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Un roman de John Green,
publié chez Gallimard,
en 2009,
dans la collection Scripto.
Lorsqu’ils
avaient neuf ans, Quentin et Margo avaient découvert le cadavre d’un
homme au pied d’un arbre, alors qu’ils jouaient dans leur
quartier. Pour Quentin, voir ce mort avait été un choc. Pour Margo,
on ne sait pas. Depuis, bien que voisins et dans les mêmes écoles,
les deux enfants ne se fréquentaient plus. Ils sont maintenant
au lycée. Le bal de fin d’année est proche. Une nuit, Margo vient
lui proposer une expédition nocturne. Quentin, qui l’admire
beaucoup en secret, décide de la suivre. Margo a découvert que son
copain la trompait, elle a décidé de se venger de lui et de ceux
qui ne l’ont pas prévenue. Elle a prévu son action nocturne en
onze points, que découvre Quentin, parmi lesquels : téléphoner au
père de de l’amie de son copain pour le prévenir que sa fille est
au sous-sol, ce qui oblige le garçon à s’enfuir en petite tenue,
rentrer par effraction dans une chambre et épiler un seul des
sourcils d’un lycéen qui terrifie tout le monde, cacher des
poissons dans des piles de vêtements ou sous le siège d’une
voiture...
Le lendemain de cette nuit inoubliable, Quentin retourne au lycée. Il
vérifie que les victimes tiendront compte de leurs virée
punitive... Il espère surtout retrouver une Margo complice et plus
accessible. Mais elle a disparu. Personne ne sait où elle est. Elle
a pourtant laissé des indices que seul Quentin découvre, à force
de lire et relire un recueil de poèmes de Walt Whitman. Un moment,
il pense qu’elle a mis fin à ses jours. Avec ses copains, il la
cherche, il découvre un lieu abandonné où elle a séjourné. Le
jour du bal, il la localise à Agloe, Etat de New York, une endroit
qui n’existe pas pour une fille dont il ne connait que l’idée.
Comme il vient d’avoir une voiture, il se lance avec ses trois amis
dans un voyage insensé de 2000 kilomètres, une folle course contre
la montre pour retrouver celle qu’il aime et qui est si étrange,
avant qu’elle ne disparaisse vraiment, pour l’accepter dans sa
différence, telle qu’elle réellement.
Un
roman à énigme avec un garçon sage, calme, bon élève, en qui ses
parents ont toute confiance. Un garçon à qui sa mère, une
psychologue, dit chaque soir "Je suis fière d’être ta mère".
En face, il y a Margo, une fille qui aime tellement les mystères
qu’elle en est devenu un, selon Quentin. C’est un personnage qui
se fait respecter, au lycée, même par les garçons les plus
impressionnants, une fille originale et brillante qui ne passe pas
inaperçue. Une fille qu’on sait étrange et qu’on croit forte.
Derrière l’indépendance qu’elle affiche et pratique, elle cache
des faiblesses, des blessures. Elle a le sentiment de ne pas pouvoir
être un individu si elle reste dans cette ville. Aussi, au lendemain
de leur expédition nocturne, elle s’enfuit. Pour ne pas retomber
dans la monotonie du quotidien après une nuit exaltante. Elle
fuit vers des villes de papier, jusqu’à trouver Agloe, un leurre
géographique qu’utilisent les cartographes des années 1930 pour
lutter contre le plagiat de leurs cartes. Cette "ville de papier
" fait écho au carnet noir dans lequel Margo écrit depuis
l’âge de 10 ans, une vie, la sienne et celle de Quentin, qui est
une pure fiction, un rêve, une vie de papier.
C'est
un très bon roman impeccablement écrit. C’est une sorte d’enquête
psychologique où les actes de Margo nous font peu à peu découvrir
son personnage. Les indices étant minces, on ne peut savoir si Margo
est morte, si elle est en fugue, si elle s’est suicidée. La
tension dramatique est constante alors même que le roman est souvent
drôle et plein d’humour. La trame romanesque est construite sur
des métaphores, des signes, des objets symboliques, avec des
réflexions philosophiques. Elle oblige à de nombreux va-et-vient
entre l’illusion et la réalité. Parmi les indices laissés par
Margo, il y a un texte d’un recueil de poèmes de Walt Whitman,
Feuilles d’herbe, qui contribue à renforcer le côté énigmatique
de la demoiselle. C’est
aussi un roman initiatique où le jeune homme se dépasse par amour
pour Margo, alors qu’il sait que celle qu’il retrouvera sera une
autre Margo, la vraie Margo, celle qui est si loin de l’idée qu’il
en avait. "A travers les fentes de l’obscurité, je la vois
parfaitement".
Un
des passages du poème "C’est moi que je célèbre"
souligné par Margo : "Je
fais don de moi-même à la boue pour grandir avec l’herbe
amoureuse. Cherchez-moi sous vos semelles si vous voulez me
retrouver. Qui
je suis, quels sont mes buts, ça vous ne le saurez guère !
(...) Ne soyez pas découragés par l’échec dans votre poursuite,
Vous ne me trouvez pas ici ? Dans ce cas courez plus loin, Je suis
quelque part, immobile, je vous attends.
Excellent roman à partir de 14-15 ans.
© Jean TANGUY -- 17 octobre 2009
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