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Mis à jour le 09 mai 2012
 

Treize petites enveloppes bleues

Un roman de Maureen Johnson, publié chez Gallimard, en 2007.
Traduit de l'américain.

Treize petites enveloppes bleuesGinny a dix-sept ans. Peg, sa tante bien-aîmée, qui était une personne excentrique, originale et célibataire, est décédée après avoir disparu sans laisser d'adresse. Elle laisse une enveloppe à sa nièce avec un certain nombre de choses à faire : remplir un sac à dos, n'emporter aucun guide de voyage ou de conversation, renoncer à tout moyen de communication électronique, ne pas prendre d'appareil photo ni d'argent (sa tante lui a laissé une carte et un crédit très correct), prendre un aller simple pour Londres, mais passer par New York prendre un colis.
La jeune fille ne se pose pas de question -on l'a dit : la tante n'était pas banale, elle part. Le colis contient douze enveloppes bleues numérotées. Elle doit les ouvrir dans l'ordre, une par une, après avoir rempli la consigne que chacune contient.  Elle fait un certain nombre de rencontres. A Londres, elle loge chez Richard, un responsable des achats spéciaux chez Harrods, et elle rencontre Keith, un jeune comédien qui fait du théâtre underground. Comme elle doit devenir une bienfaitrice mystérieuse, elle choisit d'acheter tous les billets pour toutes les représentations, sans rien dire à Keith qui ne tardera pas à la retrouver.  Puis elle se rend en Ecosse, accompagnée de Keith, où elle fait connaissance d'une artiste peintre.  La cinquième enveloppe l'envoie à Rome, admirer les Vestales et leur faire une offrande. Elle doit ensuite inviter un jeune romain à manger un gâteau avec elle. Il va essayer de la draguer, mais sans succès. Pour aller à Paris, elle doit prendre le train et se rendre au Louvre.  Après quoi elle doit trouver un café. Un café dans Paris !!!  Avec beaucoup de chance, elle trouve ce café dans lequel sa tante avait vécu ses jours et ses nuits pendant que le propriétaire prenait des vacances. Pour gagner le droit d'y rester pendant ce mois, elle l'avait superbement décoré. Après Paris, c'est Amsterdam. La personne qu'elle devait rencontrer a disparu, elle est invitée à se joindre à une famille  américaine qui visite la ville au pas de course, selon un programme très minuté. et qui lui fait régler ses frais à la fin de leur séjour. A Copenhague, elle passe quelques moments sur une péniche. Sa tante était venue là pour le soleil, lorsque la lumière est continuelle.  Elle termine son séjour dans une sorte d'auberge de jeunesse, avec un groupe de jeunes.  L'avant-dernière enveloppe lui ordonne d'aller en Grèce. On ne saura jamais ce que contenait la dernière enveloppe bleue, parce qu'elle se la fait voler avec une partie de  ses affaires pendant qu'elle  se baigne. 
Ginny retourne alors à Londres, chez  Richard, qui lui apprend que sa tante Peg et lui s'étaient mariés et qu'il est donc son oncle. Mais ce qu'elle apprend chez Harrods est bien plus étonnant...


Un roman original qui se situe loin de l'actuelle production pour adolescentes. L'héroïne n'est pas de ces jeunes filles égocentriques  prioritairement préoccupées de leur apparence et des garçons, ni une jeune fille traumatisée par des problèmes familiaux, de la violence, des troubles psychologiques et affectifs divers. C'est une adolescente normale, qui ne se pose pas trop de questions et qui part à l'aventure, avec seulement un sac à dos, sans savoir de quoi demain sera fait. Elle ne se soucie pas des garçons, ni de son aspect physique, ni même, à certains moments, de son hygiène corporelle.  Elle obéit aux règles que lui a fixé, enveloppe après enveloppe, sa défunte tante.  C'est agréable...

Dès les toutes premières pages, on sait que Ginny va voyager. A  dix-sept ans, son long voyage demanderait une bonne préparation, ne serait-ce qu'une sortie de territoire,  s'il se déroulait hors du cadre d'un roman. Autre invraisemblance, hormis les personnes que les lettres lui commandent de rencontrer, Ginny ne fréquente que des touristes, elle ne semble pas très intéressée par l'actualité, la culture, les monuments des villes dans lesquelles elle séjourne.  Ceci dit, quelques vérifications dans des guides de voyage permettent de constater que les détails fournis sont exacts. De même, les personnages rencontrés sont plausibles.

Au fil de la lecture, on a parfois de la peine à comprendre les raisons qui font que Ginny doit quitter tel endroit pour se rendre à tel autre. C'est qu'à  chaque fois, elle va découvrir quelque chose de la vie de sa tante, de son art, des personnes qu'elle a fréquenté, de ses intérêts. En même temps, elle se découvre elle-même, elle apprend à faire confiance, à vaincre sa timidité, à prendre des décisions, à goûter le moment qu'elle vit. 

Ce roman est parfois superficiel, dans le sens d'un manque de densité, de profondeur, d'humanité. La psychologie des personnages n'est pas toujours pleinement exploitée.  Je trouve même que c'est parfois mal écrit, ou mal traduit. J'ai souvent pensé au long road movie des Enfants Tillermann,  de Cynthia Voigt, sur les routes américaines, au caractère trempé de Dicey. Ce roman n'a pas la même force.
J'ai tout de même apprécié la liberté de la jeune fille, son insouciance, son inconscience, même, qui lui permettent de partir ainsi vers l'inconnu sans souci du lendemain. Cette façon initiatique de passer de l'enfance à l'âge adulte au cours d'un voyage m'a rappelé  le jeune Traff de Voyageur, de Lesley Beake, qui, à quinze ans, doit accompagner un homme aveugle dans un voyage jusqu'à l'extrême pointe Sud du continent africain.  Au cours de son périple, la jeune fille prend conscience de la valeur de la famille, de l'importance de vivre avec l'esprit ouvert et tolérant, de communiquer avec d'autres, d'être généreux comme Richard, de rester vigilant car la vie peut ménager quelques pièges dangereux.  

Un roman qui vaut d'être lu pour son originalité, pour le voyage, pour une certaine fraîcheur, pour le courage insouciant et aventureux de la jeune fille.

Pour garçons et filles dès 12-13 ans.

© Jean TANGUY   23 février 2007