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Fais-moi peur |
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Sombres citrouilles |
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Minuit-Cinq |
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Chaque soir à 11 heures |
Fais-moi
peur
Un roman de
Malika Ferdjouk, édité à L'Ecole des loisirs
en 1995,
dans la collection Médium.
Monsieur
N. est dessinateur de bandes dessinées. Il mène une vie très solitaire,
emploie une femme de ménage qu'il renvoie d'une manière bassement
raciste, possède un chien qu'il méprise et va tuer un soir de décembre,
juste avant Noël. On pressent que ce personnage est dangereux...
Le même soir, le docteur Mintz et Madame vont à la ville laissant
pendant quelques heures leurs enfants à la garde de l'aînée qui n'a que
treize ans.
Les Mintz forment une famille très unie, chaleureuse et vivante. Ils
habitent une maison individuelle au milieu d'un jardin, ont des
voisines qui passent leur temps à les espionner, un chat qui porte sept
noms, autant qu'il y a d'habitants dans la maison, une horloge qui sert
de cabine téléphonique aux enfants, une grand-mère très intuitive.
Par un enchaînement de circonstances, Monsieur N. acquiert la certitude
qu'un des enfants Mintz l'a vu tuer son chien au bord de l'étang
voisin. En plus, il s'aperçoit que la jeune Radiah, la fille de son
ancienne employée, est amie des Mintz et fréquente Gabriel, un jeune
aveugle qu'il méprise profondément.
Monsieur N. décide donc d'éliminer tous les enfants...
Voila un vrai thriller, qui
commence avec plein d'humour et continue comme un roman de Stephen
King. Le suspense est continu jusqu'à la dernière page. L'angoisse
s'installe peu à peu, insidieusement, le lecteur étant régulièrement
distrait par les agissements épiques de la petite famille, la chronique
de l'amour naissant entre Radiah et Gabriel, les commentaires de
l'auteur sur ce qui se passe... Le roman est bien construit, il mélange
les genres avec bonheur, passant de moments angoissants et de la
violence mauvaise et perverse à de belles pages sensibles sur les
perceptions du jeune aveugle. On s'amuse des voisines indiscrètes et on
envie la coexistence pacifique de Radiah l'algérienne et des Mintz qui
sont juifs. On s'amuse à la description de cette famille folklorique
pourtant si ordinaire et on est attentif à la leçon morale sur la
persistance du mal dans l'histoire de l'humanité, le mal toujours à
vaincre...
Le livre est plutôt long, ce qui
laisse le temps à l'histoire. C'est une aubaine parce qu'il est bien
fait, qu'il fonctionne bien. Il est bien plus intéressant que les
"Chair de poule" dont raffolent les onze-treize ans, et moins long et
moins pervers que d'autres romans d'angoisse. Un livre à lire,
vraiment...
©
Jean TANGUY 24 juillet 2000
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Sombres
citrouilles
Un roman de
Malika Ferdjouk, édité à L'Ecole des loisirs
en 1999,
dans la collection Médium.
Chaque année, le 31 octobre, Mamigrand réunit la
famille Coudrier à la Collinière, pour l'anniversaire de Papigrand.
C'est un rite qui se répète de façon immuable chaque année. Il ne
viendrait à personne l'idée de s'y soustraire.
Les voisins étant américains, Mamigrand a envoyé les petits leur
chercher des citrouilles au jardin. Mais c'est un cadavre qu'ils
trouvent. Un homme mort, avec des taches rouges partout. Ils ne le
connaissent pas, alors ils le cachent, avec l'idée d'en parler plus
tard, pour ne pas gâcher la fête. Seulement, ces petits sont des
malins. Leur conduite et quelques hasards vont provoquer quelques
rebondissements.
On verra que la jolie australienne n'est pas si amoureuse que l'on
pouvait croire, que Colin-Six ans risque la mort par affection pour son
renard, que Mamigrand cache bien son jeu, que Papigrand n'est pas si
courageux, ni très fidèle, que Madeleine devrait écouter Hermès,
qu'Edith n'avait pas intérêt à s'enrhumer, que Dimitri a certainement
beaucoup souffert, qu'oncle Gil aussi craint Mamigrand... Que dans ces
familles si respectables, il se passe de drôles de choses...
La nuit d'Halloween, les enfants
masqués demandent des bonbons aux gens qui ne peuvent cacher leurs
sentiments. Ils dévoilent quelque chose d'eux-mêmes. Cette année-là,
chez les Coudrier, les enfants font tomber les masques. Les sentiments
vrais apparaissent : amour, et haine, courage et lâcheté, tolérance ou
rigueur morale, bonté ou indifférence. Enfin la vie qui se tenait
bridée, peut enfin éclater, comme un feu d'artifice. On peut se laisser
aller, se dire, respirer, être tel qu'on est sans devoir se cacher. La
vérité éclate.
La vision de la famille que nous offre Malika Ferdjouk dans ce roman
n'est pas positive. La famille étouffe, bride, empêche l'épanouissement
des êtres. Il faut se libérer de son carcan. On peut aussi voir qu'il
faut du courage pour s'affirmer, que la liberté se conquiert. Et qu'on
peut vivre et s'aimer différents, si on ne se laisse pas intimider par
l'autre.
Si certains personnages n'inspirent pas la sympathie, d'autres , au
contraire, sont joliment campés : Hermès, Madeleine, Colin-Six ans, et
les si différentes deux jumelles...
Un regard sévère, un beau roman, une
belle écriture, une intrigue resserrée par l'utilisation de plusieurs
narrateurs. Un beau moment de lecture.
C'est dans la collection Médium,
donc pour des lecteurs affirmés de 13-14 ans et plus.
©
Jean TANGUY 24 août 2002
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Minuit-Cinq
Un roman de
Malika Ferdjouk, édité à L'Ecole des loisirs
en 2002,
dans la collection Neuf.
Minuit-Cinq est un petit bonhomme de dix ans
qui vit dans les rues de Prague. Il tient son nom d'un tatouage sur
l'avant-bras, un tatouage raté. Il a une petite soeur, Bretelle qui
collectionnent les boutons. Avec Emil, un dompteur de souris, ils
forment une petite bande qui chine, à la recherche de quoi survivre, de
quoi coucher au chaud le soir. Ils ne se lavent jamais, s'habillent de
guenilles.
A la veille de Noël, ils apprennent qu'on a volé le collier de diamants
de la princesse Danilova, et qu'il y aura une forte récompense à qui le
retrouvera. Sans attendre, ils se mettent à la recherche de fabuleux
collier.
En arpentant les rues de la ville, ils rencontrent un théâtre et
cherchent à se faire embaucher. Mais Bretelle, toujours aux aguets, a
repéré qu'un fiacre élégant traverse leur misérable quartier. Quelque
chose l'intrigue. Elle le suit. Elle voit un élégant monsieur en
descendre et cacher un objet qui scintille derrière la statue de saint
Procope.
Serait-ce le fameux collier ?
Un joli conte déja publié dans la
revue Je Bouquine, n° 214, décembre 2001, qui ne perd rien à
être publié dans cette collection (trop souvent, les romans publiés par
Bayard dans la collection Je Bouquine, perdent à ne pas être
accompagnés des illustrations en couleurs de l'édition originale).
L'action se passe à Noël, à Prague, dans le froid, chez des pauvres. En
trouvant le collier, les enfants peuvent devenir riches (enfin, un
peu), mais ce sont des personnes dignes, qui refusent de se laisser
corrompre par les riches de la ville. Ils préfèrent refuser la
récompense, plutôt que de devoir justifier leur acte honnête face à un
comte qui est un vrai escroc. On voit par là que l'on peut être de
noble extraction et plutôt enclin à la malhonnêteté. Tout de même, car
il faut bien que la morale triomphe, les enfants seront récompensés
d'une autre façon, parce qu'ils restent fidèles à leurs nouveaux amis
du théâtre itinérant.
Tout ceci se termine bien, dans la bonne humeur et le bonheur partagé.
Une histoire agréable, chaleureuse, tout à fait dans la tonalité de
Noël, écrite avec la vivacité et la simplicité auxquelles Malika
Ferdjouk nous a habitué.
On pourrait lire cette histoire à des jeunes enfants de 8-9 ans. Pour
des lecteurs dès 10 ans.
©
Jean TANGUY 23
décembre 2002
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Chaque
soir à 11 heures
Un roman de
Malika Ferdjouk, édité chez Flammarion
en 2011,
dans la collection Emotions.
Willa
Ayre vit avec sa mère. Elle voit son père de temps à autre qui la
transporte en quelque part, tout en lui présentant une Samantha ou une
Jennifer. Sa mère, Catherine Ayre, s'occupe de trouver et produire des
miss un partout dans le monde. Willa est donc souvent seule. Elle passe
beaucoup de temps avec Flannagan, son saxophone, et avec une très bonne
amie, Fran Hilbert, la sœur de Iago, avec qui elle a une jolie histoire
d'amour.
Justement, ce soir-là, elle est invitée à l'anniversaire de Fran, dans
le luxueux hôtel dont ses riches parents sont propriétaires. Elle fait
connaissance d'un curieux jeune homme, Edern, bourru et peu bavard. Au
cours de la soirée, elle se demande pourquoi Iago se montre distant et
s'il n'y a pas quelque chose entre une serveuse, Rosemonde, et lui. On verra
qu'il y a effectivement quelque chose qu'elle n'imagine pas.
Mais c'est Edern qui l'intrigue vraiment. Elle se renseigne sur lui, le
suit jusqu'à sa maison, Fausse-Malice, nichée au fond d'une impasse.
Elle s'introduit dans la famille pour faire de la musique avec Marnie,
la sœur de Edern. Elle apprend que la famille est liée à un laboratoire
pharmaceutique et qu'elle a vécu une tragédie. Il y a des secrets
qu'elle va découvrir, par exemple, pourquoi, chaque soir, la pendule
s'arrête à onze heures. Mais ce sont de terribles secrets...
Pendant tout ce temps où elle fouine dans l'entourage de la famille,
elle est victime d'accidents étranges et pense que Iago en est le
responsable.
Ce en quoi elle se trompe beaucoup...
On
s'attend à un roman chick-litt, une histoire de gosses de riches avec
une gentillette histoire d'amour. Eh bien non ! ça vire très vite
thriller.
C'est écrit avec beaucoup de légèreté, de pirouettes, d'inventions de
mots. Willa est une jolie personnalité, équilibrée, qui prend le temps
de réfléchir, qui vit bien entre ses deux parents sans se laisser
piéger par l'un ou l'autre. Elle aime Iago, puis Edern, sans se
départir d'un réel recul critique. Elle est curieuse, ne s'en laisse
pas conter et veut savoir ce qu'on lui cache.
Les personnages secondaires sont intéressants, que ce soit ses parents,
son amie Fran, très gosse de riche, le sombre Edern, sa sœur Marnie et
ses jolies inventions de langage...
C'est un très bon roman, à la fois thriller et histoire romantique,
avec plusieurs intrigues. Si un peu de paillettes ne nuit pas à ce
genre d'histoire, ici, on pourra trouver qu'il y en a trop. La famille
Hilbert ne se montre pas sous son meilleur jour.
Ce roman m'a rappelé le Fais-moi peur
publié à L'Ecole des Loisirs en 1995. La même sensation de s'embarquer
dans une histoire alors qu'on est dans une autre, la même vivacité
d'écriture et le plaisir de lire qui va avec, la même ambiance pas
vraiment crédible si on prend du recul, mais à laquelle on succombe.
Sauf que Fais-moi peur est
plus angoissant et qu'il n'y a pas d'amour, ni de saxo...
Ce n'est pas un grand roman qui se prend au sérieux, mais c'est
excellent...
Pour
des lecteurs dès 12 ans.
©
Jean TANGUY 5
décembre 2011
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