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Un roman d' Antoine Dole, publié chez Sarbacane, en 2007,
dans la collection eXprim'
Il y a Marion, une fille de vingt ans qui vient de nulle part et qui est arrivée à Paris. Elle a rencontré un type, Nicolas -chaque princesse a son prince- qui a pris le temps de l'accrocher avant de lui proposer un plan. Le
beau Nicolas lui impose de rendre visite à des hommes qu'il rencontre dans
la boîte où il est barman. Et si lui en prend l'envie, si elle ne se
rend pas au rendez-vous, il la frappe très violemment. Elle, plus que
naïve, croit en son amour et se laisse malmener, lui trouve des
excuses, espérant un jour être heureux autrement. .
Il y a aussi Eve, son double, même âge, qui chasse les hommes sur Internet, pas pour faire l'amour, juste pour baiser. Baiser c'est plus simple ; même si elle trouve l'abattage triste. Pourtant, elle se laisse séduire par un mec qui lui proposait de prendre un verre, sans rien sous-entendre de plus.
A un moment, les deux histoires se rejoignent. Marion, qui
revient de marcher dans le quartier avec des gâteaux pour son chéri, se
fait battre à nouveau. Elle trouve l'amour triste, pas comme je l'avais cru, suffisait pas d'aimer si fort pour l'être en retour. Eve, qui a voulu appeler son David, réalise
la vie de l'autre, (...) qu'à presque trente ans, comme David, on a eu
le temps de se construire une vie (...) et qu'en quelques jours, on
n'est plus rien pour ce genre de mec. Un bref instant, pourtant, elle a trouvé la vie belle.
C'est la fin d'un conte de fées, un conte défait. Il ne reste plus qu'à disparaître...
Je n'ai pas aimé Je reviens de mourir au sens où ce n'est pas le genre de livre que je relirai pour le plaisir. Mais
c'est un texte très fort écrit par un auteur qui a du talent. C'est une
histoire terrible que l'on reçoit en plein corps, qui vous coupe le souffle et vous laisse pantois,
qui fait mal tant les héroïnes gâchent leurs vies.
Le vocabulaire, avec des mots crus et vulgaires, crée une atmosphère
glauque et violente. On pressent que la vie sera brève, que les
coups, les humiliations, dles déceptions auront trop tôt raison
de ces filles, qu'il faut aller vite, fort, sans nuance. Dans un style vif,
l'auteur dissèque des dérives de nos sociétés, l'absence de
communication (ils font l'amour chacun dans leurs secrets),
la perversion des relations sociales, amoureuses et sexuelles. Il
déconstruit le stéréotype de la prostituée qui choisit ses clients et
s'en trouve bien tout comme celui de celle qui ne va qu'avec des
hommes riches, qui n'est pas une pute, vu que les putes poussent sur les trottoirs.
C'est une dénoncitation des relations de déchéance et d'humiliations
physique et morale, relations qui mènent à la mort, par épuisement ou
par suicide, parce qu'on s'est habitué à la violence.
J'ai trouvé qu'Antoine, Dole, avec son écriture hachée, raide,
hoquetante, fait ressentir le drame de ces jeunes femmes. Si je n'ai
pas aimé l'histoire, c'est que je ne peux pas "aimer" de tels destins.
Par contre, j'ai apprécié que le livre existe, sa structure, l'écriture
originale d'Antoine Dole. J'insiste : c'est très fort...
Ce roman fait partie de la sélection "Romans violents" de Lecture
Jeune, n° 128,
décembre 2008.
Pour adolescents à partir de 16-17 ans et pour les jeunes adultes.
© Jean TANGUY -- 15 août 2009
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