Chroniques de littérature de jeunesseC
h
r
o
n
i
q
u
e
s
.
.
.
Accueil
Liste des Auteurs
Liste des Titres
Accès par thèmes
Les nouvelles sont dans le journal
Lire le journal
Lire les archives du journal
Qui tient ces Chroniques ?
Le Chroniqueur
Contact...
Mis à jour le 09 mai 2012
 

Le Passage du gitan

Un roman d'Yves Heurté, dans la collection Page blanche, édité chez Gallimard, en 1991.

C'est un village de montagne, qui s'appelle Taüll. Arrive un gitan venu on ne sait d'où, avec sa guitare, son chapeau et son pied de fer souvenir d'une vilaine blessure de guerre. Un homme qui a connu la souffrance.
Il croise le destin d'un garçon, Marco, et de sa grand-mère, Santota, qui font travailler un âne dans un champ plutôt aride. Marco est un bâtard. Il n'a jamais connu sa mère. Il est acharné à venger sa bâtardise. Il apprend qui est son père : le maître du village.
L'arrivée du gitan est comme un appel du monde extérieur lancé à ces gens perdus dans la montagne, prisonniers de leur pauvreté, enfermés par leur misère, dépendants du maître despotique et trousseur de jeunes filles. L'existence du gitan laisse croire qu'il y a une autre vie possible. Ailleurs. A Jérusalem comme le dit Marco. Et voici qu'au dernier sillon du champ, alors que déjà l'imaginaire de Marco est enflammé, la charrue met au jour une jarre que l'âne casse du sabot. De l'or, il semble que ce soit de l'or qu'elle contient. Un richesse qui complète le vertige de Marco.
Ils rentrent au village avec ce gitan qui passe, cet homme libre, ce provocateur. Son arrivée déclenche une sorte de folie dans le village, qu'attise la folie de Marco, sa folie de la justice, son désir d'être reconnu comme son fils par le maître.
Le gitan veille sur Marco, ainsi que Luis, un homme un peu différent des villageois, qui est peut-être le père de Loriette, son amie de cœur...


C'est un carnaval tragique où les vérités se révèlent, où les pouvoirs sont remis en cause. Ce roman aurait pu n'être qu'une histoire simple et naïve, il devient une fable pleine de violence et de sensibilité. Yves Heurté travaille l'intériorité des personnages, leur psychologie incompréhensible et insaisissable. Il s'appuie sur des mythologies, des rappels religieux ou mystiques, un arrière-fond historique trouble. Le climat est bizarre, habile mélange de faits divers et d'allégories, il oblige les odyssées personnelles à être plus qu'un destin, une quête initiatique, la recherche d'une utopie. Plus qu'une filiation Marco recherche la justice et la liberté.
C'est un drôle de roman mené avec une grande rigueur jusqu'au désespoir ultime, où se mêlent dans un univers d'invention, humour, insolite, rêve, surréalisme, absurdité, fantastique, les incantations des chansons du gitan...
Le lecteur est pris dès les premières pages, surpris, étourdi par le lyrisme et la force de ce texte à la fois rigoureux et échevelé.
Pour des lecteurs aimant se dépayser, vers 13-14 ans.

    ©   Jean TANGUY - 24 juillet 2000