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Mis à jour le 09 mai 2012

Sans raison particulière

 Sans raison particulière

Le professeur de musique

  Le professeur de musique
Lettrees à Dolly
  Lettres à Dolly

Sans raison particulière

Un roman de Yaël Hassan, publié chez Syros, en 2002, dans la collection Les uns les autres.

Sans raison particulière Serge Lefranc est un adolescent tout à fait normal : fils unique, père médecin notable d'une petite ville cherchant à se faire élire... Cet été-là, il est resté à B. sans ses parents partis en vacances, avec Maria, l'employée de maison qui l'a élevé.
Au début, il apprécie la liberté, puis vient à s'ennuyer. Dans un bar, il est attiré par la serveuse, Betty, avec qui il entame une relation amoureuse. Elle lui fait connaître sa bande, des skins pas timides. Serge est choquée que Betty se vautre dans les bras d'une sorte de molosse, rangers aux pieds et crâne rasé. Il veut s'éloigner de cette bande, mais Betty le relance et il cède. Quelques nuits plus tard, il se retrouve à faire le guet pendant que le reste de la bande est de l'autre côté d'un mur à faire .. à faire quoi, au juste ? Il l'apprend le lendemain par le journal : "Tentative de profanation du cimetière israélite de B.... cette nuit..." Hunter prend Serge sous sa protection, pour lui apprendre à devenir un bon skin, bien violent, bien raciste. Il s'est rasé la tête et apprend très vite. Mais tout de même, pour devenir un vrai membre de leur mouvement, il doit encore faire quelque chose d'extraordinaire.
L'occasion se présente à la rentrée scolaire, lorsqu'un ancien déporté est invité à témoigner de son expérience concentrationnaire devant les lycéens de l'Institut Saint-Joseph. Serge se lève... L'injure explicite plonge dans l'embarras le témoin le directeur du lycée, la famille. Car Serge étant d'une bonne famille, il est difficile de comprendre la raison de son geste...
Il se trouve que le témoin, David Brodsky, connaît bien la ville et l'Institut pour y avoir passé son enfance avec son frère, pendant la guerre, cachés chez le grand-père de Serge Lefranc. Ils n'ont jamais su qui les avait dénoncés. Arrêtés, ils ont été déportés à Auschwitz.
Pour "ramener ce jeune homme dans le droit chemin", d'une façon "musclée" comme le souhaite le directeur de l'Institut, Brodsky va revenir à B., rencontrer quelques personnes, et, avec laide du directeur, régler ses comptes...


Un roman tout simple, finalement, mais terriblement efficace. Yaël Hassan met en scène un jeune homme qui part à la dérive simplement parce qu'il s'ennuie l'été. Et aussi parce qu'autour de lui, personne n'a le courage de lui rappeler quelques règles élémentaires de correction : on ne traite pas l'employée de maison de "boniche", on nettoie après avoir reçu des copains qui se sont un peu trop reâlchés... Du côté des parents, laisse-t-on un jeune de 18 ans seul pendant l'été sans programme d'activités ou d'occupations ? Surtout qu'on peut deviner que celui-ci a été couvé pendant toute son enfance... Je pourrais encore citer la tête rasée que le père traite comme une excentricité, les revues dont Maria ne dit mot aux parents... Bref, cette famille n'imagine pas encore que l'accident n'arrive pas qu'aux autres...
Alors, quoi d'étonnant que ce garçon, qui n'a pas encore de repères bien stables, se laisse embarquer par cette bande de skins ? Eux ont des repères, une idéologie simpliste facile à assimiler, savent identifier les bons des mauvais, savent lui offrir la chaleur d'une bande de sopains.
Mais on remarquera que le directeur du lycée ne choisit pas une punition classique, du genre exclusion temporaire, retenue avec travail à faire... Il s'agit de "remettre ce jeune homme dans le droit chemain". Ce qui, ensuite, amène le directeur à rencontrer la famille du jeune homme. Et à nous faire rencontrer une sorte de racisme tranquille, d'indifférence benoîte, d'égoïsme petit-bourgeois qui se donne bonne conscience à bon compte, d'honorabilité à tout prix.
Pourtant, même à B., il existe des gens qui ont su être accueillants aux enfants juifs...

Des personnages à la personnalité bien campée dans ce bon roman sur la vigilance citoyenne, la nécessité de se référer à des principes de vie, de penser au sens de ses actions, pour ne pas se retrouver égaré sans raison particulière. Sur le devoir de mémoire, aussi.

Pour garçons et filles dès 13-14 ans (collégiens de 3e, notamment).

© Jean TANGUY   15 octobre 2002  

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Le professeur de musique

Un roman de Yaël Hassan, publié chez Casterman, en 2000,
dans la collection Comme la vie.

Le professeur de musiqueC'est le dernière rentrée de Simon Klein, professeur de musique. On ne peut dire qu'il déborde d'enthousiasme, c'est un homme plutôt craintif, qui n'aime pas faire preuve d'autorité. Il a pourtant une classe sympathique, dans laquelle se trouve le petit Malik Choukri qui lui semble plus sage que ses terribles frères aînés. Et qui, surprise, dit aimer la musique classique...
Simon Klein vérifie que Malik écoute bien Tchaïkovski, Albinoni, Pachelbel et quelques autres avant de l'inviter chez lui et de lui proposer des cours de solfège et de piano. Mais Malik veut apprendre le violon, et en jouer comme son grand-père qui est mort dans la manifestation de la rue de Charonne. Depuis, sa grand-mère interdit même que l'on évoque le violon dans la famille.
Monsieur Klein refuse qu'il apprenne le violon, avec une incompréhensible colère. Bella Klein prend alors l'initiative de trouver un professeur à Malik, en secret. Et de son côté, M. Klein qui a réfléchi, lui propose son aide, pour des cours de solfège et de piano.
Mais voici qu'une collègue de Simon Klein vient rencontrer Bella. Elle sait qu'ils ont été déportés et elle voudrait qu'ils viennent au collège, témoigner de ce qu'ils ont vécu. Bella accepte, persuadée que Simon, qui ne lui a jamis parlé de sa vie de déporté refusera. Erreur, il accepte. Les voici donc devant les collégiens, racontant comment ils ont été arrêtés, déportés, humilés. On comprend alors pourquoi Simon Klein a refusé que Malik apprenne le violon...
Le spectacle musical de fin d'année que Simon Klein a préparé avec ses élèves, arrive enfin. Et enfin, on peut écouter le duo de ce vieux professeur de musique juif et du petit garçon musulman.


Ce remarquable et émouvant roman est marqué par la façon dont Yaël Hassan exprime la souffrance et la sensibilité de ses personnages.
Simon Klein ne vit pas, il végète, parce qu'il tente d'oublier un trop lourd secret. Dans la famille Choukri aussi, on a mis la vie en veilleuse en tenant d'oublier la mort du grand-père musicien. Mais il y a une rencontre entre le vieil homme juif et le jeune garçon arabe, la rencontre de ceux que tant de préjugés opposent. Et peu à peu, on parle, on se parle, on cesse de se taire, on fait connaissance.
Il y a aussi la Shoah dont il faut parler avant que ne s'éteignent les derniers survivants. C'est une urgence et une nécessité pour Yaël Hassan. Elle le fait subtilement, sans faire un cours d'histoire et en délivrant pourtant des informations.
Enfin, ce roman a un dénouement heureux, pas seulement parce que c'est un roman pour jeunes lecteurs, parce que c'est une façon pour l'auteur de nous faire partager son espoir d'un monde meilleur.
Il n'est pas étonnant que ce roman ait remporté trois prix littéraires en deux années.
Pour tous les lecteurs, dès dix ans, jusqu'à 15-16 ans (En 2001-2002, dans le collège où je travaille, le premier roman est passé de main en main dans une classe de 3e jusqu'à ce qu'il disparaisse... C'est un signe qui ne trompe pas !).

© Jean TANGUY   28 octobre 2002  

Lettres à Dolly

Un roman de Yaël Hassan, publié chez Casterman, en 2002,
dans la collection Comme la vie.

Pendant six mois, Rébecca ne peut voir sa grand-mère. Pour une raison dont sa famille refuse de parler, par honte. Alors Rébecca écrit à Dolly, en toute simplicité, parce qu'elle ne peut se passer d'elle. Elle lui raconte ce qu'elle vit au jour le jour, ses espoirs, ses peines, ses vacances à la neige, les fêtes de famille, son premier amour et ses progrès en maths, ses colères...


Un petit roman tout simple où il est question d'un drame familial qu'on n'apprend que dans la toute dernière phrase, de l'affection d'une petite fille pour sa grand-mère, de leur correspondance, des préjugés que l'on dépasse pour continuer à se parler, et à vivre.
Délicates illustrations de Marcelino Truong.
Pour des jeunes lecteurs de 9-12 ans.

© Jean TANGUY   15 octobre 2002