Seul sur la mer
immense
Un roman de Michael
Morpurgo, publié chez Gallimard,
en 2008.
Traduit de l'anglais.
Arthur
Hobhouse a été exilé d'Angleterre en Australie à l'âge de 6 ans. Il
laisse derrière lui sa soeur, Kitty, qui lui a donné une clef dont il
ne
se rappelle plus à quoi elle sert.
Sa vie australienne commence
dans le ranch Cooper où il vit comme un esclave avec d'autres
orphelins. Le fermier est un homme violent, un tyran qui exploite les
enfants, les faisant travailler dur au prétexte de les aider à trouver les chemins qui mènent
à Dieu.
Son épouse lui est soumise. Toutefois, enhardie par le malheur
et
des réactions de résistance des enfants, elle aidera Arthur et son ami
Marty à s'enfuir avec le cheval de la ferme.
Des aborigènes les conduisent à travers le bush
vers l'Arche, la maison de Megs Molloy qui recueille des animaux
abandonnés. Elle va devenir une mère pour ces
deux enfants qu'elle aide à grandir. Elle apprend à Arthur à faire des
modèles réduits de
bateaux, comme ceux que faisait son défunt mari. Lorsqu'ils ont quinze
ans, elle les envoie travailler dans le chantier naval de M.
Dodds, un ami. C'est un nouvel arrachement et aussi un nouveau départ.
En quelques années, ils
deviennent les hommes de confiance du patron qui les envoie
en
mer essayer ses bateaux. Mais quand M. Dodds met le feu à son
chantier pour échapper à ses créanciers, le malheur les rattrapent.
Pendant une quinzaine d'années, Arthur se sent à nouveau orphelin. Ce
sont des années de traversée
du désert.
Des années de massacre des thons à la pêche hauturière, de perte de son
ami, de massacre des hommes pendant la guerre au Vietnam. Des années de
dérive et de solitude.
A quarante-cinq ans, alors qu'il a échoué dans un hôpital où il récite sans cesse le
"Dit du vieux Marin" à haute voix,
il croise une infirmière qui l'écoute et qui l'accueille. C'est Zita,
la fille d'un crétois constructeur de bateaux. Les Crétois deviennent
sa seule famille. Il se marie avec Zita.
Ils auront une fille Allie, à qui il construira des bateaux de plus en
plus grands. Jusqu'à Kitty IV qu'il destine à aller en
Angleterre pour
retrouver Kitty, sa soeur. Avec Allie, ils vont faire de
grandes
navigations pour se préparer à ce voyage. Mais la mort ne lui permettra
pas de faire ce tour du monde tant désiré.
Après la mort de son
père, Allie part en mer sur Kitty IV pour rallier l'Angleterre. Elle
est accompagnée dans ce voyage périlleux et souvent difficile, d'un
albatros, des disques de son père, du même poème de Coleridge, le Dit
du vieux Marin. Elle essuie quelques tempêtes, passe le
Cap Hrn, fait
escale en Nouvelle-Zélande puis aux Malouines pour réparer et
avitailler, croise des dauphins, entre en relation avec un navigateur
de l'espace, Marc Topolski.
Elle vit aussi sa traversée du désert
lorsque l'albatros meurt, puis une rencontre qui lui redonne le goût et
la
force de continuer. Un accident de mer et une avarie de gouvernail la
contraignent à s'arrêter aux îles Scilly. Fin du voyage en solitaire.
C'est en ferry qu'elle gagne Londres. Car l'histoire ne s'achève pas
ici...rthur Hobhouse a été
La
longueur de ce résumé dit assez bien que le livre est magnifique.
Comme le sont son titre, sa couverture et la traduction de Diane Ménard.
L'histoire
d'Arthur est à la fois douloureuse -c'est un orphelin de guerre qui a
eu des années difficiles- et belle par les rencontres qu'il fait, son
amitié avec Marty, sa relation avec Zita et avec sa fille, sa passion
pour la mer. Il est émouvant par sa fidélité à une chanson, London bridge is falling down, un
poème de Coleridge, le Dit
du vieux Marin, ** et
sa foi en sa clef-porte bonheur.
Sa
vie est racontée de manière classique, avec une certaine nostalgie, un
ton qui accroche le lecteur. Elle est hantée par l'interrogation de son
origine : Kitty a-t-elle vraiment existé ? Qu'est-elle devenue ? Malgré
tout ceci, il est sensible à ce qui l'entoure, aux hommes, aux
paysages, aux animaux d'Australie, à la mer. A la mer, surtout...
Le
voyage d'Allie est plus personnel et plus actuel. C'est elle qui
raconte. Elle utilise un portable pour communiquer au moyen de la
messagerie électronique, avec sa famille restée en Tasmanie. Elle fait
un récit de mer avec tous les ingrédients du voyage maritime.
Dans
ces deux récits, on trouve les grands thèmes du récit d'apprentissage
: l'épreuve, le passage de l'enfance à l'âge adulte, la
solitude suivie de l'amitié, la quête de son
identité, la transmission de valeurs, la constitution
d'une
généalogie.
Le roman est inspiré par des faits réels dont la postface se fait
l'écho.
Il
faut lire ce récit magnifique, toujours émouvant qui attriste parfois,
qui inquiète, qui rend gai et qui émeut, qui fait voyager dans le temps
et en mer, qui fait rencontrer de belles personnes. Il faut être Morpurgo pour réussir à mêler tout ceci...
Des jours après en avoir achevé la lecture, cette histoire continue à
m'habiter.
A lire absolument, donc, et à faire lire dès 13-14 ans.
**
Noter que dans le poème de Coleridge, un albatros guide un équipage
vers des mers hospitalières comme il guide Allie vers l'Angleterre.
Mais un marin le tue, ce qui déchaîne une série d'événements
surnaturels. Le vieux marin, désorienté par sa culpabilité, finit par retrouver la raison et commence
alors à porter un regard bienveillant sur la nature qui l'entoure,
rompant ainsi le maléfice.
On peut écouter Michael Morpurgo, de passage à Etonnants Voyageurs, sur
le site de Gallimard Jeunesse.
©
Jean TANGUY 19 juillet 2008
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