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Si même les arbres meurent |
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La Boutique Jaune |
Si même
les arbres meurent
Un roman de Jeanne Benameur,
édité par Thierry Magnier en 2000,
dans la collection Roman.
Dans un couloir d'hôpital, deux enfants se tiennent par la main.
Depuis trois heures, Céline et Mathieu sont soudés l'un à l'autre.
Soudés frère et soeur. Leur père a fait une
chute en montagne, il est dans le coma, plus près de la mort que
de la vie. Sa mère est enclose, emmurée dans sa douleur. Chaque
jour, elle les emmène à l'hôpital où ils passent tout leur temps. Pour
résister au chagrin qui les entoure, Faut plus penser
à rien. Juste tenir très fort la main de Céline
(... ) le monde n'est plus le même. Ils sont tous les deux
sur une île. Ils ne pleurent pas.
Mathieu invente alors une histoire d'Indiens, pour tenir et
pour comprendre. Pour rester encore auprès de leur père,
qui sera Grand Aigle. Mathieu est Aigle Brun, et Céline
est Petite Montagne. Mathieu imagine la marche de Grand Aigle,
jusqu'à y croire, sans que leur mère ne puisse se
douter les voyages qu'ils font tous les trois.
Il y a aussi Paula, infirmière de nuit, qui un matin, s'est
sentie saisie à la vue des deux enfants (...) dressés
dans une autre attente. Comme tenus de l'intérieur. Et
tout entiers pris là-dedans. Elle restera attentive
à eux jusqu'au bout. Simple présence.
Il y a aussi Fabien, l'ami de Mathieu, qui lui écrit du
collège où il ne peut plus être attentif aux
cours. Mathieu ne lui répond pas. Non, il faut rester
seuls. personne ne peut comprendre.
Quand le médecin appelle leur mère, Mathieu
a inventé un autre jeu qui les emmène au sous-sol
de l'hôpital. Ils y rencontrent Issaïa, un balayeur
noir. Un sage, surtout, qui lui recommande de laisser sa peur.
Je la balaierai tout à l'heure. Tu peux tout laisser tomber
de ton coeur sur le sol. Plus tard, quand Céline est
dans les bras de sa mère, Mathieu redescend avec Issaïa,
et lui apprend qu'on quitte toujours son village. Pour aller
plus loin. (...) Toi, tu quitteras tes montagnes ? Il lui
dit encore : Tu continues à aimer l'homme de la montagne.
L'amour, c'est comme l'air, ça continue.
Voici un livre extrêmement poignant. qui se
lit d'un trait, faisant naître une forte émotion. Il traite, avec
une rare délicatesse, de l'accident qui stupéfie,
qui effondre, qui pulvérise. Il parle avec beaucoup de
sensibilité de la mort, de cet événement
inéluctable que chacun doit affronter et dépasser
pour continuer à vivre.
L'auteur montre bien que c'est en soi que l'on trouve la ressource
qui aide à supporter les moments douloureux de la vie,
qu'il faut rentrer en soi, se replier pour trouver l'énergie
nécessaire à la survie.
J'ai beaucoup admiré la rencontre des enfants avec Issaïa,
leur entretien, les mots qu'il dit pour expliquer que si la mort
passe, l'amour continue, pour expliquer que la mort de son père
est son entrée dans une grande paix. Issaïa dit ce
qu'on ne peut jamais prononcer dans ces moments-là. Parce
qu'on est embarassé par la pudeur. Parce qu'il y a la souffrance.
Parce qu'on est dans la vie et non dans le texte du roman. Parce
qu'on n'a pas le temps de réfléchir à ce
qu'on pourrait dire. Parce qu'on n'a pas le talent de Jeanne Benameur.
C'est pourquoi il ne faut pas laisser passer ce livre émouvant
et pudique.
Pour garçons et filles à partir de 12-13 ans.
© Jean TANGUY 19
mai 2001
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La boutique
jaune
Un roman de Jeanne Benameur,
édité par Thierry Magnier en 2002,
dans la collection Roman.
Dans
la rue où habite Marion, il y a une boutique fermée,
très ancienne, une sorte d'objet de collection.
Chaque jour en passant devant, Marion caresse le bois de la devanture.
C'est un rituel, un talisman. Marion est passionnée
de photo, elle sera photographe. C'est pour cette raison qu'elle
pose sur le monde et les gens, un regard particulier.
Un jour, elle rencontre un voisin, Adalbert Lecoeur, un vieil
homme qui l'invite dans sa très belle maison, cachée
au fond de l'allée fleurie d'un immeuble qui ne paie pas
de mine. Le vieil homme a toujours habité là, il
connaît toute l'histoire du quartier. Il connaît surtout
la romantique et dramatique histoire d'Amélie et de Jacques
Treille qui ont habité la Boutique Jaune dans les années
20, cette histoire qui intéresse Marion. Amélie
et Hortense, la mère d'Adalbert, étaient amies d'enfance.
Elles partageaient la même passion et le même don
pour le jardinage. Ce sont elles qui ont planté l'allée
qui conduit à la maison Lecoeur et le jardin caché
derrière la Boutique Jaune.
Mais c'était la guerre. Jacques y a laissé sa vie.
Amélie ne s'en est pas remise. Elle n'a plus parlé,
sauf le jour où elle a annoncé à son jeune
voisin qu'elle partait pour l'Afrique, définitivement,
pour y construire une école.
Depuis, la Boutique Jaune est fermée. Mais cette nuit
pas comme les autres selon Fatou, l'amie de Marion, on a entendu
des chants dans cette boutique. Pour Marion, la guetteuse, Adalbert
va raconter l'histoire des deux amoureux de la Boutique Jaune.
Il va même retourner, une nuit, dans la boutique abandonnée,
suivi de près par Marion, évidemment...
Puis Marion va y revenir le lendemain, avec Fatou, son amie à
qui elle ne cache rien et dont la grand-mère possède
des poupées békélé. Et avec Stéphane,
son ami qui rêve d'un amour avec elle... Tous vont connaître
une histoire qu'ils ne pouvaient soupçonner.
Décidément, la vie chaleureuse de la Boutique Jaune
n'est pas achevée...
Pas de doute, Jeanne Benameur sait conter des
histoires, et des belles ! C'est un superbe roman qui captive
son lecteur jusqu'à la fin. C'est plein d'images : les
descriptions de l'intérieur de la maison d'Adalbert Lecoeur
que Marion photographie la nuit, du jardin de la Boutique Jaune,
des poupées, des gens, des attitudes, des sentiments.
L'histoire contient des éléments dramatiques : la
mort du jeune soldat fusillé pour avoir voulu revoir sa
belle, la tristesse d'Amélie et son départ. Elle
contient surtout de beaux moments : la rencontre de Marion et
du vieil homme, l'entrée de Marion dans la pièce
privée des parents d'Adalbert et sa rencontre avec la poésie,
les réflexions des personnages sur ce qu'ils vivent.
Les personnages sont sympathiques. On retiendra particulièrement
que les anciens, Adalbert et la grand-mère de Fatou, sont
des personnes qui incarnent la sagesse, qui possèdent un
savoir sur le monde.
On y parle d'amour, de passion plutôt que de métier,
de contes qui embellissent la vie, de fidélité et
de tendresse.
Même si l'univers que nous dessinne Jeannne Benameur pourra
paraître trop beau, trop plein de bons sentiments et de
beaux moments, la vie est assez difficile comme cela et la littérature
de jeunesse est assez pleine de romans aux situations dures et
dramatiques pour que nous nous laissions emporter par texte où
le monde n'est que bon et beau (ou presque).
La lecture de ce livre est un moment de beauté lumineuse
et d'émotion.
Pour des lecteurs et lectrices dès la 5e.
© Jean TANGUY 5 mai 2002
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