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Treize petites enveloppes bleues
Un roman de Maureen
Johnson, publié chez Gallimard,
en 2007.
Traduit de l'américain.
Ginny
a dix-sept ans. Peg, sa tante bien-aîmée,
qui était une personne excentrique, originale et
célibataire, est
décédée après avoir disparu
sans laisser
d'adresse. Elle laisse une enveloppe à sa
nièce avec un certain nombre de choses à faire :
remplir un sac à dos, n'emporter aucun guide de voyage ou de
conversation, renoncer à tout moyen de communication
électronique, ne pas prendre d'appareil photo ni d'argent
(sa tante lui a laissé une carte et un crédit
très correct), prendre un aller simple pour Londres, mais
passer par New York prendre un colis.
La jeune fille ne se pose pas de question -on l'a dit : la tante
n'était pas banale, elle part. Le colis contient douze
enveloppes bleues numérotées. Elle doit les ouvrir dans l'ordre, une par une, après avoir rempli la
consigne que chacune contient. Elle fait un certain nombre de
rencontres. A Londres, elle loge chez Richard, un responsable des
achats spéciaux chez Harrods, et elle rencontre
Keith, un jeune comédien qui fait du
théâtre underground. Comme elle doit devenir une bienfaitrice
mystérieuse,
elle choisit d'acheter tous les
billets pour toutes les représentations, sans rien dire
à Keith qui ne tardera pas à la retrouver.
Puis elle se rend en Ecosse, accompagnée de
Keith, où elle fait connaissance d'une artiste
peintre. La cinquième enveloppe l'envoie
à Rome, admirer les Vestales et
leur faire une offrande. Elle doit ensuite inviter un jeune romain
à
manger un gâteau avec elle. Il va essayer de la
draguer, mais sans succès. Pour aller à
Paris, elle
doit prendre le train et se rendre au Louvre.
Après quoi
elle doit trouver un café. Un café dans Paris !!!
Avec beaucoup de chance, elle trouve ce café dans
lequel
sa tante avait vécu ses jours et ses nuits pendant que le
propriétaire prenait des vacances. Pour gagner le
droit d'y
rester pendant ce mois, elle l'avait superbement
décoré. Après Paris, c'est
Amsterdam. La personne qu'elle devait rencontrer a disparu, elle est
invitée à se joindre à une famille
américaine qui visite la ville au pas de course,
selon un programme très minuté. et qui lui fait
régler ses frais à la fin de leur
séjour. A Copenhague, elle passe quelques
moments sur une péniche. Sa tante était venue
là pour le soleil, lorsque la lumière est
continuelle. Elle termine son séjour
dans une sorte d'auberge de jeunesse, avec un groupe
de jeunes. L'avant-dernière enveloppe lui
ordonne d'aller en Grèce. On ne saura jamais ce que
contenait la dernière enveloppe bleue, parce qu'elle se la
fait voler avec une partie de ses affaires pendant
qu'elle se baigne.
Ginny retourne alors à Londres, chez Richard, qui
lui apprend que sa tante Peg et lui s'étaient
mariés et qu'il est donc son oncle. Mais ce qu'elle apprend
chez Harrods est bien plus étonnant...
Un roman original qui se situe
loin de
l'actuelle production pour adolescentes. L'héroïne n'est
pas de ces jeunes filles égocentriques
prioritairement préoccupées de leur
apparence et des
garçons, ni une jeune fille traumatisée par des problèmes familiaux, de la violence, des troubles
psychologiques et affectifs
divers. C'est une adolescente normale, qui ne se
pose pas trop de questions et qui part à l'aventure, avec
seulement un sac à dos, sans savoir de quoi demain sera
fait.
Elle ne se soucie pas des garçons, ni de son aspect
physique, ni même, à certains moments, de son
hygiène corporelle. Elle obéit aux
règles que lui a fixé, enveloppe après
enveloppe,
sa défunte tante. C'est agréable...
Dès les toutes
premières pages,
on sait que Ginny va voyager. A dix-sept ans, son
long
voyage demanderait une bonne préparation, ne serait-ce
qu'une
sortie de territoire, s'il se déroulait hors du cadre
d'un roman. Autre invraisemblance, hormis les personnes que les lettres
lui commandent de rencontrer, Ginny ne fréquente que des
touristes, elle ne semble pas très
intéressée par
l'actualité, la culture, les monuments des villes dans
lesquelles elle séjourne. Ceci dit, quelques
vérifications dans des guides de voyage permettent
de
constater que les détails fournis sont exacts. De
même, les
personnages rencontrés sont plausibles.
Au fil de la lecture, on a parfois de la peine
à comprendre les raisons qui font que Ginny doit quitter tel
endroit pour se rendre à tel autre. C'est qu'à chaque
fois, elle va découvrir quelque chose de la vie de sa tante, de
son art, des personnes qu'elle a fréquenté, de
ses intérêts. En même temps, elle se
découvre elle-même, elle apprend à
faire confiance, à vaincre sa timidité,
à prendre des décisions, à
goûter le moment qu'elle vit.
Ce roman est parfois
superficiel, dans le sens d'un manque de densité, de
profondeur, d'humanité. La psychologie des personnages n'est
pas toujours pleinement exploitée. Je trouve
même que c'est parfois mal écrit, ou mal traduit.
J'ai souvent pensé au long road movie des Enfants
Tillermann, de Cynthia Voigt, sur les routes
américaines, au caractère trempé de
Dicey. Ce roman n'a pas la même force.
J'ai tout de même apprécié la liberté de la jeune fille, son
insouciance, son inconscience, même, qui lui permettent de partir
ainsi vers l'inconnu sans souci du lendemain. Cette façon initiatique de
passer de l'enfance à l'âge adulte au cours d'un
voyage m'a rappelé le jeune Traff de
Voyageur, de Lesley
Beake,
qui, à quinze ans, doit
accompagner un homme aveugle dans un voyage jusqu'à
l'extrême pointe Sud du continent africain. Au
cours de son périple, la jeune fille prend conscience de la
valeur de la famille, de l'importance de vivre avec l'esprit ouvert et
tolérant, de communiquer avec d'autres, d'être
généreux comme Richard, de rester vigilant car la
vie peut ménager quelques pièges dangereux.
Un roman qui vaut
d'être lu pour son originalité, pour le voyage, pour
une certaine fraîcheur, pour le courage insouciant et aventureux de la jeune fille.
Pour garçons et
filles dès 12-13 ans.
© Jean TANGUY 23
février 2007
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