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Sans
raison particulière
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Le
professeur de musique |
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Lettres à Dolly |
Un roman de Yaël
Hassan, publié chez Syros,
en 2002, dans la collection Les uns les autres.
Serge Lefranc est un adolescent tout à fait
normal : fils unique, père médecin notable
d'une petite ville cherchant à se faire élire...
Cet été-là, il est resté
à B. sans ses parents partis en vacances, avec
Maria, l'employée de maison qui l'a élevé.
Au début, il apprécie la liberté,
puis vient à s'ennuyer. Dans un bar, il est
attiré par la serveuse, Betty, avec qui il
entame une relation amoureuse. Elle lui fait connaître
sa bande, des skins pas timides. Serge est choquée
que Betty se vautre dans les bras d'une sorte de
molosse, rangers aux pieds et crâne rasé.
Il veut s'éloigner de cette bande, mais Betty
le relance et il cède. Quelques nuits plus
tard, il se retrouve à faire le guet pendant
que le reste de la bande est de l'autre côté
d'un mur à faire .. à faire quoi, au
juste ? Il l'apprend le lendemain par le journal :
"Tentative de profanation du cimetière
israélite de B.... cette nuit..."
Hunter prend Serge sous sa protection, pour lui apprendre
à devenir un bon skin, bien violent, bien raciste.
Il s'est rasé la tête et apprend très
vite. Mais tout de même, pour devenir un vrai
membre de leur mouvement, il doit encore faire quelque
chose d'extraordinaire.
L'occasion se présente à la rentrée
scolaire, lorsqu'un ancien déporté est
invité à témoigner de son expérience
concentrationnaire devant les lycéens de l'Institut
Saint-Joseph. Serge se lève... L'injure explicite
plonge dans l'embarras le témoin le directeur
du lycée, la famille. Car Serge étant
d'une bonne famille, il est difficile de comprendre
la raison de son geste...
Il se trouve que le témoin, David Brodsky,
connaît bien la ville et l'Institut pour y avoir
passé son enfance avec son frère, pendant
la guerre, cachés chez le grand-père
de Serge Lefranc. Ils n'ont jamais su qui les avait
dénoncés. Arrêtés, ils
ont été déportés à
Auschwitz.
Pour "ramener ce jeune homme dans le droit
chemin", d'une façon "musclée"
comme le souhaite le directeur de l'Institut, Brodsky
va revenir à B., rencontrer quelques personnes,
et, avec laide du directeur, régler ses comptes...
Un roman tout simple, finalement,
mais terriblement efficace. Yaël Hassan met en
scène un jeune homme qui part à la dérive
simplement parce qu'il s'ennuie l'été.
Et aussi parce qu'autour de lui, personne n'a le courage
de lui rappeler quelques règles élémentaires
de correction : on ne traite pas l'employée
de maison de "boniche", on nettoie après
avoir reçu des copains qui se sont un peu trop
reâlchés... Du côté des
parents, laisse-t-on un jeune de 18 ans seul pendant
l'été sans programme d'activités
ou d'occupations ? Surtout qu'on peut deviner que
celui-ci a été couvé pendant
toute son enfance... Je pourrais encore citer la tête
rasée que le père traite comme une excentricité,
les revues dont Maria ne dit mot aux parents... Bref,
cette famille n'imagine pas encore que l'accident
n'arrive pas qu'aux autres...
Alors, quoi d'étonnant que ce garçon,
qui n'a pas encore de repères bien stables,
se laisse embarquer par cette bande de skins ? Eux
ont des repères, une idéologie simpliste
facile à assimiler, savent identifier les bons
des mauvais, savent lui offrir la chaleur d'une bande
de sopains.
Mais on remarquera que le directeur du lycée
ne choisit pas une punition classique, du genre exclusion
temporaire, retenue avec travail à faire...
Il s'agit de "remettre ce jeune homme dans le
droit chemain". Ce qui, ensuite, amène
le directeur à rencontrer la famille du jeune
homme. Et à nous faire rencontrer une sorte
de racisme tranquille, d'indifférence benoîte,
d'égoïsme petit-bourgeois qui se donne
bonne conscience à bon compte, d'honorabilité
à tout prix.
Pourtant, même à B., il existe des gens
qui ont su être accueillants aux enfants juifs...
Des personnages à la personnalité
bien campée dans ce bon roman sur la vigilance
citoyenne, la nécessité de se référer
à des principes de vie, de penser au sens de
ses actions, pour ne pas se retrouver égaré
sans raison particulière. Sur le devoir de
mémoire, aussi.
Pour garçons et filles dès 13-14
ans (collégiens de 3e, notamment).
©
Jean TANGUY 15 octobre 2002
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Le professeur
de musique
Un roman de Yaël Hassan,
publié chez Casterman, en 2000,
dans la collection Comme la vie.
C'est
le dernière rentrée de Simon Klein, professeur de
musique. On ne peut dire qu'il déborde d'enthousiasme,
c'est un homme plutôt craintif, qui n'aime pas faire preuve
d'autorité. Il a pourtant une classe sympathique, dans
laquelle se trouve le petit Malik Choukri qui lui semble plus
sage que ses terribles frères aînés. Et qui,
surprise, dit aimer la musique classique...
Simon Klein vérifie que Malik écoute bien Tchaïkovski,
Albinoni, Pachelbel et quelques autres avant de l'inviter chez
lui et de lui proposer des cours de solfège et de piano.
Mais Malik veut apprendre le violon, et en jouer comme son grand-père
qui est mort dans la manifestation de la rue de Charonne. Depuis,
sa grand-mère interdit même que l'on évoque
le violon dans la famille.
Monsieur Klein refuse qu'il apprenne le violon, avec une incompréhensible
colère. Bella Klein prend alors l'initiative de trouver
un professeur à Malik, en secret. Et de son côté,
M. Klein qui a réfléchi, lui propose son aide, pour
des cours de solfège et de piano.
Mais voici qu'une collègue de Simon Klein vient rencontrer
Bella. Elle sait qu'ils ont été déportés
et elle voudrait qu'ils viennent au collège, témoigner
de ce qu'ils ont vécu. Bella accepte, persuadée
que Simon, qui ne lui a jamis parlé de sa vie de déporté
refusera. Erreur, il accepte. Les voici donc devant les collégiens,
racontant comment ils ont été arrêtés,
déportés, humilés. On comprend alors pourquoi
Simon Klein a refusé que Malik apprenne le violon...
Le spectacle musical de fin d'année que Simon Klein a préparé
avec ses élèves, arrive enfin. Et enfin, on peut
écouter le duo de ce vieux professeur de musique juif
et du petit garçon musulman.
Ce remarquable et émouvant roman est
marqué par la façon dont Yaël Hassan exprime
la souffrance et la sensibilité de ses personnages.
Simon Klein ne vit pas, il végète, parce qu'il tente
d'oublier un trop lourd secret. Dans la famille Choukri aussi,
on a mis la vie en veilleuse en tenant d'oublier la mort du grand-père
musicien. Mais il y a une rencontre entre le vieil homme juif
et le jeune garçon arabe, la rencontre de ceux que tant
de préjugés opposent. Et peu à peu, on parle,
on se parle, on cesse de se taire, on fait connaissance.
Il y a aussi la Shoah dont il faut parler avant que ne s'éteignent
les derniers survivants. C'est une urgence et une nécessité
pour Yaël Hassan. Elle le fait subtilement, sans faire un
cours d'histoire et en délivrant pourtant des informations.
Enfin, ce roman a un dénouement heureux, pas seulement
parce que c'est un roman pour jeunes lecteurs, parce que c'est
une façon pour l'auteur de nous faire partager son espoir
d'un monde meilleur.
Il n'est pas étonnant que ce roman ait remporté
trois prix littéraires en deux années.
Pour tous les lecteurs, dès dix ans, jusqu'à 15-16
ans (En 2001-2002, dans le collège où je travaille,
le premier roman est passé de main en main dans une classe
de 3e jusqu'à ce qu'il disparaisse... C'est un signe qui
ne trompe pas !).
©
Jean TANGUY 28 octobre 2002
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Lettres
à Dolly
Un roman de Yaël Hassan,
publié chez Casterman, en 2002,
dans la collection Comme la vie.
Pendant
six mois, Rébecca ne peut voir sa grand-mère.
Pour une raison dont sa famille refuse de parler, par honte.
Alors Rébecca écrit à Dolly, en toute simplicité,
parce qu'elle ne peut se passer d'elle. Elle lui raconte ce
qu'elle vit au jour le jour, ses espoirs, ses peines, ses vacances
à la neige, les fêtes de famille, son premier amour
et ses progrès en maths, ses colères...
Un petit roman tout simple où
il est question d'un drame familial qu'on n'apprend que dans
la toute dernière phrase, de l'affection d'une petite
fille pour sa grand-mère, de leur correspondance, des
préjugés que l'on dépasse pour continuer
à se parler, et à vivre.
Délicates illustrations de Marcelino Truong.
Pour des jeunes lecteurs de 9-12 ans.
©
Jean TANGUY 15 octobre 2002
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