Un roman de Anne-Laure Bondoux,
publié chez Bayard, en 2003,
dans la collection MilléZime.
Là-bas, au Chili, à l'autre bout du monde, le jeune Paolo
Paloverdo vit avec ses parents, dans une pauvreté extrême.
La vie est rude sur cette terre inhospitalière balayée par
les vents, que ne visitent guère que quelques scientifiques, ou
parfois un poète. Paolo vit dans une certaine indifférence,
avec des parents qui ne lui manifestent aucune affection.
Arrive Angel Allegria, un truand, un escroc, un assassin (...)
recherché par les polices de Talcahuano, de Temuco et de Puerto
natales. Froidement, il tue ses parents. Il épargne Paolo parce
qu'il n'a jamais tué d'enfant et parce qu'il sait faire
la soupe. Ensemble, ils enterrent les deux parents, sans que cela
suscite émotion ou chagrin chez l'enfant. Puis la vie continue.
Ils cohabitent dans la bonne entente, s'entraident dans les travaux.
Puis arrive Luis Secunda, un riche érudit fuyant Valparaiso, qui
leur demande l'hospitalité. Pour Angel, la simple présence
de cet homme est une menace pour sa sécurité. Déja
sa main serre le couteau, il va le tuer quand Paolo l'appelle "Papa".
Il lui laisse la vie sauve. Les trois personnes vont maintenant vivre
ensemble, dans des conditions matérielles de plus en plus difficiles.
Angel découvre peu à peu que la confiance et la candeur
lui enlèvent le goût de tuer. Luis apprend à l'enfant
à lire dans un livre de poésie. Une rivalité s'instaure
entre les deux hommes qui tiennent à gagner l'amour de Paolo.
Lorsque rien ne pourra plus les nourrir, ils vont se rendre à une
foire au bétail. Avec l'argent de Luis, ils comptent acheter dix
moutons et une vache. Ils n'ont pas prévu que le contact avec
le monde extérieur va modifier le cours de leur existence. Qu'une
simple nuit dans une auberge minable fait découvrir la peinture
à Paolo et permet à Luis de nouer une relation avec une
femme. Qu'Angel va être recherché parce qu'il a dépouillé
des gens pour faire ce voyage. Que Paolo va vouloir une vie meilleure
simplement parce qu'il aura foulé la moquette de la banque de Luis,
qui ne retournera pas dans le sud. Qu'au retour, ils seront hébergés
chez un bûcheron qui a abattu son dernier arbre et qui possède
une bibliothèque pleine de livres...
Que finalement, Paolo rentrera seul sans sa Maison du bout de la terre,
transformé par ce voyage...
Un roman superbement écrit,
émouvant, dur et fort. Plus que l'horreur et la violence du comportement
d'Angel Allegria, il y a ce voyage d'un enfant d'une quasi-animalité
vers l'humanité. C'est un roman initiatique dans lequel domine
la recherche de l'amour. Chaque découverte, chaque rencontre, chaque
épreuve est pour chacun des personnages, une avancée en
humanité, une quête d'une vie meilleure, un désir
de s'accomplir dans des relations "normales". Au fil des jours,
les relations affectives se nouent et évoluent sans que la volonté
des personnages ne soit sollicitée.
L'assassin n'est pas antipathique, sans doute parce qu'il combat sa violence,
parce qu'il a entamé une rédemption, parce qu'il se
laisse toucher par la candeur de l'enfant. Il n'échappera cependant
pas au châtiment ultime pour les crimes qu'il a commis avant de
rencontrer Paolo.
Pour tous, la vie est cruelle dans ce lambeau déchiré
du Chili. Trop cruelle pour Luis et Delia qui le fuiront et feront
un tour du monde, sans jamais oublier Paolo. trop cruelle aussi pour Angel
Allegria n'y reviendra pas. Seul Paolo s'y établira à nouveau,
pour y vivre plus que pour survivre. Peut-être parce que là
est son histoire. Ou plutôt par c'est là que se trouve son
avenir, dans la vie qu'il mènera avec Terusa, la jeune fille qui
porte un uniforme de la poste chilienne.
Car, enfin, est-ce vivre que vivre sans amour ?
Pour garçons et filles aux environs de 13 ans.
© Jean TANGUY 01 février 2004
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