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Coraline |
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L'étrange vie de Nobody Owens |
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Entremonde |
Coraline
Un roman de Neil
Gaiman, publié chez Albin Michel, en 2002,
dans la collection Wiz.
Traduit de l'anglais par Héléne Collon
Coraline vient
d'emménager au premier étage d'une grande maison ancienne. Au
rez-de-chaussée habitent deux demoiselles qui ont été actrices,
autrefois. Au second étage, il y avait un vieux toqué à grosse
moustache qui prétendait posséder un cirque de souris savantes mais ne
le montrait jamais. Pour leur travail, ses parents sont constamment
devant leur ordinateur et lui consacrent peu de temps. Quand elle
explore son nouvel univers, elle découvre un jardin avec un puits
bouché avec des planches. Dans la maison, il y a un grand salon où les
Jones entreposaient les meubles coûteux (et inconfortables) que la
grand-mère de Coraline leur avait légué à sa mort. Personne n'y allait
jamais. La pièce était réservée aux jolies choses.
Dans ce salon, il y a une porte -une grande porte en bois sombre
tout sculpté- fermée à clef. Sa mère lui explique que derrière
cette porte, il y a un mur de briques qui sépare leur appartement d'un
autre, inoccupé et qui est toujours à vendre. Lorsque sa mère la lui
ouvre, elle voit ce mur.
Pourtant, plus tard, alors que Coraline s'ennuie et que sa mère ne
rentre pas des courses, elle reprend la clef et ouvre la porte. Il n'ya
a plus de mur mais un couloir qui lui semble familier. Elle se trouve
dans un appartement qui est l'exacte contrepartie du sien. Elle
comprend où elle se trouvait : chez elle. Elle n'en était jamais sortie.
Elle y rencontre même des gens qui ressemblent à ses parents. Sauf
qu'ils ont de gros boutons de chemise à la place des yeux et des
ongles rouge sombre et tout recourbés...
Ces autres parents qui l'attendent, qui lui veulent du bien,
qui disent l'aimer plus que tout... Qui sont-ils vraiment ? Ne lui
veulent-ils que du bien ?
Un magnifique et captivant roman
fantastique et d'horreur. S'il existait réellement des mondes
parallèles comme celui de Coraline, la vie serait extrêmement plus
risquée et effrayante !
Dans ce qui pourrait être un conte de fées moderne, la petite fille
fait montre d'un grand courage qui lui permet de vaincre ses démons, de
ne pas se laisser submerger par ses terreurs, de dépasser ses peurs (ce
n'était pas courageux parce qu'il n'y avait pas eu de peur, dit son
père à propos d'une promenade dans le terrain vague voisin). Elle puise
sa force dans son psychisme de petite fille chérie, dans cette
certitude -dont elle ne doute pas un seul instant- d'être aimée par ses
parents. Elle ne s'invente pas un autre monde parce qu'elle a le
sentiment d'être abandonnée ou mal-aimée, mais parce qu'elle s'ennuie
dans sa famille trop calme. Elle enrichit une réalité trop banale par
son imaginaire débordant de vitalité, qui la transporte dans un monde
dangereux, mais combien plus excitant.. Alors qu'elle pourrait être
détruite par les forces hostiles et malfaisantes, elle s'oppose, elle
lutte, elle combat, non sans mettre de son côté quelques talismans
symboliques, et elle gagne. En gagnant, elle grandit, elle n'a plus
peur, elle engrange de la confiance, elle peut effectuer sa rentrée
scolaire sans appréhension.
Dans ce texte, Coraline doit accomplir quelque chose. Elle est passée
de l'autre côté du miroir, dans un monde sombre, et dangereux, dans
lequel elle découvre que ses parents sont prisonniers. Elle a décidé
qu'elle n'y resterait pas, qu'elle reviendrait dans son vrai monde en
ayant sauvé ses parents. Ensuite, son histoire n'est pas finie, la vie
continue. A la différence d'autres livres pour enfants dans lesquels le
héros ne court à l'évidence aucun risque, Coraline pourrait être
détruite par la malfaisance cruelle de ses autres parents. Elle
est rendue forte par cette certitude qui l'habite : s'ils
constataient sa disparition, je suis sûre qu'ils en feraient autant
pour moi.
Mais dans notre univers envahi
d'activités sportives et culturelles, de télévision et de jeux vidéos,
les enfants trouvent-ils encore le temps de s'éprouver dans la
solitude, de s'ennuyer et de nourrir leur imaginaire ? En lisant, oui,
peut-être...
© Jean
TANGUY 01 février 2007
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L'étrange
vie de Nobody Owens
Un roman de Neil
Gaiman,
illustré par Dave McKean,
édité par Albin Michel, en 2009
dans la collection Wiz .
Traduit de l'anglais (américain).
L'histoire de Nobody Owens commence
par un massacre, Il y avait une main
dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau....
Le tueur, un certain Jack, égorge père, mère et
soeur aînée. Le bambin, qui n'a que deux ans,
s'échappe et gagne le cimetière voisin. Les Morts sont
émus par ce gamin, le protègent et décident qu'il
sera citoyen libre du cimetière.
Ils vont donc se charger de son éducation, tant qu'il restera dans
l'enclos du cimetière.
Il est confié à des gens décédés il
y a bien des années, La famille Owens. Ils n'ont jamais eu
d'enfants et tombent sous le charme du gamin qu'ils nomment Nobody. Ils
ont les manières de leur époque et confient
l'éducation de l'enfant à un tuteur, Silas. Un homme
curieux qui peut sortir du cimetière pour aller chercher
la nourriture de "Nob".
Nob se promène dans les allées avec l'insouciance qui
sied à un enfant. Il a la chance de pouvoir s'effacer quand on
ne le regarde pas, de pouvoir faire peur quand il le décide. Au
contact des morts, et surtout de Miss Lupescu, il apprend non seulement
à lire et écrire, mais aussi divers sortilèges qui
lui seront précieux plus tard. Il rencontre Scarlett, une
fillette que sa mère laisse jouer dans les allées
lorsqu'elle vient lire, sa mère qui croit qu'elle a un ami imaginaire.
Il va aussi à la rencontre de personnages moins recommandable,
une vouivre, des goules, une sorcière qu'on a jeté au feu
quand elle était encore enfant. Il trouve un trésor qu'il
essaie de monnayer pour acheter une pierre tombale qui manque à
cette jeune soricère...
Peu à peu, le garçon grandit et acquiert de la
maturité. De l'indépendance, aussi... Il veut donc aller
voir le monde extérieur, fréquenter l'école du
quartier. Les morts le préviennent, il peut mettre en danger la
tranquilité du cimetière. Mais lui veut aller à
l'école, apprendre autre chose que des langues anciennes, mettre
de l'ordre dans des connaissances précises qu'il a
accumulé en discutant avec les résidents du
cimetière, dont certains on connu l'ère romaine. Cette
expérience ne se terminera pas bien, car le Jack et ses amis
sont toujours à sa recherche ils veulent toujours le tuer.
un jor, il retrouve Scarlett. Ses parents sont revenus dans la ville.
Ils se reconnaissent. Elle se
souvient
de l'avoir rencontré, mais elle ne connaît pas son
histoire. Elle va l'aider à retrouver la maison de son
enfance, le faire rencontrer la personne qui l'habite. En fait, elle va
le mettre dans une situation si dangereuse qu'il faudra bien que son
tuteur dévoile sa vraie nature et se décide à
combattre le Jack.
Mais pourquoi une haine si tenace ? Pourquoi veut-il tuer ce jeune
homme qui ne peut savoir qu'il est l'assassin de ses parents ?
Le titre anglais de ce roman est The Graveyard Book,
"le livre du cimetière". C'est une histoire inhabituelle, qui se
déroule dans une ambiance gothique et qui est racontée avec
le ton d'une satire. On devrait être dans une atmosphère
terrifiante, dans une angoisse continuelle, avec ce criminel en
liberté et ces morts qui sortent de leurs tombes. Mais non ! il
y a une forme d'humour froid qui fait de ce roman autre chose qu'un
thriller, même si on tremble pour Nobody Owens parce qu'il est un héros
attachant.
C'est aussi un roman d'initiation, car on le pressent assez tôt,
Nobody Owens ne pourra passer sa vie dans ce cimetière, il lui
faudra en sortir pour vivre sa vie de vivant avant de mener celle des
morts. On se doute que ce passage vers une vie autonome sera un moment
difficile et périlleux, une épreuve. En attendant,
Bod vit comme un enfant normal, éduqué par son tuteur,
suivant les cours de Miss Lupescu.
Le roman a aussi une petite allure de tragédie antique, avec la
descente du héros et de Scarlett dans les profondeurs de la terre, les
rencontres avec des personnages qui ont vécu dans des temps anciens. On
y rencontre des personnages issus des mythologies. La vie d'un vivant
chez les morts relève du fantastique, quand il peut voir sans être vu,
lancer une Songerie,
terrifier ses camarades de classe, apparaître et
disparaître à volonté, converser avec des
spectres...
J'ai bien aimé que le lieu clos du cimetière soit un lieu de liberté
pour le garçon, une vraie liberté bien encadrée, qu'on ne l'y laisse
pas à lui-meme mais qu'on l'éduque, qu'on lui fasse acquérir des
valeurs, qu'on le fasse réfléchir à la portée de ses choix et de ses
actes. De ce point de vue, c'est un roman d'apprentissage.
Plusieurs personnages sont attachants. Le garçon est imaginatif,
anti-conformiste et volontaire. Scarlett est une jeune fille un peu
désobéissante, mais c'est pour une bonne cause. Les Owens
sont désarmants de gentillesse et d'affection
débordante. Miss Lupescu agace par son obsession de
toujours faire Nobody Owens apprendre des choses décalées
et apparemment désuètes, mais comment lui en vouloir de
chercher à l'instruire ! Silas est parfait dans son
rôle de tuteur discret, bienveillant, qui ne lui passe
rien. ne petite réserve cependant, l'ouvrage aurait sans
doute gagné à être un peu plus long pour que ces
personnages qui sont au contact de Bod aient un peu plus de consistance
et de vie personnelle.
Le livre se termine quand Bod
entre dans la Vie, les yeux et
le coeur grand ouverts. Le lecteur a un peu de peine à
l'abandonner, seul à la porte du vaste monde, mais il le faut bien...
Excellent roman à la fin duquel
Neil Gaiman expose ses dettes à son fils qui lui a
inspiré cette histoire, à Rudyard Kipling et au Livre de la jungle qui l'a passionné et impressionné quand il
était enfant, et à plein d'autres personnes.
N'allez pas croire que tout ceci se
passe
dans un temps non identifié et que dans l'imaginaire de
l'auteur... Nous sommes à Londres et Scarlett lit la presse sur
des microfiches, utilise un téléphone portable et prend
le bus. Si donc ça ne se passe pas en 2009, c'était
peut-être en 2008...
Pour lecteurs à partir de 12-13
ans.
© Jean
TANGUY 21 avril 2009
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Entremonde
Un roman de Neil
Gaiman, et de Michael REAVES,
édité au Diable
Vauvert, en 2010
Traduit de l'anglais par Michel Pagel
Joey Harker est encore un
lycéen ordinaire quand il découvre qu'il a la faculté de voyager dans
des mondes parallèles. Au début, il trouve que c'est déroutant. Puis il
s'habitue, comprenant qu'il a une mission à accomplir dans ces
mondes.
Il y rencontre Jay, un bien curieux personnage. Il
apprend que, dans des univers parallèles, se déroule une guerre entre
deux Empires, l'un utilisant la magie et l'autre la technologie. Une
confrérie, Entremonde, essaie de maintenir un équilibre en formant des
combattants que guident les Marcheurs. Tous les Marcheurs sont une
sorte de double de lui, Joe Harker, et tous leurs prénoms commencent
par
un "J", mais chacun possède sa propre personnalité.
C'est comme les
mondes, ils se ressemblent tout en étant divers.
Joey ignore que son arrivée dans Entremonde va bouleverser l'équilibre
des forces. Il n'est pas toujours très enthousiaste, ne comprend pas
toujours tout, mais c'est un vaillant garçon...
Comme Neil Gaiman l'explique fort aimablement dans le postface, ce
texte était destiné à devenir un scénario de série télévisée. On peut
comprendre que les producteurs aient été tièdes face à ce projet...
C'est donc un texte qui date des années 1990, bien avant
Neverwhere, Coraline et L'étrange vie de Nobody Owens.
Un seul
personnage est vraiment présenté dans ce roman. Les personnages
secondaires méritent leur nom plus que dans n'importe quel autre roman,
ce qui est un peu dommage parce que certains auraient été assez
croquignolets (p.e. Jackson avec son bras laser, Jay avec sa carapace
d'acier qui semble liquide, Jakon la fille-louve, l'homme-méduse...).
L'histoire est bien racontée, avec ce qu'il faut de suspense. Il faut
être prévenu qu'on est dans un monde très étrange, pas du tout
rationnel, déroutant, comme les aime Gaiman.
Ce n'est pas un roman d'anticipation, ni vraiment de la fantasy, plutôt
de la SF avec une pointe d'héroïsme. En effet, Joey est un héros qui
s'ignore, qui va au combat parce qu'il le faut, mais qui est plein de
courage et de détermination lorsqu'il y est. C'est parfois burlesque,
parfois très drôle, parfois rapide avec des bagarres grandioses.
Mis à part qu'il faut accepter de ne pas tout comprendre, c'est un
roman agréable à lire. Pour garçons et filles à partir de 12-13 ans.
© Jean
TANGUY 10 février 2010
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