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Un roman de Samuel
Mills, publié chez Naïve,
en 2010,
Traduit de l'anglais par Valérie Le Plouhinec
Ce roman
commence par une scène violente. Alors que Stephan Burns écoute un
écrivain dans une librairie, il ne peut s'empêcher de lui tirer
dessus. Il s'enfuit et se réfugie au bord de la mer, dans une cabane
délabrée.
Stephan vit dans un pays où l'on est sous
surveillance constante. Il y a des caméras partout, équipées d'une
reconnaissance des visages et couplées à un système
d'identification. Tout le monde observe rigoureusement les lois, ne
fait jamais rien d'interdit, n'hésite pas à dénoncer d'éventuels
"Terroristes", prend chaque jour des Pilules de Bonne
Conduite.
Dans cette Grande-Bretagne, on ne lit que des bons
livres qui ont été "récrits" pour effacer toute
scène de violence, de sexe, tout ce qui fait réfléchir, qui rend
critique. Car lire des bons livres rend bon, lire de mauvais
livres rend mauvais.
Dans le lycée de Stephan, il y a une Cabine
de vérité. Un jeune jugé "Terroriste" est envoyé dans
l'Institution, où il est rééduqué, éventuellement contraint par
la torture, avant d'être envoyé dans une nouvelle famille. Ce qui
arrivera à Stephan.
Son père est libraire. Il vend, en
cachette,
des éditions originales, non "récrites". Il fait partie
des Mots, un réseau de résistance constitué surtout d'écrivains
et de libraires. Quand le libraire héberge un écrivain interdit,
Omar, Stephan se retrouve dans une situation difficile. Il finira par
le dénoncer.
Il va alors transiter à plusieurs reprises
par
l'Institution, parfois sans le savoir, et être amplement manipulé
et utilisé pour espionner et détruire le réseau des Mots. Mais la
lecture d'une version originale de Sa Majesté des Mouches va
réveiller sa conscience. Peu à peu, il va comprendre comment
fonctionne l'Etat, prendre goût à la liberté de penser, d'aimer,
de lire, réaliser que les pilules lui lavent le cerveau.
Il va
comprendre son père et décider de le délivrer de sa prison...
Ce roman d’anticipation peut
éclairer notre présent et notre rapport à la littérature.
Il oblige à évoquer la vie sociale et politique de notre pays : le
recours aux lois, la vidéo-surveillance, le respect de la vérité.
Comment ne pas se poser la question des droits fondamentaux, de la
liberté de pensée, de l'expression libre et non soumise à une
quelconque dogmatique ? Peut-on ou non recourir à la violence pour
s'opposer à des abus de l'Etat ?
Comment résister ? Où chacun doit-il placer sa limite à la liberté de
s'exprimer ?
Par rapport à la littérature, peut-on accepter que des livres soient
"récrits" pour notre bien ? La fonction de la littérature doit-elle
être cantonnée à "nous faire du bien" ? La censure peut-elle être supportée par la littérature ? La littérature a-t-elle une fonction politique ?
C'est aussi un excellent
thriller. Le suspense est constant. Les personnages sont complexes
(comme Omar qui est présenté comme homme épris de littérature, ami
fidèle du libraire et comme un intégriste musulman pouvant devenir un
assassin). Le héros est parfois courageux et droit, parfois lâche et
soumis.
Ce roman cite d'autres romans : "1984" de George Orwell,
"L’attrape-cœurs" de Salinger, "Sa majesté des mouches" de William
Golding.
Excellent roman palpitant pour ados à partir de 14-15 ans, et grands ados-jeunes adultes.
© Jean
TANGUY -- 10 février 2011
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