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Mis à jour le 09 mai 2012
 

La musique des dauphins

Un roman de Karen Hesse, publié chez Pocket, en 2001, dans la collection Pocket Junior.
Traduit de l'anglais.

Tellement tu es ma soeur ! Au début, il y a une petite fille qui vit avec les dauphins, dans une mer chaude. Puis une coupure de presse relate les conditions de la découverte de cette enfant sauvage dont la peau est recouverte de traînées de sel, qui devait vivre dans l'eau depuis longtemps. Une équipe de scientifiques est chargée de la rééducation de Mila, la fille dauphin. Elle ne connaît rien du monde des hommes, mais elle apprend vite, elle est curieuse, elle cherche à le comprendre. C'est un monde si différent... Comprendre que tous les humains ne sont pas bons. Même les bons humains ne sont pas bons tout le temps (...) Est-ce que tous les dauphins sont bons ? (...) Peut-être que les dauphins ne sont pas si différents des humains que ça.
Peu à peu, Mila entre dans le monde des humains. Elle apprend à communiquer, avec des mots, et surtout avec de la musique. D'abord elle chante comme elle a appris, comme les dauphins ou les baleines. Puis elle écoute de la musique, Mozart surtout, la musique de Mozart est énorme, énorme comme la mer. Enfin, elle joue sa musique sur sa flûte.
Elle cherche aussi à sortir Shay, une autre enfant sauvage, de son isolement. Sans y parvenir. Un jour, Shay quitte l'établissement. Shay est trop fatiguée pour faire un effort. Elle a envie, mais elle ne sait pas de quoi elle a envie. C'est trop tard pour qu'elle revienne en arrière, à ce qu'elle était.
Autour de Mila, il y a le docteur Beck et son fils, Justin, qui lui fera comprendre des choses importantes concernant son existence. Ce qui intéresse Madame Beck, ce n'est pas qu'elle devienne une fille humaine, c'est que la fille-dauphin lui apprenne le langage des dauphins. Il ya aussi un vieil homme, un agent d'entretien qui parle espagnol, M.Aradondo, qui lui rappelle son grand-père d'avant l'accident d'avion. Il y a surtout Sandy, l'assistante, qui entretient avec elle une relation respectueuse de ce qu'elle est.

Plus tard, après le départ de Shay, après qu'elle a compris que ce qui intéresse la plupart des humains qui la connaissent, c'est ce qu'elle connaît des dauphins, après qu'elle a perdu le goût et le sens de la musique humaine, après qu'elle sait assez de choses sur le monde des hommes pour choisir sa vie, elle obtient -enfin- de retourner à sa famille dauphin


On suit avec intérêt l'évolution de la petite Mila, sa découverte du langage humain, des habitudes humaines, des techniques, de la musique, de la lecture, de l'affection, mais aussi de l'égoïsme (elle n'est qu'un objet scientifique pour certains), de l'intérêt d'Etat : tu es la propriété du gouvernement, de la cupidité : il y a des gens que tu intéresses tellement qu'ils seraient prêts à te voler, de la méfiance : tu es différente. Et c'est vrai, élevée par une mère-dauphin, "elle parle du nez" comme eux. Elle pense comme un dauphin. Elle a des réactions qui ne sont pas celles d'une enfant : se voyant à la télé avec ceux qui l'ont récupérée, elle ne comprend pas qu'on puisse être à la fois dedans et dans la pièce voisine... Ou encore, elle tente de lire dans l'eau, mais après le livre avait l'air triste...

Qu'est-ce qui m'a ému dans ce livre ? L'humanisation de Mila, l'enfant-sauvage qui apprend le langage des humains, mot à mot, et se détache de sa vie antérieure, l'enfant qui cherche à comprendre, la description cynique que fait Karen Hesse de notre monde, l'affection désintéressée de Sandy, l'affection patiente et impuissante de Justin, la tendresse de M. Aradondo, la cassure de Mila quand Shay s'en va, son goût pour la musique puis son dégoût, le retour à la vie avec les dauphins et ce qu'il signifie de respect de la fillette... Consentir à ne pas pouvoir tout, accepter ses limites, être l'obligé de l'autre...
J'ai aimé ce petit roman sensible et délicat, son jeu avec le fantastique, sa petite musique si animale et si humaine, sa fin heureuse que je trouve si triste.

Pour garçons et filles dès 11-12 ans.

  © Jean TANGUY   9 janvier 2002