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Mis à jour le 09 mai 2012
  Automates
  Dans les larmes de Gaïa
  Mosa wosa

 

  Automates

Un roman de Nathalie Le Gendre, édité chez Mango, en 2005 
dans la collection Autres Mondes .

Automates

Secrètement, Luka a entraîné sa soeur dans un entraînement sur une piste de moto. Luka chute, c'est l'accident. Doublement grave parce qu'il est dans le coma et que cela compromet sa carrière de pilote talentueux, et parce qu'ils appartiennent à une socité aux règles draconiennes où l'on interdit aux femmes de conduire une moto.
Luka est conduit dans une clinique d'un célèbre professeur qui propose à sa famille de lui greffer un cerveau-ordinateur qui le priverait de toute volonté et le rendrait dépendant. La famille refuse, sans avoir les moyens de garder Luka très longtemps dans cette clinique.
Andhré-Ann est choquée par cette proposition. Elle sait ce que une personne au cerveau greffé. Elle décide de quitter sa famille, de se couper ses cheveux et de profiter de sa silhouette androgyne pour se faire passer pour un garçon. Avec l'aide de son amie Llana, elle contacte le milieu des motards avec la volonté de participer aux Olympies. Elle sait qu'en marge, il y a des courses clandestines et dangereuses où, en bonne pilote qu'elle est, elle pourra gagner beaucoup d'argent pour aider sa famille à payer la clinique de son frère
Au fil des courses, elle va découvrir sa vraie identité, la vraie raison de l'accident de son frère, mettre sa vie en danger tout en permettant que la lumière soit faite sur des trafics immoraux du machiavélique professeur.


Nathalie Le Gendre nous livre un roman au rythme rapide qui se lit avec un réel plaisir.
La société du XXIIIe est loin d'être parfaite : les femmes sont interdites de pantalons, doivent porter des cheveux longs et n'ont pas le droit de tout faire. La société est partagée en deux avec sa ville d'en-bas et sa ville d'en-haut.
La tolérance y est moindre qu'aujourd'hui puisque l'homosexualité y si mal vue que le chirurgien de l'histoire est prêt à lobotomiser sa propre fille pour effacer cette "tare". Le roman tourne autour du sport. Si les héros sont droits, il y a aussi des gens qui sont prêts à n'importe quoi pour gagner, à séduire leur public, même s'ils faut risquer la vie des sportifs. Enfin, on est dans une société technologiquement évoluée : on sait greffer le cerveau sur des ordinateurs pour permettre à des humains de continuer à vivre après un accident. On le fait aussi pour améliorer les hommes, les transformer en Automates performants qui pourront gagner les courses en pilotant des motos intelligentes.
Dans cet univers, Andhré-Ann est une jeune fille rebelle. Elle possède sa moto qu'elle sait régler et piloter mieux que des garçons modifiés. Elle refuse les motos intelligentes. Elle refuse aussi qu'on limite sa liberté de femme. Elle découvre son orientation sexuelle et décide de l'assumer.
L'intrigue de ce roman se situe dans un cadre futuriste, mais pour un peu, elle aurait pu être placée dans notre siècle, le greffage cybernétique excepté. On pourra regretter les clichés à propos de la découverte de son homosexualité par la jeune fille, comme par hasard, son amie qui l'accompagne dans les milieux de la moto, est homosexuelle, ce qui permet à leur amour de s'épanouir immédiatement et sans obstacle.
Au plan technique, même au XXIIIe siècle, la maîtrise du greffage d'un cerveau ordinateur est tout de même trop avancée pour être vraiment plausible, de même que la réversibilité de l'opération que subit Andhré-Ann, ou que la facilité avec lequel Marco communique avec le cerveau de Luka et son environnement.
Il reste qu'en refermant le livre, c'est la découverte que fait Andhré-Ann de son homosexualité dans un monde où la morale l'interdit qui apparaît comme le thème majeur du livre. Puis c'est la générosité de la jeune fille qui être prête à otu riquer pour sauver son frère, la dénonciation de la folie des hommes assoiffés de puissance, les magouilles du monde du sport, le machisme de la société. Le cadre futuriste est presque superflu.
C'est tout de même une belle histoire, un hommage à la liberté et à l'amour, un appel à la tolérance et à la vigilance citoyenne.

 © Jean TANGUY   06 juin 2007  

  Dans les larmes de Gaïa

Un roman de Nathalie Le Gendre, édité chez Mango, en 2003 
dans la collection Autres Mondes .

Automates

En 2030, au terme d'affrontements de plus en plus violents et destructeurs, les hommes ont tenté de mettre fin à l'humanité. Dans un dernier sursaut, Gaïa, le Terre-Mère s'est révoltée. Mutilée, quasi-détruite, folle de douleur, Gaïa pleure de toutes ses larmes. Des océans submergent les continents. Elle laisse subsister une petite terre vierge et quelques milliers de survivants qui dérivent dans une Archebulle drecouverte d'un dôme d'énergie.
Ils forment une mini-société très hiérarchisée dirigée par une caste éclairée, les "Novi Electi qui fondent leur pouvoir sur leur filiation avec les concepteurs de la Bulle.
Selon les Novi Electi, l'Archebulle est un monde fermé et autonome. Tous les accès ont été détruits après la Guerre Ultime pour éviter la contamination.
Natanae est une jeune fille des basses classes.Sa mère vit avec son deuxième mari, un homme brutal et louche. A neuf ans, Natanae a été renvoyée auprès de son père pour une raison qu'elle ignore. Son père vient de mourir, sa mère la reprend. Elle va vivre avec eux et avec Thynie, sa jeune soeur. Natanae est une jeune fille au caractère fort, un peu rebelle, qui aime aller contempler la mer et dessiner.
Morphée est un fils de Loewy, le Premier Dirigeant des Novo Electi. C'est une jeune homme rêveur, qui aime la lecture, la poésie et le théâtre, lesquels sont interdits sur l'Archebulle où on n'enseigne que les sciences. Loewy ayant interdit la bibliothèque à son fils, celui-ci va lire en cachette, la nuit, tard. Jusqu'au jour où il entend son père et un autre homme entrer dans la bibliothèque. Il découvre alors que les Novi Electi cachent d'importants secrets, qu'ils mentent à leur peuple pour garder leurs pouvoirs et leurs privilèges.
Un soir, les deux jeunes se rencontrent au bord de la mer. Chacun aime y aller pour rêver à ce qui leur manque. Devant eux, il y a un continent inconnu, un bout de terre battu par les flots, inhabité selon les novi Electi.
Dès lors que Morphée aura mis Natanae au courant des secrets découverts chez son père, les deux jeunes n'auront de cesse de quitter l'Archebulle avec Thynie, pour renaître à une nouvelle vie...


Le décor de ce roman de science-fiction n'a rien rien d'original : une société coupée de tout qui vit dans un espace limité fermé, un système social d'apparence généreux, mais totalement corrompu par des personnes qui rompent leurs gens en retenant des informations, quelques rebelles en manque de quelque chose et qui vont découvrir ce qu'on leur cache.
Les personnages qu'installe Nathalie Le Gendre dérangent ce décor convenu. Il y a le jeune Morphée, destiné à devenir le Premier Dirgeant de l'Archebulle, à propos du quel on peut craindre le pire puisqu'il ne satisfait pas les projets de son père.
Il y a, surtout, Natanae, la fille dont Morphée est amoureux. Depuis la mort de son père, elle est malheureuse. Sa soeur est battue. Sa mère boit. Son beau-père trafique de l'alcool et s'intéresse un peu trop à Natanae.
L'auteur crée une intrigue qui nous fait imaginer et craindre que l'histoire dérape dans le sordide : violence conjugale, maltraitance de la petite fille, viol de Natanae par son beau-père, bannissement ou mort de Morphée. Elle le fait presqu'allusivement, sans trop appuyer le trait
Elle fait aussi ressentir la fausseté de ce double monde parfait ou se perpétue le règne du puissant sur le faible. Dans le monde supérieur, le puisant cache des informations pour asservir le petit peuple. Dans le bas-monde, c'est la force physique qui prime.
Alors que dans d'autres romans de science-fiction, le héros a une dimension messiannique, aspirant à sauver son peuple, Natanae est la seule à désirer la liberté. Son aspiration est intérieure et leur évasion n'est possible que grâce à la force de sa détermination. Morphée lui apporte l'aide logistique nécessaire non parce qu'elle le lui demande, mais parce qu'il l'admire et l'aime. S'ils sont comme Romeo et Juliette, leur amour n'est pas tragique parce que le besoin de liberté de Natanae est rès fort.
Un roman tout à fait réusssi, dont l'originalité réside dans la centration sur le personnage de Natanae et sur la mailtraitance à enfant. La lecture est aisée et agréable, faisant alterner l'émotion, la douceur amoureuse et la poésie avec une pure angoisse.

Pour des lecteurs de 12-13 ans.

 © Jean TANGUY   02 juin  2005  

  Mosa wosa

Un roman de Nathalie Le Gendre, édité chez Mango, en 2004 
dans la collection Autres Mondes .

Automates

Le vieil homme se remémora (...). En un printemps, tout s'était déréglé : les températures s'étaient élvées subitement de plusieurs degrés, la plui avait cessé de tomber...
Dans le grad désordre climatique qui suivit, la moitié de la population du continent nord-américain fut anéantie par une canicule apocalyptique (p. 18).
Alors les Blancs ont trouvé une solution technologique : dix technopoles ultra-modernes, des cités sous globe climatisées, les TechnoCi_T. Dans quelques oasis qui ont miraculeusement survécu au dérèglement climatique, des tribus d'Indiens se sont installés et préservent leurs traditions.
Mosa est un jeune indien à l'orée de l'adolescence. Il vit avec son grand-père, un très vieil homme qui a décidé qu'il était temps de mourir. Il n'a pas connu sa mère qui est morte en lui donnant la vie. Il se décide à aller retrouver son père dans la TechnoCi_T. Il en parle à Stenatliha, une jeune fille qui, bravant les coutumes, veut devenir chaman. Elle le prévient : Dans la cité des Blancs, tu vas trouver ton fils (...) je dis ton fils parce qu'il est issu de toi... mais tu n'es pas son père.
Dans la TechnoCi_T, Mosa découvre son père qu'il ne connaissait pas, un homme qui n'a plus l'énergie suffisante pour réagir aux aléas de la vie. Il découvre surtout son frère Wosa dont il ne soupçonnait même pas l'existence et qui refuse de le considérer comme son frère alors qu'ils sont du même sang, même si Wosa est né trois mois après Mosa. Mosa est malade et a abandonné tout espoir de guérir. C'est un jeune homme tyrannique et rempli de haine. Il suit une bande de skins racistes qui ne l'acceptent que parce qu'il leur donne de l'argent.
Mosa comprend vite que Wosa ne pourra guérir dans ce monde délétère, qu'il lui faut aller dans la tribu ou Stenatliha tentera de le guérir en utilisant la médecine indienne et certaines techniques de la médecine des Blancs.
Mais ce retour dans son monde va perturber sa relation avec Stenatliha. Lors de la fête du Renouveau, Wosa sera guéri, mais il ne peut prévoir à quel prix...


Avec ce roman qui se termine sur un événement que le début ne pouvait laisser entrevoir, Nathalie Le Gendre confirme ce qu'on savait déja, qu'elle sait raconter une histoire et qu'elle ne dédaigne pas de bousculer son lecteur.
Evidemment, on aura de la sympathie pour Mosa, le jeune Indien qui vit heureux en harmonie avec la nature et son peuple. De même qu'on sera sensible à la détermination rebelle de Stenatliha, la jeune fille qui défie d'obsolètes traditions sexistes de son peuple en voulant devenir femme-médecine et vivre seule dans son tipi (même si on devra faire un petit effort pour ne pas trouver là un féminisme pas très utile à l'intrigue !). On appréciera que les adolescents soient moins angoissés que leur père Blanc qui ne sait comment démêler les fils de cette situation incongrue et qui ne sait pas dire ses sentiments à ses enfants. Et on aura naturellement du dégoût pour le Wosa de la TechnoCi_T, un adolescent odieux qui se laisse malmener par une bande de skins. Un xénophobe habité par la haine et soumis à la maldie qui le ronge.
La description de la vie de la tribu indienne offre une arrière-plan original à l'histoire. De nombreux sujets sont abordés : les conséquences de l'imprévoyance des humains, les risques du clonage, le racisme, la liberté et le courage, la force des traditions. Alors qu'on pourrait craindre que le roman soit un patchwork, il est tout le contraire, un ensemble bien agencé et harmonieux. L'émotion est au rendez-vous avec des personnages qui ne sont jamais insignifiants, amis plutôt déroutants dans leur façon de ne pas être tels qu'on les attend.

Si la fin est infiniment triste -pour nous, lecteurs Blancs- le roman est cependant une belle leçon de vie : Qu'est-elle sans la mort ? La mort est-elle une fin de vie ou un moment de la vie ? Peut-on vivre sans la rage de vivre ? Sans désir ? Sans combattre ? Sans soufrir ? Sans aimer ? Sans accepter le meilleur et le moins bon de la vie ? Et que serait-elle sans la responsabilité de soi et d'autrui ?

Ce livre aurait mérité d'être beaucoup plus long. L'auteur aurait pu étoffer ses personnages, sa description de la culture indienne et épaissir les élements de science-fiction. Je reste sur ma faim de ne pas avoir pu vraiment me perdre dans la TechnoCi_T, de ne pas avoir éprouvé la tristesse de Mosa à la mort de son grand-père, de ne pas avoir pu pénétrer la vision de Stenatliha dasn la tente de sudation, de ne pas avoir ressenti la transe de Mosa pendant la Danse du Soleil... Les adolescents peuvent lire d'épais romans s'ils sont de bonne qualité. Et celui-ci l'est.

Ne pas prendre prétexte de cette réserve pour s'éviter de conseiller chaleureusement ce roman à des lecteurs dès 12-13 ans.

 © Jean TANGUY   02 juin  2005