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Mis à jour le 09 mai 2012
 

Les Gitans partent toujours de nuit

Un roman de Daniella Carmi, publié chez Gallimard, en 2003, dans la collection Scripto.
Traduit de l'hébreu.

Tellement tu es ma soeur ! A la Résidence des Pins, une institution spécialisée, Talya est devenue l'amie de Beky Vasana, une jeune fille tout à la fois rêveuse et énergique. Toutes les deux s'amusent à s'inventer une famille idéale. Beky se prétend fille de Gitan. Alors que les autre filles dorment, dans le dortoir, Beky chuchote des histoires de gitans qui n'habitent nulle part, qui se mettent à chuchoter, et leurs chuchotements se propagent de groupe en groupe, autour des feux, le vent disperse les voix comme s'il soufflait sur des braises. Les animaux se réveillent subitement. Les chevaux piaffent, les ânes secouent la tête. Les clochettes attachées au cou des chèvres tintent doucement, un tintement lointain. Et cette nuit-là, les bêtes flairent l'odeur de l'expulsion. Le soir, Beky s'échappe pour aller retrouver un homme, un marchand de glaces. Elle prétend que c'est son père. Le temps d'une fugue, Kami les emmène au village où vivait la famille de cet homme, revoir les ruines de la maison, se mouiller les mains dans le puits quasiment bouché.
Plus tard, un attentat permet de démêler l'écheveau du rêve et de la réalité. Kami est devenu un terroriste palestinien. Beky explique que c'est parce qu'il avait terriblement besoin de ce boulot de vendeur de glaces et qu'il a été licencié. Que c'est lui qui a élevé ses petits frères. Qu'il écoutait les histoires tristes de son grand-père. Qu'il marchait sans chaussures pour pouvoir sentir sous ses piedes chaque caillou et chaque brin d'herbe et retrouver du bout de orteils le chemin de sa terre perdue...
Beky est transférée dans un autre foyer. Quelques mois plus tard, Talya retourne définitivement dans sa maison. Mais elle n'oubliera jamais Beky et ses rêves généreux.


Très joli récit qui mêle poésie et politique. On est entraîné dans une sorte de délire d'enfants placés dans une institution, qui ne rêvent que d'en sortir en se trouvant des parents. Et peu à peu, on glisse vers le domaine politique des relations entre Israéliens et Palestiniens. Vers Kami, cet homme qui vend des glaces et que Beky va retrouver chaque nuit, ce Palestinien qui a besoin de ce travail pour élever ses frères et pour faire vivre son père, dans la bande de Gaza. Un homme qui se fait licencier pour s'être absenté afin de prendre soin de son père, puis qui, désespéré, commet un attentat. Pour avoir entretenu des relations d'amitié avec cet homme, Beky est transféré dans un foyer réputé plus disciplinaire.
Ce mélange de rêve qui enjolive la vie et de dénonciation politique de la réalité est particulièrement réussi. L'intrigue se complique et se dévoile avec une lenteur délicieuse.

Un roman qui devrait plaire aux garçons et filles à partir de 12-13 ans.

  © Jean TANGUY  08 juin 2003