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Mis à jour le 09 mai 2012
Coraline
  Coraline
L'étrange vie de Nobody Owens
  L'étrange vie de Nobody Owens
Entremonde
  Entremonde

 

Coraline

Un roman de Neil Gaiman, publié chez Albin Michel, en 2002,
dans la collection Wiz.
Traduit de l'anglais par Héléne Collon

Coraline Coraline vient d'emménager au premier étage d'une grande maison ancienne. Au rez-de-chaussée habitent deux demoiselles qui ont été actrices, autrefois. Au second étage, il y avait un vieux toqué à grosse moustache qui prétendait posséder un cirque de souris savantes mais ne le montrait jamais. Pour leur travail, ses parents sont constamment devant leur ordinateur et lui consacrent peu de temps. Quand elle explore son nouvel univers, elle découvre un jardin avec un puits bouché avec des planches. Dans la maison, il y a un grand salon où les Jones entreposaient les meubles coûteux (et inconfortables) que la grand-mère de Coraline leur avait légué à sa mort. Personne n'y allait jamais. La pièce était réservée aux jolies choses.
Dans ce salon, il y a une porte -une grande porte en bois sombre tout sculpté- fermée à clef. Sa mère lui explique que derrière cette porte, il y a un mur de briques qui sépare leur appartement d'un autre, inoccupé et qui est toujours à vendre. Lorsque sa mère la lui ouvre, elle voit ce mur.
Pourtant, plus tard, alors que Coraline s'ennuie et que sa mère ne rentre pas des courses, elle reprend la clef et ouvre la porte. Il n'ya a plus de mur mais un couloir qui lui semble familier. Elle se trouve dans un appartement qui est l'exacte contrepartie du sien. Elle comprend où elle se trouvait : chez elle. Elle n'en était jamais sortie. Elle y rencontre même des gens qui ressemblent à ses parents. Sauf qu'ils ont de gros boutons de chemise à la place des yeux et des ongles rouge sombre et tout recourbés...
Ces autres parents qui l'attendent, qui lui veulent du bien, qui disent l'aimer plus que tout... Qui sont-ils vraiment ? Ne lui veulent-ils que du bien ?


Un magnifique et captivant roman fantastique et d'horreur. S'il existait réellement des mondes parallèles comme celui de Coraline, la vie serait extrêmement plus risquée et effrayante !
Dans ce qui pourrait être un conte de fées moderne, la petite fille fait montre d'un grand courage qui lui permet de vaincre ses démons, de ne pas se laisser submerger par ses terreurs, de dépasser ses peurs (ce n'était pas courageux parce qu'il n'y avait pas eu de peur, dit son père à propos d'une promenade dans le terrain vague voisin). Elle puise sa force dans son psychisme de petite fille chérie, dans cette certitude -dont elle ne doute pas un seul instant- d'être aimée par ses parents. Elle ne s'invente pas un autre monde parce qu'elle a le sentiment d'être abandonnée ou mal-aimée, mais parce qu'elle s'ennuie dans sa famille trop calme. Elle enrichit une réalité trop banale par son imaginaire débordant de vitalité, qui la transporte dans un monde dangereux, mais combien plus excitant.. Alors qu'elle pourrait être détruite par les forces hostiles et malfaisantes, elle s'oppose, elle lutte, elle combat, non sans mettre de son côté quelques talismans symboliques, et elle gagne. En gagnant, elle grandit, elle n'a plus peur, elle engrange de la confiance, elle peut effectuer sa rentrée scolaire sans appréhension.
Dans ce texte, Coraline doit accomplir quelque chose. Elle est passée de l'autre côté du miroir, dans un monde sombre, et dangereux, dans lequel elle découvre que ses parents sont prisonniers. Elle a décidé qu'elle n'y resterait pas, qu'elle reviendrait dans son vrai monde en ayant sauvé ses parents. Ensuite, son histoire n'est pas finie, la vie continue. A la différence d'autres livres pour enfants dans lesquels le héros ne court à l'évidence aucun risque, Coraline pourrait être détruite par la malfaisance cruelle de ses autres parents. Elle est rendue forte par cette certitude qui l'habite : s'ils constataient sa disparition, je suis sûre qu'ils en feraient autant pour moi.

Mais dans notre univers envahi d'activités sportives et culturelles, de télévision et de jeux vidéos, les enfants trouvent-ils encore le temps de s'éprouver dans la solitude, de s'ennuyer et de nourrir leur imaginaire ? En lisant, oui, peut-être...

 © Jean TANGUY   01 février 2007  

 

  L'étrange vie de Nobody Owens

Un roman de Neil Gaiman, illustré par Dave McKean, édité par Albin Michel, en 2009 
dans la collection Wiz . Traduit de l'anglais (américain).

L'étrange vie de Nobody OwensL'histoire de Nobody Owens commence par un massacre, Il y avait une main dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau.... Le tueur, un certain Jack, égorge père, mère et soeur aînée. Le bambin, qui n'a que deux ans, s'échappe et gagne le cimetière voisin. Les Morts sont émus par ce gamin, le protègent et décident qu'il sera citoyen libre du cimetière. Ils vont donc se charger de son éducation, tant qu'il restera dans l'enclos du cimetière.
Il est confié à des gens décédés il y a bien des années, La famille Owens. Ils n'ont jamais eu d'enfants et tombent sous le charme du gamin qu'ils nomment Nobody. Ils ont les manières de leur époque et confient l'éducation de l'enfant à un tuteur, Silas. Un homme curieux qui peut sortir du cimetière pour aller chercher la nourriture de "Nob".
Nob se promène dans les allées avec l'insouciance qui sied à un enfant. Il a la chance de pouvoir s'effacer quand on ne le regarde pas, de pouvoir faire peur quand il le décide. Au contact des morts, et surtout de Miss Lupescu, il apprend non seulement à lire et écrire, mais aussi divers sortilèges qui lui seront précieux plus tard. Il rencontre Scarlett, une fillette que sa mère laisse jouer dans les allées lorsqu'elle vient lire, sa mère qui croit qu'elle a un ami imaginaire. Il va aussi à la rencontre de personnages moins recommandable, une vouivre, des goules, une sorcière qu'on a jeté au feu quand elle était encore enfant. Il trouve un trésor qu'il essaie de monnayer pour acheter une pierre tombale qui manque à cette jeune soricère...
Peu à peu, le garçon grandit et acquiert de la maturité. De l'indépendance, aussi... Il veut donc aller voir le monde extérieur, fréquenter l'école du quartier. Les morts le préviennent, il peut mettre en danger la tranquilité du cimetière. Mais lui veut aller à l'école, apprendre autre chose que des langues anciennes, mettre de l'ordre dans des connaissances précises qu'il a accumulé en discutant avec les résidents du cimetière, dont certains on connu l'ère romaine. Cette expérience ne se terminera pas bien, car le Jack et ses amis sont toujours à sa recherche ils veulent toujours le tuer.
un jor, il retrouve Scarlett. Ses parents sont revenus dans la ville. Ils se reconnaissent. Elle se souvient de l'avoir rencontré, mais elle ne connaît pas son histoire.  Elle va l'aider à retrouver la maison de son enfance, le faire rencontrer la personne qui l'habite. En fait, elle va le mettre dans une situation si dangereuse qu'il faudra bien que son tuteur dévoile sa vraie nature et se décide à combattre le Jack.
Mais pourquoi une haine si tenace ? Pourquoi veut-il tuer ce jeune homme qui ne peut savoir qu'il est l'assassin de ses parents ?


 Le titre anglais de ce roman est The Graveyard Book, "le livre du cimetière". C'est une histoire inhabituelle, qui se déroule dans une ambiance gothique et qui est racontée avec le ton d'une satire. On devrait être dans une atmosphère terrifiante, dans une angoisse continuelle, avec ce criminel en liberté et ces morts qui sortent de leurs tombes. Mais non ! il y a une forme d'humour froid qui fait de ce roman autre chose qu'un thriller, même si on tremble pour Nobody Owens parce qu'il est un héros attachant.
C'est aussi un roman d'initiation, car on le pressent assez tôt, Nobody Owens ne pourra passer sa vie dans ce cimetière, il lui faudra en sortir pour vivre sa vie de vivant avant de mener celle des morts. On se doute que ce passage vers une vie autonome sera un moment difficile et périlleux, une épreuve.  En attendant, Bod vit comme un enfant normal, éduqué par son tuteur, suivant les cours de Miss Lupescu.
Le roman a aussi une petite allure de tragédie antique, avec la descente du héros et de Scarlett dans les profondeurs de la terre, les rencontres avec des personnages qui ont vécu dans des temps anciens. On y rencontre des personnages issus des mythologies. La vie d'un vivant chez les morts relève du fantastique, quand il peut voir sans être vu, lancer une Songerie, terrifier ses camarades de classe, apparaître et disparaître à volonté, converser avec des spectres...
J'ai bien aimé que le lieu clos du cimetière soit un lieu de liberté pour le garçon, une vraie liberté bien encadrée, qu'on ne l'y laisse pas à lui-meme mais qu'on l'éduque, qu'on lui fasse acquérir des valeurs, qu'on le fasse réfléchir à la portée de ses choix et de ses actes. De ce point de vue, c'est un roman d'apprentissage.
Plusieurs personnages sont attachants. Le garçon est imaginatif, anti-conformiste et volontaire. Scarlett est une jeune fille un peu désobéissante, mais c'est pour une bonne cause. Les Owens sont désarmants de gentillesse et d'affection débordante.  Miss Lupescu agace par son obsession de toujours faire Nobody Owens apprendre des choses décalées et apparemment désuètes, mais comment lui en vouloir de chercher à l'instruire !  Silas est parfait dans son rôle de tuteur discret, bienveillant, qui ne lui passe rien.  ne petite réserve cependant, l'ouvrage aurait sans doute gagné à être un peu plus long pour que ces personnages qui sont au contact de Bod aient un peu plus de consistance et de vie personnelle.

Le livre se termine  quand Bod entre  dans la Vie, les yeux et le coeur grand ouverts. Le lecteur a un peu de peine à l'abandonner, seul à la porte du vaste monde, mais il le faut bien...

Excellent roman à la fin duquel Neil Gaiman expose ses dettes à son fils qui lui a inspiré cette histoire, à Rudyard Kipling et au Livre de la jungle qui l'a passionné et impressionné quand il était enfant, et à plein d'autres personnes.

N'allez pas croire que tout ceci se passe dans un temps non identifié et que dans l'imaginaire de l'auteur... Nous sommes à Londres et Scarlett lit la presse sur des microfiches, utilise un téléphone portable et prend le bus. Si donc ça ne se passe pas en 2009, c'était peut-être en 2008...

Pour lecteurs à partir de 12-13 ans. 

 

 © Jean TANGUY   21 avril 2009  

 

  Entremonde

Un roman de Neil Gaiman, et de Michael REAVES, édité au Diable Vauvert, en 2010 
Traduit de l'anglais par Michel Pagel

EntremondeJoey Harker est encore un lycéen ordinaire quand il découvre qu'il a la faculté de voyager dans des mondes parallèles. Au début, il trouve que c'est déroutant. Puis il s'habitue,  comprenant qu'il a une mission à accomplir dans ces mondes.
Il y rencontre Jay, un bien curieux personnage. Il apprend que, dans des univers parallèles, se déroule une guerre entre deux Empires, l'un utilisant la magie et l'autre la technologie. Une confrérie, Entremonde, essaie de maintenir un équilibre en formant des combattants que guident les Marcheurs. Tous les Marcheurs sont une sorte de double de lui, Joe Harker, et tous leurs prénoms commencent par un "J", mais chacun possède sa propre personnalité.
C'est comme les mondes, ils se ressemblent tout en étant divers.
Joey ignore que son arrivée dans Entremonde va bouleverser l'équilibre des forces. Il n'est pas toujours très enthousiaste, ne comprend pas toujours tout, mais c'est un vaillant garçon...


 Comme Neil Gaiman l'explique fort aimablement dans le postface, ce texte était destiné à devenir un scénario de série télévisée. On peut comprendre que les producteurs aient été tièdes face à ce projet...
C'est donc un texte qui date des années 1990, bien avant NeverwhereCoraline et L'étrange vie de Nobody Owens.
Un seul personnage est vraiment présenté dans ce roman. Les personnages secondaires méritent leur nom plus que dans n'importe quel autre roman, ce qui est un peu dommage parce que certains auraient été assez croquignolets (p.e. Jackson avec son bras laser, Jay avec sa carapace d'acier qui semble liquide, Jakon la fille-louve, l'homme-méduse...). L'histoire est bien racontée, avec ce qu'il faut de suspense. Il faut être prévenu qu'on est dans un monde très étrange, pas du tout rationnel, déroutant, comme les aime Gaiman.

Ce n'est pas un roman d'anticipation, ni vraiment de la fantasy, plutôt de la SF avec une pointe d'héroïsme. En effet, Joey est un héros qui s'ignore, qui va au combat parce qu'il le faut, mais qui est plein de courage et de détermination lorsqu'il y est. C'est parfois burlesque, parfois très drôle, parfois rapide avec des bagarres grandioses.

Mis à part qu'il faut accepter de ne pas tout comprendre, c'est un roman agréable à lire. Pour garçons et filles à partir de 12-13 ans.  

 

 © Jean TANGUY   10 février 2010