite dans sa très belle maison, cachée au fond de l'allée fleurie d'un immeuble qui ne paie pas de mine. Le vieil homme a toujours habité là, il connaît toute l'histoire du quartier. Il connaît surtout la romantique et dramatique histoire d'Amélie et de Jacques Treille qui ont habité la Boutique Jaune dans les années 20, cette histoire qui intéresse Marion. Amélie et Hortense, la mère d'Adalbert, étaient amies d'enfance. Elles partageaient la même passion et le même don pour le jardinage. Ce sont elles qui ont planté l'allée qui conduit à la maison Lecoeur et le jardin caché derrière la Boutique Jaune.
Mais c'était la guerre. Jacques y a laissé sa vie. Amélie ne s'en est pas remise. Elle n'a plus parlé, sauf le jour où elle a annoncé à son jeune voisin qu'elle partait pour l'Afrique, définitivement, pour y construire une école.
Depuis, la Boutique Jaune est fermée. Mais cette nuit pas comme les autres selon Fatou, l'amie de Marion, on a entendu des chants dans cette boutique. Pour Marion, la guetteuse, Adalbert va raconter l'histoire des deux amoureux de la Boutique Jaune. Il va même retourner, une nuit, dans la boutique abandonnée, suivi de près par Marion, évidemment...
Puis Marion va y revenir le lendemain, avec Fatou, son amie à qui elle ne cache rien et dont la grand-mère possède des poupées békélé. Et avec Stéphane, son ami qui rêve d'un amour avec elle... Tous vont connaître une histoire qu'ils ne pouvaient soupçonner.
Décidément, la vie chaleureuse de la Boutique Jaune n'est pas achevée...


Pas de doute, Jeanne Benameur sait conter des histoires, et des belles ! C'est un superbe roman qui captive son lecteur jusqu'à la fin. C'est plein d'images : les descriptions de l'intérieur de la maison d'Adalbert Lecoeur que Marion photographie la nuit, du jardin de la Boutique Jaune, des poupées, des gens, des attitudes, des sentiments.
L'histoire contient des éléments dramatiques : la mort du jeune soldat fusillé pour avoir voulu revoir sa belle, la tristesse d'Amélie et son départ. Elle contient surtout de beaux moments : la rencontre de Marion et du vieil homme, l'entrée de Marion dans la pièce privée des parents d'Adalbert et sa rencontre avec la poésie, les réflexions des personnages sur ce qu'ils vivent.
Les personnages sont sympathiques. On retiendra particulièrement que les anciens, Adalbert et la grand-mère de Fatou, sont des personnes qui incarnent la sagesse, qui possèdent un savoir sur le monde.
On y parle d'amour, de passion plutôt que de métier, de contes qui embellissent la vie, de fidélité et de tendresse.
Même si l'univers que nous dessinne Jeannne Benameur pourra paraître trop beau, trop plein de bons sentiments et de beaux moments, la vie est assez difficile comme cela et la littérature de jeunesse est assez pleine de romans aux situations dures et dramatiques pour que nous nous laissions emporter par texte où le monde n'est que bon et beau (ou presque).
La lecture de ce livre est un moment de beauté lumineuse et d'émotion.

Pour des lecteurs et lectrices dès la 5e.

© Jean TANGUY  5 mai 2002