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Mis à jour le 09 mai 2012
 Secret ADN
 Ados sous contrôle

 

  Secret ADN

Un roman de Johan Heliot, édité chez Mango, en 2007 
dans la collection Autres Mondes.

Secret ADN Lou est une fouiNet, une journaliste travaillant en free-lance pour une télévision diffusée sur Internet. Elle vient d'apprendre la mort de son collègue et ami, Muna Katz, qui enquêtait en Afrique. Très vite, elle comprend que sa disparition a été provoquée, qu'il enquêtait sur un sujet grave et brûlant. 
Nous sommes dans un pays de la FedEuro qui mène une politique musclée de recherche des immigrés clandestins. Pour ce faire, la FedEuro a généralisé des contrôles ADN fréquents qu'elle utilise aussi pour la constitution d'un fichier d'empreintes génétiques à l'échelle européenne.Aux frontières, les contrôles ADN sont systématiques et permettent de pister les clandestiins. Le système est parfaitement verrouillé pour empêcher les voix des contestataires de s'élever. Les journalistes sont étroitement surveillés et l'accusation du caractère potentiellement subversif de leurs activités suffit à les priver de travail et de revenus. Or, Lou fait partie de cette catégorie de web-reporters qui peuvent être très curieux...
Avec Erwan, le fils de Muna, elle se lance dans une enquête à haut risque en Europe, puis en Afrique, en Angola. Elle est poursuivie par les policiers de la C2i, une police anti-immigration aux pouvoirs étendus, plutôt brutale. Elle leur échappe à plusieurs reprises, grâce au hasard ou à des aides. 
Elle reçoit d'abord l'aide de la mère de Muna Katz, une hackeuse hors pair, qui lui donne des informations précieuses. A Anvers, elle reçoit l'aide d'Henry, un chimiste écolo qui l'aide à comprendre ce que contiennent les pipettes fort convoitées que Muna Katz lui a expédiées. Elle reçoit aussi des aides de la part de personnages fort intéressés par son enquête : d'abord, le généreux Bert Owens, président d'une ONG s'occupant de sauver des enfants africains, puis  de la belle Diomé, une diplomate du Katanga, qui a été très proche de Muna Katz avant sa disparition et qui les sort de quelques pièges. Sur la route de Luanda, le chauffeur d'un camion les prend à bord, ce qui leur permet de se rendre dans un camp de réfugiés, à la frontière de l'Angola et du Katanga. 
Déjà, ils savent de quoi il est question. Ils ont compris comment Bert Owen comptait mener à bien son projet d'aide aux enfants. Ils n'ont pas encore bien compris qui était le faux concierge de l'hôtel où les avait mené Diomé. Mais quand Lou le retrouve au camp, elle prend conscience de la gravité de l'affaire, surtout lorsque son jeune collaborateur, Adrian, lui montre les images qu'il a filmé où l'on peut voir un homme qui a l'allure de Muna Katz, d'un homme à la paeau noire !
Incroyable ? Pas pour Lou qui sait ce que contient la pipette qu'elle cache dans une poche de son pantalon et qui va lui permettre de rentrer en France...


On se rappellera avoir fait la connaissance de la jeune Lou, de son ami Erwan et de Muna Katz dans Ados sous contrôle, mais ce roman n'est pas une suite.
Le roman semble se dérouler dans une époque proche de la nôtre : Internet est seulement un plus plus présent et sophistiqué qu'actuellement. L’Afrique continue  de mourir. L'eau s'est raréfiée. L’Europe s’est fédérée. La lutte contre l'immigration clandestine et le terrorisme s'est intensifiée et la technique des contrôles d’ADN s'est perfectionnée au point que les contrôles peuvent se faire n'importe où, et que les résultats sont disponibles en quelques secondes.

Les biologistes ont inventé une molécule qui permet de modifier pour quelques temps l'ADN d'une personne. Il change notamment la couleur de peau, ce qui permet à l'ONG de faire passer clandestinement des enfants noirs en France, sans qu'on puisse les retrouver, puisque leur ADN se recompose quelques semaines plus tard... Utile pour sauver des vies, mais dangereux si c'est utilisé sur des groupes entiers, par des voyous ou par des gourvernements trop préoccupés de sécurité intérieure. Inadmissible au plan éthique...

Ce livre est un roman d'aventures et d'anticipation. On ne s'ennuie pas à la lecture, passant de périodes calmes et tendres à des moments très animés, très physiques. On voyage dans plusieurs pays, avec des personnages au caractère trempé. La vérité scientifique se dévoile lentement, entretenant le suspense. Pourtant, c'est presque un roman d'actualité, puisque l'auteur dénonce, dans la postface, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, FNAG. Il se constitue depuis 1998, d'abord avec le recensement ds auteurs de crimes sexuels, puis, en 2001, des coupables d'assassinats, de tortures, de terrorisme, d'actes de barbarie. En 2003, il a encore été élargi.
Johan Heliot, dans son roman, pose des questions : tout ceci est-il bien nécessaire ? Qui protège-t-on et pourquoi ? Où sont les limites ? A intensifier les contrôles, ne risque-t-on pas des manipulations gravissimes pour tenter d'y échapper ? 

Un bon roman qui invite à la réflexion que l'on peut lire indépendamment du suivant, Secret ADN.
Pour garçons et filles à partir de 12 ans.

© Jean TANGUY  --  27 octobre 2008   

 

  Ados sous contrôle

Un roman de Johan Heliot, édité chez Mango, en 2007 
dans la collection Autres Mondes.

Ados sous contrôle Lou est une adolescente rebelle. Elle le sait, l'école ne l'intéresse pas, elle sort souvent faire la fête, elle fume un peu d'herbe, ses amis ne sont pas tous très sages... Au milieu d'une nuit, elle est kidnappée par des inconnus, sous le regard de ses parents qui n'interviennent pas.
Le lendemain matin, elle se retrouve dans un camp de rééducation, sous la coupe de son mentor, Patrick Drake qui lui annonce qu'elle va faire un stage de rééducation. Il se compose de plusieurs étapes. La première consiste à accepter son sort. La vie quotidienne n'est pas de tout repos : nourriture juste suffisante pour compenser l'énergie susceptible d'être dépensée, surveillance vidéo de tout l'espace du camp,  jeux physiques ayant un objectif de socialisation, ballade en montagne au cours de laquelle une des filles, Samia, fait une chute qui nécessite son évacuation. 
Lou a noué une relation avec quelques filles, amis c'est surtout celle qu'elle a avec Erwan qui la touche, un garçon plus rebelle qu'elle-même, particulièrement surveillé. Lui a trouvé le moyen de les débarrasser de la puce qui a été implantée sous leur peau à leur arrivée, sans qu'ils le sachent. Sans puce, on ne peut plus savoir où ils se trouvent. C'est lui aussi qui a poussé Samia hors du sentier, pour créer une diversion et tenter une évasion. C'est lui qui fait réaliser à Lou qu'elle n'est plus en zone in, dans le petit monde de la vie confortable, des parents attentionnés, du respect d'autrui, mais en zone out, la zone des APO, ces jeunes du camp qui proviennent de quartiers pauvres, qui forment un groupe à part, très discipliné et obéissant à leur mentor, très calme, comme s'ils étaient drogués. Tous deux tentent donc de se sauver. Erwan est rattrappé par les APO. Lou arrive à quitter la montagne, à se faire prendre en stop par un vieux monsieur qui la dépose à l'hôpital. Quand elle se réveille, elle fait connaissance de Muna Katz, un web-journaliste indépendant. Il enquête sur ces camps et voudrait qu'elle lui donne des informations ce qui se passe. Au début, elle est réticente. De retour chez ses parents, elle vérifie l'exactitude des doutes de Muna Katz.
Quand elle apprend la mort de Samia, elle se décide à l'aider, elle enquête avec Muna Katz. Elle découvre les trafics de la société qui gérait le camp, elle apprend le passé du journaliste et celui d'Erwan. Ses investigations lui montrent à quel point l'action de Patrick Drake était dangereuse pour les libertés.
Mais c'est surtout la liberté d'Erwan qui lui importe...


 Le roman se réfère à une pratique en cours aux Etats-Unis où des sociétés privées gèrent des camps dont l'objectif est de modifier le comportement des adolescents. Les jeunes sont kidnappés avec l'accord de leurs parents, qui se disent impuissants à assurer leur éducation.
On peut le lire comme un roman d'anticipation, tant la tendance sécuritaire est prégnante dans nos sociétés. Plus d'un an après sa publication, ce roman est toujours d'actualité si on veut bien considérer que le détricotage de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante est une façon de plus de diaboliser la jeunesse et d'insécuriser nos concitoyens.
Lou est une jeune adolescente qui commence à se découvrir et à construire sa féminité. Son aventure au camp est un cruel moment initiatique. Elle y découvre la violence, l'embrigadement, une forme de barbarie, l'absence de conscience et de respect de l'humain, la douleur de perdre ceux qui nous sont chers.
Les autres personnages sont divers. Ils y a ses parents, désemparés, qui ont des difficultés à communiquer avec leur fille, qui confonde "élever" et "éduquer" un enfant, qui croient qu'on peut confier à d'autres le soin de faire ce qu'on ne peut faire soi-même. Ce sont aussi des parents crédules, qui ne réfléchissent pas à ce qu'ils vont faire subir à leur fille. Il y a ce journaliste qui a connu la déchéance, l'alcoolisme, qui s'en est sorti et qui rachète son humilant passé en traquant les magouilles de cette société, qui vit en marge pour garder sa liberté d'aller et de venir. Il y a le mentor, un homme froid et sans scrupule, qui sait parfaitement ce qu'il fait. Il y a cette femme plus toute jeune qui est devenue une hackeuse, exercer un contr-pouvoir dans cette société sécuritaire.

C'est un roman construit avec habileté, diablement efficace, qui mêle aventure, action, angoisse, émotion. Il ouvre des pistes de réflexion sur la prise en compte du mal-être adolescent, sur l'exclusion (les APO sont des enfants vendus par des parents de quartiers très populaires) qui engendrerait fatalement la délinquance, les conséquences des inégalités sociales.  Surtout, il fait réfléchir sur la tentation sécuritaire qu'il montre comme étant tout, sauf un paradis, sur l'utilisation des technologies pour le contrôle des individus. Le danger de l'esclavage n'a pas totalement disparu.
Le roman a beau être situé dans un futur éloigné d'une cinquantaine d'années, la frontière avec l'actualité est mince, poreuse même... 

Dans la postface, l'auteur indique les sources qui l'ont inspiré.

Un roman vif, u suspense constant, pour des lecteurs à partir de 12 ans, et pourquoi pas, pour leurs parents.

 

© Jean TANGUY  --  27 janvier2009