La saison des chamailles

Un roman de Véronique M. Le Normand, publié chez Thierry Magnier, en 2003,
dans la collection Roman.

Lily Blachon a seize ans. Elle vit dans une famille recomposée avec un beau-père, un petit frère et un faux frère issu d'un premier lit, Jean-Baptiste dit JiBé. Elle se pose quelques questions à propos de la vie amoureuse, sa mère étant là pour lui répondre. Mais le plus souvent, c'est Florian son confident, son ami fidèle qui sait tout d'elle.
Elle a aussi une bande de copains et copines avec laquelle elle passe pas mal de temps. Dans cette bande, il y a Constance. Ses parents sont persuadés qu'elle a connu un garçon lors d'un voyage en Angleterre et sa mère a pris rendez-vous avec une gynéco. Or Constance veut faire l'amour avant ce rendez-vous. Les filles passent en revue les candidats possibles. Elles arrêtent leur choix à Florian, elles chargent Lily de le prévenir.
Ce qu'elle ne fait pas tout en affirmant le contraire... Il faut dire qu'elle s'est fait draguer par un autre garçon dont elle n'est pas du tout amoureuse, à qui elle n'a pas osé dire non, et que cela la perturbe.
Si bien qu'un jour, Florian se pointe chez elle et vide le contenu de son sac au milieu de l'entrée : livres, CD, cailloux, bouts de ficelles, pulls, bouteille de sable, Grand livre des papillons, petits mots lettres... Pas un de ses cadeaux ne manque à l'appel. En prime, il lui lance "Je voudrais ne jamais t'avoir connue" avant de partir.
Au même moment, Lily se rend compte que Florian a rompu avec toute la confiance qu'il a eu en elle. Elle en tombe malade (elle est psychosomatique selon sa mère).
En fait, c'est de Florian qu'elle est amoureuse. JiBé, 22 ans, le lui fera prendre conscience. Mais Florian ? Il lui faudra attendre l'été pour tout savoir de ses sentiments...

Un roman qui échappe à la morosité de l'époque, à lire pour le plaisir tout simple de... lire un roman.
A part ça, il montre bien montre comment un adolescent peut ne pas distinguer la frontière existant entre l'amitié et l'amour, tant elle est diaphane à ce moment de la vie où le corps se transforme, où la personnalité s'affirme, où naissent et meurent diverses attirances. L'adolescence n'est pas le temps des certitudes.
Il montre aussi que les adolescents sont des êtres sensibles et fragiles, ce qu'on peut être tenté d'oublier, même quand on les côtoie chaque jour. L'apparence peut être trompeuse, de ces jeunes bien dans leur peau, bien dans leur tête, bien dans leurs affects.
Un roman écrit de façon enlevée, non dépourvu d'humour, avec une bonne description de la nébuleuse sentimentale.

Pour adolescents dès 13-14 ans..

 © Jean TANGUY   09 octobre 2004     

Les égarements de Lily

Un roman de Véronique M. Le Normand, publié chez Thierry Magnier, en 2009,
dans la collection Roman.

Lily Blachon raconte une tranche de sa vie dans ce roman en forme de carnet.
Elle est tombée dans l’escalier et s’est cassé une dent. A cause de l’anesthésie chez le dentiste, elle fait une allergie. Au petit matin, sa figure est si boursouflée qu’elle hésite à reconnaître la tête de grenouille qu’elle voit dans son miroir. Comme elle est serveuse au Café Chéri(e), elle ne peut aller travailler. Elle se réfugie donc chez sa tante, une encadreuse qui travaille avec Mona, son associée. Pour occuper son temps, Lily travaille avec sa tante et apprend à faire quelques encadrements. Une infirmière sympathique la soigne, qu’elle appelle Jolie Souris, avec qui elle papote un peu. Suffisamment cependant, pour qu’elle repense à sa vie passée, à Florian, son amour d’adolescente qui est parti vivre et étudier dans une université américaine, à la séparation de ses parents, aux nouveaux couples qu'ils forment, à ses amis présents et passés...
Par hasard, elle rencontre son voisin. C’est l’éditeur d’une revue qui prépare un numéro consacré à Ian Falk, un professeur de littérature qui a eu une grosse influence sur Lily. Elle l’a connu à la Sorbonne. Il l’a poussée à faire un Erasmus à Berlin. Elle y a vécu une autre vie, en colocation avec de nouveaux amis, puis dans une famille. Elle a été amoureuse de Sven, un musicien qui a disparu brutalement sans rien lui dire. Elle a continué à correspondre avec Ian Falk. Pendant qu’elle explorait Berlin, sa ville, il se mourait à Paris. Je savais qu’il était malade, mais il n’en parlait jamais (...). Ian est mort la veille de mon retour. Je ne suis pas arrivée assez tôt pour lui dire adieu. J’y pense tout le temps. C’est le premier grand regret de ma vie. A l’enterrement de son professeur, elle avait récité "Recueillement", le poème de Baudelaire. Le voisin s’en est rappelé. Il lui demande de l’aider à traduire des textes de Ian Flak pour la revue qu’il se prépare à éditer.
Au terme de son travail de mémoire, Lily va prendre une décision pour son avenir. Elle retournera à Berlin...

Ce quatrième recueil des carnets de Lily B. s’attache aux premières années de sa vie d’adulte. Au fil des pages, on prend la mesure du chemin parcouru, on voit qu’elle a grandi et mûri : la jeune fille qui a commencé ses carnets à quatorze ans a maintenant vingt-quatre ans. Aucours de cette pause bienvenue, Elle fait le point sur sa vie, avec de nombreuses digressions. Elle prend la mesure des changements qu’elle a vécu depuis son adolescence. Elle pique ici et là son journal de réflexions, de liens avec ses lectures, de pensées philosophiques. Peu à peu, elle fait le deuil de son passé, elle prend en compte les nouvelles vies de ses parents qui, séparés, ont formé de nouvelles familles, elle fait des choix, ses choix pour sa vie.
L’auteur met sa belle écriture au service de sa faculté à regarder la vie de la jeune fille en condensant dans le moment présent des évènements du passé et l’incertain de l’avenir. C’est un roman sensible et doux avec une héroïne qui a une fibre littéraire et artistique.
C’est aussi l’histoire d’une jeune femme d’aujourd’hui, qui écrit son blog, qui vide son ipod dans ses oreilles pour s’endormir, qui se défait de son amour d’ado sans le renier, qui fait son Erasmus à Berlin, et qui, au retour, vit d’un petit boulot dans un café...

J’ai été sensible à l’écriture de l’auteur, intimiste et romantique. J’ai vraiment eu la sensation de plonger dans l’intimité de cette jeune fille, dans sa pensée, dans ses sentiments heureux et tristes, dans ses interrogations. Pourtant, le roman est très pudique. Lily ne fait pas que raconter sa vie, elle la pense, elle met les évènements en relation et leur donne une perspective, elle construit le sens de sa vie.

Très beau roman pour un lectorat de filles à partir de 13-14 ans (peut-être un peu plus, puisque l'héroïne est plus âgée).

 © Jean TANGUY   27 mai 2009