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Le Passage du gitan
Un roman d'Yves Heurté,
dans la collection Page blanche, édité chez Gallimard,
en 1991.
C'est un village de montagne, qui s'appelle Taüll. Arrive
un gitan venu on ne sait d'où, avec sa guitare, son chapeau et son pied
de fer souvenir d'une vilaine blessure de guerre. Un homme qui a connu
la souffrance.
Il croise le destin d'un garçon, Marco, et de sa grand-mère, Santota,
qui font travailler un âne dans un champ plutôt aride. Marco est un bâtard.
Il n'a jamais connu sa mère. Il est acharné à venger sa bâtardise. Il
apprend qui est son père : le maître du village.
L'arrivée du gitan est comme un appel du monde extérieur lancé à ces gens
perdus dans la montagne, prisonniers de leur pauvreté, enfermés par leur
misère, dépendants du maître despotique et trousseur de jeunes filles.
L'existence du gitan laisse croire qu'il y a une autre vie possible. Ailleurs.
A Jérusalem comme le dit Marco. Et voici qu'au dernier sillon du champ,
alors que déjà l'imaginaire de Marco est enflammé, la charrue met au jour
une jarre que l'âne casse du sabot. De l'or, il semble que ce soit de
l'or qu'elle contient. Un richesse qui complète le vertige de Marco.
Ils rentrent au village avec ce gitan qui passe, cet homme libre, ce provocateur.
Son arrivée déclenche une sorte de folie dans le village, qu'attise la
folie de Marco, sa folie de la justice, son désir d'être reconnu comme
son fils par le maître.
Le gitan veille sur Marco, ainsi que Luis, un homme un peu différent des
villageois, qui est peut-être le père de Loriette, son amie de cœur...
C'est un carnaval tragique où les vérités se révèlent,
où les pouvoirs sont remis en cause. Ce roman aurait pu n'être qu'une
histoire simple et naïve, il devient une fable pleine de violence et de
sensibilité. Yves Heurté travaille l'intériorité des personnages, leur
psychologie incompréhensible et insaisissable. Il s'appuie sur des mythologies,
des rappels religieux ou mystiques, un arrière-fond historique trouble.
Le climat est bizarre, habile mélange de faits divers et d'allégories,
il oblige les odyssées personnelles à être plus qu'un destin, une quête
initiatique, la recherche d'une utopie. Plus qu'une filiation Marco recherche
la justice et la liberté.
C'est un drôle de roman mené avec une grande rigueur jusqu'au désespoir
ultime, où se mêlent dans un univers d'invention, humour, insolite, rêve,
surréalisme, absurdité, fantastique, les incantations des chansons du
gitan...
Le lecteur est pris dès les premières pages, surpris, étourdi par le lyrisme
et la force de ce texte à la fois rigoureux et échevelé.
Pour des lecteurs aimant se dépayser, vers 13-14 ans.
© Jean
TANGUY - 24 juillet 2000
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