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Rages
Un roman de Chris Crutcher
édité chez Bayard en 1998. Traduit de l'américain.
Quand
Bro Brewster a quitté le terrain où il s'entraînait avec l'équipe de football
américain du lycée, après avoir insulté Redmond, l'entraîneur et prof
d'anglais, celui-ci a décidé de ne plus le lâcher. Si bien qu'au bout
de trois renvois des cours, Bro n'a plus eu d'autre solution que de participer
au groupe de contrôle de la colère. Là, il a découvert que ceux
qu'il considérait comme une bande de cinglés étaient, comme lui, des jeunes
ayant subi pour leur bien, des sévices dans leurs familles. Des
garçons violents et une fille ayant décidé de ne plus l'être. Au fil des
réunions, il a pu se représenter l'humiliation que son père lui a fait
subir, et qui l'a rendu violent. Et il a pu lui en parler.
Sa rage, il l'avait tournée contre lui, le sportif décidé à gagner un
terrible triathlon, le Yukon Jack's, une petite promenade en enfer
qu'on prépare avec des heures et des heures d'exercices physiques, des
poids à soulever, des longueurs de piscine... Une interminable brimade
que l'on impose à son corps.
Mais petit à petit, le groupe va se souder autour de lui et son challenge
va devenir leur challenge. Il va vouloir la victoire non seulement pour
lui, mais pour les autres, et, bien sûr, pour Shelly, la seule fille du
groupe. Cette rage de vaincre va redonner un sens à leur vie, un moyen
de s'exprimer autrement que par la colère et la violence. Une fierté
de devenir meilleurs.
Le roman est écrit sous la forme de lettres adressées
à Larry King, un journaliste de CNN très connu aux États-Unis. Le ton
est vif, piqué d'humour et de distance. Le sujet est grave : comment vivre
avec d'autres quand sa vision du monde est obscurcie par de terribles
humiliations ? Le déroulement de l'histoire ne permet pas d'en pressentir
l'heureuse issue. Si bien qu'on s'attache aux personnages et qu'on souhaite
qu'ils s'en sortent. C'est un beau livre, dur, sans concession, qui parle
dans un langage clair des violences dégradantes que subissent des enfants
dans les familles. Il invite à la tolérance, au respect de ceux dont la
souffrance intérieure les rend insupportables. Pas facile...
Un des intérêts, et non des moindres, est qu'il laisse entendre qu'il
peut exister pour ces insupportables, d'autres solutions que l'exclusion.
Que tout être est éducable.
Pour des jeunes, garçons et filles, dès la 3e,
moyens et bons lecteurs (le roman fait plus de 300 pages).
© 24 juillet, 2000
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