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Les Gitans partent toujours
de nuit Un roman de Daniella
Carmi, publié chez Gallimard, en 2003, dans la collection
Scripto. Traduit de l'hébreu.
A la Résidence des Pins, une institution spécialisée,
Talya est devenue l'amie de Beky Vasana, une jeune fille tout à la
fois rêveuse et énergique. Toutes les deux s'amusent à
s'inventer une famille idéale. Beky se prétend fille de Gitan.
Alors que les autre filles dorment, dans le dortoir, Beky chuchote des histoires
de gitans qui n'habitent nulle part, qui se mettent à chuchoter,
et leurs chuchotements se propagent de groupe en groupe, autour des feux,
le vent disperse les voix comme s'il soufflait sur des braises. Les animaux
se réveillent subitement. Les chevaux piaffent, les ânes secouent
la tête. Les clochettes attachées au cou des chèvres
tintent doucement, un tintement lointain. Et cette nuit-là, les bêtes
flairent l'odeur de l'expulsion. Le soir, Beky s'échappe pour
aller retrouver un homme, un marchand de glaces. Elle prétend que
c'est son père. Le temps d'une fugue, Kami les emmène au village
où vivait la famille de cet homme, revoir les ruines de la maison,
se mouiller les mains dans le puits quasiment bouché. Plus tard,
un attentat permet de démêler l'écheveau du rêve
et de la réalité. Kami est devenu un terroriste palestinien.
Beky explique que c'est parce qu'il avait terriblement besoin de ce boulot
de vendeur de glaces et qu'il a été licencié. Que
c'est lui qui a élevé ses petits frères. Qu'il écoutait
les histoires tristes de son grand-père. Qu'il marchait sans chaussures
pour pouvoir sentir sous ses piedes chaque caillou et chaque brin d'herbe
et retrouver du bout de orteils le chemin de sa terre perdue... Beky
est transférée dans un autre foyer. Quelques mois plus tard,
Talya retourne définitivement dans sa maison. Mais elle n'oubliera
jamais Beky et ses rêves généreux.
Très joli récit qui mêle poésie
et politique. On est entraîné dans une sorte de délire
d'enfants placés dans une institution, qui ne rêvent que d'en
sortir en se trouvant des parents. Et peu à peu, on glisse vers le
domaine politique des relations entre Israéliens et Palestiniens.
Vers Kami, cet homme qui vend des glaces et que Beky va retrouver chaque
nuit, ce Palestinien qui a besoin de ce travail pour élever ses frères
et pour faire vivre son père, dans la bande de Gaza. Un homme qui
se fait licencier pour s'être absenté afin de prendre soin
de son père, puis qui, désespéré, commet un
attentat. Pour avoir entretenu des relations d'amitié avec cet homme,
Beky est transféré dans un foyer réputé plus
disciplinaire. Ce mélange de rêve qui enjolive la vie et
de dénonciation politique de la réalité est particulièrement
réussi. L'intrigue se complique et se dévoile avec une lenteur
délicieuse.
Un roman qui devrait plaire
aux garçons et filles à partir de 12-13 ans. |