La
boxe du Grand Accomplissement
Un roman de Jean-François
Chabas, publié à L'Ecole
des loisirs, en 2004,
dans la collection Médium.
Rutdger Dijk a connu une aventure
singulière. L'année suivant sa
naissance aux Pays-Bas, une grave inondation emporta sa famille. Lui
survécut sauvé par son lit de bois qui
avait fait office d'embarcation. Orphelin il est pris en
charge par l'Etat qui le plaçe dans un orphelinat. Il couche
dans un dortoir près d'un ronfleur, un vrai
phénomène de foire
qui l'empêche de dormir, tout simplement. Vers six-sept ans,
une nuit
qu'il erre dans les sous-sols, il surprend son directeur, Gerrit
Haasse, torse nu, en train de boxer sauvagement un sac de sable. Il
croyait cet homme très rigide, coincé,
amidonné comme ses chemises.
figé, il découvre autre chose que son apparence,
une passion pour la
boxe anglaise à mains nues -discipline interdite par la loi-
qui
l'entraîne, une fois par mois, dans des combats clandestins
qu'il gagne
toujours. Il noue une relation particulière avec cet homme
qu'il trouve
immense, très fort physiquement et qui -en
échange de son secret-
consent à lui servir de maître.
Mais ce directeur a un frère,
Erasmus, un missionnaire qui semblerait avoir été
capturé par des
Papous. N'écoutant que sa fibre fraternelle, Gerrit Haasse
s'envole
pour aller sauver son frère. Le changement de directeur ne
réussit pas
à Rutdger qui est placé dans une maison de
redressement. Là, il est
accueilli par Adrian, dit "le cinglé", qui lui
balançe d'entrée un pot
de minium orange sur la tête. Ce qui lui vaut le surnom de
"martien" et
l'obligera un peu plus tard à sauver son honneur
à coups de poings, se
découvrant ainsi des talents naturels pour le combat.
Alors, de maître en maître, pratiquant la boxe,
puis l'arnis aux
Philippines, puis le judo, et enfin le tai ki ken au Japon, Rutdger
effectue un parcours de combattant cherchant à comprendre
comment ses
maîtres peuvent être aussi puissants, aussi sages,
aussi respectables.
On lui avait dit, à propos du ki, de l'énergie
qui habite chaque personne, Pratiquez longtemps,
peut-être vous que comprendrez.
C'est ce qu'il ne cessa de faire, au prix d'efforts imposants,
d'humilité, de souffrances, d'importants sacrifices
physiques,
d'abnégation. Jusqu'à trouver son
équilibre, la sérénité
intérieure.
Un
roman d'allure autobiographique qui est un roman initiatique et un bel
hommage aux arts martiaux envisagés comme des disciplines de
combat
destinées à sauver sa vie, et non comme des
sports de compétition. Il
montre qu'il faut une grande détermination et une
réelle force de
caractère pour tirer profit de cette discipline de vie et
trouver la
sérénité et la liberté.
C'est écrit avec talent, un humour
irrésistible et drôle. De nombreuses
péripéties, certaines vraiment
drôles, rendent l'ennui impossible, même lorsque le
texte est un peu
didactique.
L'origine du garçon pourrait faire attendrir le lecteur.
Jamais Rutdger
Dijk n'implore la compassion. Il mène sa vie, trace sa route
avec
droiture et courage, ne supportant pas l'outrage fait aux plus faibles,
ni l'injustice. il montre qu'il y a toujours une voie pour grandir,
qu'on trouve en étant actif, en prenant des risques, en
abordant les
difficultés avec confiance.
Rutdger, tout comme Adrian qui devient père d'une famille
nombreuse,
sont des gens qui choisissent leur vie. Tous deux s'exilent
à cause de
leur quête et de leur amitié, le restent par
amour, par fidélité à un
idéal. Tous deux peuvent être violents et
dangereux, tous deux seront
au bout du compte des hommes de paix et de tranquilité
menant une vie
sereine et pacifiée.
J'ai apprécié que Jean-François Chabas
montre que dans les arts martiaux, un
Grand maître doit être un guerrier
habité d'une sauvagerie. Il doit
aussi être intelligent et circonspect (...) être
capable de transmettre
son savoir. Un guerrier, un penseur, un homme
généreux. Bel idéal !
Très beau roman pour
des lecteurs à partir de 12-13 ans.
©
Jean TANGUY 02 janvier 2005
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