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L'Affaire Jennifer Jones Un roman de Anne Cassidy,
publié chez Milan,
en 2006, Alice Tully, 17 ans, est étudiante. Elle
a un petit emploi de serveuse dans un bistrot. Son petit ami, Frankie,
est plein de patience et d'attention pour elle. Elle mène la vie sans
histoire de plein d'autres filles de son âge . Ce roman a été inspiré par deux
faits réels. En 1993, deux enfants de 10 ans ont enlevé et assassiné
James Bulger, un garçon de 3 ans. En 1960, Mary Bell, 10 ans, avait
étranglé deux enfants de 3 et 4 ans. Quatre années après sa sortie de
prison en 1980, la presse l'a recherchée, la contraignant à plusieurs
déménagements avec sa petite fille qui ne connaissait rien de son
passé. Le
roman d'Anne Cassidy est un roman noir, souvent oppressant, à
l'atmosphère malsaine du fait du meurtre commis par la fillette,
d'allusions à la prostitution, de relations empreintes de violence, de
l'évocation d'une relation sexuelle. Il n'a pas de thème central
puisqu'il est question de mort, de sexe, de dégradation de la
personne, de négligence éducative et de maltraitance, de prostitution,
de sexe, de l'irrespect des médias cherchant un scoop. De remords et de
reconstruction, aussi. Des sujets graves qui "scotchent" les
adolescents qui empruntent ce livre. Le tetxe oblige le
lecteur à réfléchir à la question de la peine. Quand une personne a
effectué la peine que lui a infligé le tribunal au nom de la société,
celle-ci doit considérer qu'elle a payé, qu'elle est réintégrée et ne
plus lui tenir rigueur de son passé. On sait assez que ce n'est pas
souvent le cas... Mais dans le roman, la jeune fille fait
tardivement son entrée dans la société, si on admet qu'elle en a été
exclue le temps de sa détention. C'est comme si elle n'avait pas eu
d'enfance. C'est une adolescente angoissée par la crainte de revoir sa
mère, d'être reconnue, de perdre la protection affectueuse et
attentionnée de Rosie, la travailleuse sociale chez qui elle est
hébergée, d'être délaissée par son petit ami très amoureux mais un peu
trop macho. Elle regrette son geste dont elle semble ne pas encore
avoir compris la raison. Elle se réinsère, avec détermination et
courage, dans une forme de précarité liée à sa nouvelle identité .
Vivre ainsi l'oblige à se surveiller constamment,
à mentir sur son passé, car elle sait que si elle est reconnue, elle
perdra complètement ses relations, elle changera de ville,
d'université, elle quittera son petit ami... Ce qui va se produire,
puisqu'elle deviendra Kate Rickman, étudiante en histoire dans une
autre ville, sans famille, sans connaissances, sans ami(e)s, sans
passé, mais avec, espère-t-on, un avenir. Ce roman fait partie de la sélection publiée dans un numéro de Lecture Jeune consacré aux "romans violents".
Je n'ai pas trouvé qu'il soit violent. Il est sombre, angoissant parce
que l'avenir d' Alice/Jennifer/Kate est fragile et incertain. Je le
considère comme un roman dérangeant, parce qu'il y est question d'une
meurtrière que l'on devrait détester alors qu'on éprouve pour elle de
la compassion et qu'on désire qu'elle se réinsère au mieux. D'ailleurs,
on est certain qu'elle n'a pas une personnalité de meurtrière, qu'elle
ne recommencera pas. C'est gênant de ne pas pouvoir oublier le crime et
de ne pas arriver à en vouloir à la meurtrière, qui est aussi une
victime... Le roman a été sélectionné, en Angleterre,
pour deux prix prestigieux et a reçu le prix du meilleur livre ado. En
France, il a été remarqué par Zaziweb qui lui a décerné le prix de la petite édition, et a été sélectionné pour le prix des Incorruptibles. Un bon roman bien écrit, dans une veine dramatique et réaliste, qui suscite de l'émotion. A conseiller sans hésiter à des garçons et filles à partir de 14-15 ans. © Jean TANGUY -- 25 juillet 2009 |