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Esie-la-bête
Un roman de Rose-Claire Labalestra,
édité chez Thierry Magnier en 1999,
dans la collection Roman.
Les parents d'Elisabeth, dix ans, sont handicapés
mentaux. Depuis sa naissance, elle a vécu entourée de leur amour et de
l'affection des ses éducateurs, Sophie et Pablo. A l'école, l'institutrice,
Mme Munant s'est attachée à cette petite fille intelligente et sensible.
En grandissant, la vie devient difficile pour Élisabeth. Elle se rend
bien compte que ses parents ne sont pas comme les autres. Son père parle
fort dans la rue, quand il se passionne pour quelque chose. A l'école,
ce sont toujours les éducateurs qui se déplacent quand Élisabeth a trop
de difficultés avec les divisions. Les autres élèves le savent, surtout
ce garçon qui ne rate pas une occasion de l'appeler Esie-la-bête depuis
qu'il a appris que sont père l'appelle souvent Esie-le-belle. Même Houria,
sa meilleure copine, finit par se lasser des histoires de la fillette.
Au fur et à mesure que l'année du CM2 s'avance, la vie d'Elisabeth lui
est de plus en plus insupportable. Elle est déchirée entre son affection
pour ses parents et son désir d'être comme les autres. Elle a besoin de
la tendresse de ses parents et d'une voisine, et toute cette tendresse
l'étouffe. Lorsque ses éducateurs le lui proposent, elle accepte de s'éloigner
de sa famille, d'aller vivre dans un foyer. Là, avec Milane, sa
camarade de chambre, avec Gème, la bibliothécaire qui vient conter des
histoires, et avec Pablo, l'éducateur qui la connaît depuis qu'elle est
toute petite, elle continue d'y construire sa vie, d'accepter sa différence.
Être
l'enfant d'un couple d'handicapés mentaux n'est pas facile, on l'imagine
sans peine. Être un enfant normalement sensible et intelligent est encore
plus difficile. Ce roman montre bien l'écartèlement de l'enfant entre
son affection pour ses parents et sa honte, quand ils ne se comportent
pas comme tout le monde. Il montre bien toute la difficulté d'Esie d'assumer
cette situation, la violence quand les mots manquent pour dire sa souffrance,
les relations de substitution qui se nouent avec les éducateurs ou la
bibliothécaire. L'histoire se passe au cours de l'année scolaire de CM2,
de septembre à juin, une année qui se termine bien parce que l'enfant
a bénéficié de beaucoup d'affection et d'attention, parce qu'elle a pu
faire confiance à ceux qui l'entourent.
Dans l'ensemble, les personnages sont décrits, avec justesse. Les situations
sonnent vrai. La vie en foyer d'enfants de cet âge est plutôt bien rendu.
Les éducateurs sont parfaits, même si l'une d'eux semble moins douée pour
ce noble mais difficile métier.
Dans la réalité, la vie est plus dure, le foyer moins rose, les éducateurs
sont moins doués pour établir des relations positives avec les enfants,
et les enfants sont moins réceptifs, plus rétifs aux bonnes volontés éducatives...
Malgré ces réserves -et peut-être même à cause d'elles- il faut en conseiller
la lecture pour ce qu'il fait connaître d'un monde inconnu et inimaginable
à tous ceux qui n'ont pas côtoyé de près l'enfance inadaptée.
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