Le transfo
  Le transfo
Issa, enfant des sables
  Fuite en mineur

 

  Le transfo

Un roman de Sylvie Deshors, publié chez  Rageot, en 2006 

Le transfo  Bô a l'habitude de s'installer sur le toit d'un transfo pour dessiner, dominant la ville. C'est son coin sa terrasse isolée, son territoire, son refugue, loin du bruit, loin de toute agitation, loin du tintamarre, douloureux de la ville. Il s'y retire pour dessiner. Une fille, Angela est venue sur son carré de béton. Jolie, teigneuse, une fille à la voix rauque, harcelée par des garçons d'une cité qui colportent sur son compte des rumeurs de fille facile, de fille des caves, de garce du quartier. Bô entend cette voix rauque qui s'inscrit pile dans la courbe de son audiogramme. La courbe des fréquences qu'il entende. C'est très rare. ... Et Bô devient amoureux d'Angela.
Il la revoit au collège, puis à la bibliothèque où un garçon l'embête. Il prend sa défense, quand elle est menacée.
Lui qui subit les exigences démesurées de son professeur d'allemand, qui est perturbé par le comportement de cette fille, qui est choqué qu'on puisse les haïr, décide de partir voir la mer, la mer ou l'océan, il n'a pas décidé. Angela part avec lui. A Valence, ils descendent du train et changent de plan pour monter dans la montagne.
Dans cet endroit que Bô connaît et est connu pour y passer des vacances, ils passent quelques jours au calme, quelques jours magiques...


Une histoire qui pourrait n'être que banale : deux adolescents se rencontrent sur la base de leurs problèmes, découvrent l'amour, font une escapade pour découvrir le sens de leur vie. C'est la personnalité des deux jeunes qui donne au roman sa dimension humaine toute empreinte de dignité, de courage et de force.
Bô, le garçon est atteint de surdité sévère, sa vie est souvent difficile, il a du mal à comprendre ce qu'on lui dit, il ne peut pas se mêler à un groupe, àau collège, on exige beaucoup, de lui. Rien qui ne fasse qu'il s'autorise à se plaindre constamment de son handicap.
Angela, la jeune fille supporte une réputation de fille facile, elle pourrait être soumise aux garçons de la cité, mais elle résiste, sauvant son honneur et sa fierté. Pas étonnant que ces deux êtres sensibles, bousculés par la vie, se rencontrent...
Mais ce n'est pas qu'un roman d'honneur et de courage, c'est aussi un texte romantique, avec cette découverte émerveillée et douce, infiniment respectueuse de l'autre pendant l'expédition en montagne.
Et c'est un roman initiatique. Les personnages découvrent le sens de leur vie, apprennent à décider de leur avenir. Lui a une famille correcte, il reprend contact avec ses parents et les retrouve. Il pourra continuer à dessiner. Elle n'a qu'un père peu attentionné, démoli par le départ de son épouse, une Cubaine fantasque. Ne s'y sentant plus attachée, elle reste chez le fermier qui les a aidé pendant ces quelques jours de liberté. Premier pas dans une vie d'adulte libre.
A ceci s'ajoute une jolie écriture. Une évocation concrète et sensible du monde des sourds profonds. Des descriptions justes des adolescents et de leur univers, sans sensiblerie. Une opposition réaliste de mondes différents : la banlieue et la violence, la montagne plus humaine et conviviale. Et là-haut, un fermier écolo-soixante-huitard bien sympathique...

Pour garçons et filles vers 12-13 ans.

 © Jean TANGUY   21 avril 2003  

 

  Fuite en mineur

Un roman de Sylvie Deshors, édité au Rouergue, en 2010 
dans la collection doAdo noir .

Fuite en mineur  Agathe cherche un petit boulot pour s’offrir des vacances en Équateur où elle rejoindrait une copine. Elle a préféré quitter Lyon pour Le Havre, imaginant que ce serait plus facile. Un copain lui prête son studio, situé dans une zone populaire, une cité. C'est un endroit où habitent des gens pauvres, des gens qui ont des difficultés à mener une vie normale, mais aussi des jeunes pleins de vie et de joie, des jeunes "normaux", un artiste.
Dans le même temps, un garçon attaque une fille sur un parking et lui vole sa voiture. Il prend la route pour Le Havre.
Évidemment, les deux jeunes se croisent, se remarquent, se parlent. Agathe se sent attirée par le garçon, sans cesser d’être inquiète. Elle ne cède pas à toutes ses propositions. Le garçon veut la séduire pour qu’elle l’aide à passer en Angleterre. Il est très sûr de lui.
Après un "restau basket" dans une crêperie, elle pense s’en être débarrassé et part faire la fête avec d’autres jeunes qu’elle a rencontré dans la cité.
Mais le danger continue de la guetter...


Le début des aventures d’Agathe se trouve dans "Mon amour Kalachnikov" un roman intéressant. Cette suite est peut-être encore mieux...
Le garçon est un mineur qui s’est évadé d’un EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs). Il y a été emprisonné suite à un incendie volontaire dans un supermarché qui a causé la mort de deux vendeuses. Il n’a pas été prouvé qu’il y était pour quelque chose, mais ses copains l’ont chargé et lui ne s’est pas défendu. Dans l’EPM, il est resté solitaire, peu bavard, craint par les autres mineurs et le personnel. Catalogué comme personne à risque, il a été très surveillé, rarement seul.
Agathe, la jeune franco-chinoise, apparaît comme une jeune fille pas très sûre d’elle, un peu perdue dans ses sentiments, regardant les beaux garçons et prête à les suivre dans la seconde, puis à se reprendre quand elle pressent le danger. Avec Dylan, elle prend vite des risques.
De la  ville du Havre, l’auteur n’aurait pu nous présenter qu’une cité pauvre et terne, un endroit "qui craint". La rencontre de la jeune syndicaliste et la présence du dessinateur, les jeunes noires qui dansent au son de leur iPod en font un endroit où il est intéressant de vivre. C'est aussi un endroit où viennent des gens qui  ont eu des accidents de vie.
La musique est moins présente que dans le premier livre. Ici, c’est Grand corps malade et la bande-son de Slumdog millionnaire, mais très au second plan.

J’ai été sensible à l'écriture énergique et fluide, qui évoque bien la ville, l’ambiance du port, la jeunesse. J’ai aimé la façon dont Sylvie Deshors fait vivre la jeune fille, ce qu’elle dit du malaise du garçon, de l’EPM qu’elle critique tout en admettant son existence. J’ai aimé aussi les mots utilisés pour montrer comment chacun existe dans le regard de l’autre. J’ai trouvé son roman bien informé et ses titres de chapitres fantasques bien assortis à l’histoire des deux jeunes.

Un bon roman agréable à lire. Intrigue assez facile à deviner, mais des rebondissements font attendre le  dénouement, ce qui fait monter l’angoisse du lecteur Suspense correct.

Pour des lecteurs dès 14 ans et jeunes adultes....

© Jean TANGUY  29 mars 2010