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Mis à jour le 09 mai 2012
  Journal d'une sorcière

  Mémoires d'une pirate  
  Vies de sorcières 

 

  Journal d'un sorcière

Un roman de Celia Rees, édité au Seuil, en 2002 
Traduit de l'anglais.

  Mary est une sorcière. A quinze ans, elle assiste au procès en sorcellerie de sa grand-mère. On l'a jetée à l'au, pieds et poings liés, et comme elle n'a pas flotté, on l'a déclarée sorcière. Elle a été exécutée. Mary a été immédiatement enlevée par de mystérieux ravisseurs, dont une femme qui a une dette vis-à-vis de sa grand-mère, et qui ne veut pas que Mary connaisse le même sort. Elle lui laisse un coffre, avec une lettre et de quoi écrire son journal.
En peu de temps, on la fait ressembler à une jeune fille bien élevée, une jeune fille qui peut passer inaperçue. Pour échapper à ceux qui brûlent les sorcières, il lui faut se réfugier au coeur même du groupe le acharné : les puritains. C'est l'endroit où personne ne pensera à la chercher. Au prix de quelques arrangements avec sa propre histoire, elle est accceptée par un groupe qui part pour le Nouveau Monde. Elle se lie avec Martha qui prend la jeune fille sous son aile.
Le voyage sur le bateau, est pénible. Les passagers sont le plus souvent dans la cale et souffrent de la promiscuité. Mary doit être vigilante, parce que le pasteur du groupe est très méfiant et superstitieux. Chaque événement est interprété comme un signe, ou, plus souvent, comme un danger, une indication de la volonté divine,  parfois comme une malédaiction. Mais Mary observe les puritains, elle en déchiffre la personnalité. Et elle peut compter sur l'aide de quelques personnes avec qui elle noue une vraie amitié.
Arrivés sur le nouveau continent, les colons s'installent dans la forêt. La vie est dure. Il faut défricher, construire, se préparer à une rude hiver. Mary est curieuse de ce qui l'entoure. Alors que les puritains ont peur des Indiens qu'ils considèrent comme des sauvages, Mary les observe et se lie très vite avec l'un d'eux. Avec ce jeune Indien, en secret, elle parcourt la forêt, affinant sa connaissance des plantes. Elle vient au secours de Jonas, qui a eu un grave accident et trouve le moyen de le guérir. Elle aide aussi à d'autres guérison, à des accouchements. Dans la communauté, le pasteur est de plus en plus suspicieux.
Alors, Mary se résigne, elle coud chaque page de son journal dans une couverture en patchwork. Dans une communauté de puritains du 17e siècle, pour une femme comme elle, une sorcière, peut-il y avoir un avenir autre que le bûcher ?


Ne cherchez pas de ressemblance avec une série au fort succès dont le héros est un jeune sorcier, il n'y en a pas. D'une certaine façon ce n'est même pas une histoire de sorciers ou de sorcellerie,: il n'y a pas de sorts jetés, pas de potions magiques, pas d'actions télépathiques. Tout juste quelques onguents, la connaissance des plantes, une façon d'entrer en empathie avec autrui.
De plus, ce Journal d'un sorcière comporte un long chapitre consacré au voyage en bateau vers les Nouveau Monde. Un voyage éprouvant dans une cale où une centaine de passagers vivent dans la plus grande promiscuité. Pendant le traversée, ils assitent à une aurore boréale, aussitôt interprétée par le pasteur puritain comme une vision de la Cité céleste, un présage de guerre, de fléau, de désastre... Mais Mary reste incrédule devant cette élucubration.
Ce roman est un long plaidoyer pour l'ouverture d'esprit, la tolérance, la différence, la curiosité intellectuelle. Il dénonce l'obscurantisme des religions, quand elles refusent d'examiner le bien-fondé d'autres attitudes que les leurs, d'autres pensées, d'autres modes de vie.
La communauté des puritains n'est pas traitée de meilleure façon. Les hommes surtout sont intransigeants impitoyables, bornés. Leur lecture de la Bible est d'un fondamentaliste affligeant. Ils manquent totalement d'esprit critique. Débarquant sur une terre déja habitée et qui ne leur appartient pas, ils traquent et chassent les Indiens à cause de leur couleur de peau et de leur mode de vie nomade.
Lorsqu'ils arrivent à Salem, ils découvrent un Nouveau Monde qui n'est pas une terre d'abondance. Leur vie promet d'être austère. Les habitants les préviennent, mais les puritains ne les écoutent pas. Ils façonnent leur avenir selon les idées religieuses qui les conditionnent, ils ne savent pas tirer des leçons de l'expérience de ces gens.
Mary observe, réfléchit, accueille la nouveauté avec une bienveillance curieuse. Elle sait qu'elle a le don et qu'il peut servir pour aider et soulager les gens. Elle l'entretient, collectionnant les plantes. Elle se lie avec des Indiens et ne dédaignent pas d'apprendre d'eux les secrets de la nature.
Sa vison juste de la réalité, qu'elle consigne dans son journal intime, lui permettra d'échapper à la fureur aveugle des puritains. Tout au long du livre, elle aura souffert de l'intolérance de la part de ces gens bornés et à l'esprit étriqué. Cette situation ne changera, pas. Pour se garder en vie, elle devra s'exclure de ce groupe, fuir...
Les lecteurs confirmés seront à l'aise dans ce roman assez long et dense, aux nombreuses références historiques, au vocabulaire riche. Le lecteur sera ravi par les belles descriptions de la nature, quelques zestes d'une généreuse magie, les aventure de Mary, son courage et sa liberté, ainsi que sa loyauté envers son passé.
On espère que sa vie ne s'est pas arrêtée à la fin du roman...

© Jean TANGUY   11 août 2004  

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  Mémoires d'une pirate

Un roman de Celia Rees, édité au Seuil, en 2004 
Traduit de l'anglais.

Mémoires d'une pirateNancy Kington est la fille d'un riche armateur. Sa mère est morte à sa naissance. Elle a été élevée librement, mais correctement, par des hommes. Elle s'est forgée un caracre intrépide et indépendant. Lorsque son père se remarie, sa nouvelle femme entreprend de faire de Nancy une vraie jeune fille. Elle a des idées sur ce qui est convenable et va vite les imposer à Nancy. Par exemple, elle ne peut plus traîner dans les rues, avec William, son ami d'enfance, avec qui elle projette de se marier un jour. Lequel William s'engage dans la Marine après une expérience peu heureuse sur un bateau de son père, un bateau négrier.
Peu après, dans une terrible tempête, la famille perd la quasi totalité de ses navires. Puis son père décède. La vie de Nancy prend alors une nouvelle direction.
Sa famille l'envoie en Jamaïque avec son frère Joseph. Sur l'île, elle apprend qu'elle est en fait la vraie propriétaire de la plantation et découvre la condition des esclaves qui y cultivent la canne à sucre. Puis, le soir de ses seize ans, elle est invitée à dîner chez un voisin, Bartholomé, un beau et rtès riche Brésilien qui lui offre une splendide parure de rubis parce qu'il fait confiance aux pierres précieuses. Elle comprend comment sa famille a arrangé sa vie et, en colère, elle rentre à la plantation. Là, elle surprend le contremaître qui tente de violer Minerva, la jeune esclave avec laquelle elle s'est liée. Elle abat l'homme. Il ne lui reste plus qu'à fuir, avec Minerva et sa mère Phillis, vers la cachette des esclaves marrons.
Apprenant que le Brésilien la fait rechercher et refusant de mettre en danger les esclaves, Nancy et Minerva décident de s'engager sur le vaisseau du pirate Broom. Elle se soumettent aux règles du navire et s'habillent en hommes.
Commence alors une autre vie pour les deux jeunes femmes. Elles sont pirates, elles sillonnent les mers pourchassant les navires marchands pour les dépouiller. Elles affrontent des tempêtes et une mutinerie. Leur navire fuit les bateaux de la Marine Royale, et du même coup, Nancy s'éloigne de William qui est devenu officier. La seule fois qu'ils se rencontrent, les pirates sont arrêtés par les marins que commande William. C'est quand ils sont enchaînés sur le bateau que William reconnait Nancy. Mais il ne peut la libérer. Heureusement, une tempête se lève, le bateau est jeté à la côte, mais les deux femmes parviennent à se sauver...
Mais le Brésilien continue de chercher Nancy qui ne s'est pas débarassée des rubis, comme le lui avait pourtant demandé Phillis, la mère de Minerva. Même lorsque, fatigués de naviguer et de risquer leur vie, les pirates s'installent à Madagascar, Bartholomé les retrouve.
Mais Broom n'attendra pas que le chasseur de pirtaes vienne les débusquer dans leur cachette. Le navire et son équipage reprennent la vie de pirates, juste le temps de mettre un terme à la vie du Brésilien.
Après une révélation sur son identité et cet ultime combat, Nancy retrouvera la liberté...


A une époque où la condition de la femme n'est même pas une idée, nous sommes en Angleterre au 18ème siècle, Nancy et son inséparable amie Minerva mènent une vie de femmes libres, qui décident de leur vie, de leurs amours, de leur destinée. Si quand elles sont avec les pirtaes, elles cachent leur féminité, c'est pour pouvoir vivre là où elles ont décidé, pour pouvoir vivre une forme de liberté.
Celia Rees fait le portrait d'une piraterie respectueuse de ses règles. Il y a un règlement accepté par tous les memebres de l'équipage. Si quelqu'un y déroge, il est puni selon ce règlement. Même le capitaine n'y peut rien changer. La solidarité des pirates est forte et durable. On le voit à travers l'amitié qui unit Broom, Vincent, Graham, le médecin, et les deux femmes.
Il ne faut pas s'attendre à ne lire que des histoires de pirates, des fortunes de mer, des combats sans pitié, des descritions de routes maritimes. Ce roman raconte aussi des moments de la vie d'une fraction de la bourgeoisie anglaise du début du 18e siècle, des récits de voyages, la découverte d'une plantation en Jamaïque, des descriptions des négriers, de l'esclavage. Alors que les deux femmes vivent dans un univers d'hommes qui ne cherchent que le pouvoir et l'argent, elles apportent un autre point de vue, une contestation de cet ordre des choses. De même, elles bravent, par leur amitié indéfectible, les préjugés raciaux. Et elle mènent librement leur vie amoureuse.
L'auteur s'appuie sur des sources historiques réelles : l'Histoire générale des plus fameux pirates de Daniel defoë, pour laquelle Nancy est censée avoir rédigé cette histoire. Elle cite aussi deux célèbres femmes pirates de l'époque : Anne Bonny et Mary Read.
Cet excellent roman écrit à la première personne, mêle des aventures maritimes, de vigoureux combats de pirates, une romantique histoire d'amour. Avec des personnages aux forts caractères.
Celia Rees continue d'émerveiller son lecteur.

Le site de Celia Rees   (en anglais).

Pour des lecteurs confirmés, garçons ou filles. Et pour les adultes.

© Jean TANGUY   12 août 2004  

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  Vies de sorcières

Un roman de Celia Rees, édité au Seuil, en 2003 
Traduit de l'anglais par Anne-Judith Descombey.

Vies de sorcièresAgnes Herme est une jeune indienne Mohawk étudiante en anthropologie. A la lecture de Journal d'une sorcière, qui vient d'être publié, elle a compris que sa propre histoire avait quelque chose à voir avec celle de Mary, cette jeune sorcière qui, trois siècles plus tôt, avait fuit la communauté des puritains de Beulah pour rejoindre une tribu d'Indiens, dans la forêt. On savait qu'elle était sorcière et ils l'auraient pendue s'ils l'avaient capturée.
Quand Agnes a consulté le site Internet consacré au livre, elle avait vécu une expérience bizarre. Elle avait perdu le contact avec la réalité et quand elle s'était réveillée, elle avait les pupilles dilatées par la douleur (...) Elle avait froid, elle était même gelée. Ses doigts étaient exsangues et desséchés, ses ongles bleus. Elle venait de revivre dans une vision, ce moment de la vie de Mary où, alors qu'elle fuit dans la forêt, éreintée, elle s'endort dans la neige. s'est enfuie, où, retrouve effrayée et éreintée, en train de s'endormir dans la neige.
L'anthropologue qui a édité l'ouvrage étant toujours à la recherche d'informations qui lui permettraient de retracer la vie de la jeune fille, Agnes la contacte, après avoir hésité. Elle sait qu'elle est sorcière, sa tante, qui est gérisseuse, l'en a prévenue en lui demandant de garder l'esprit ouvert. Elle a entendu des récits oraux dans sa tribu, qui racontent qu'une femme blanche, une guérisseuse, a été accueillie par les Indiens. Sa tante conserve un coffret contenant des objets qui pourraient avoir appartenu à cette femme, qui pourrait être Mary.
Agnes doute que sa tante la laissera accéder au contenu de ce coffret. Elle l'a ouvert en cachette quand elle était petite. Tout de même, elle va retourner dasn la réserve, rencontrer sa tante et tenter d'en savoir plus. Celle-ci l'emmène au Lac Miroir, dans la loge de sudation. Là, Agnes devient Mary, la jeune femme blanche qui est recueillie par une tribu d'Indiens, qui devient la femme de Geai, la fille d'Aigle Blanc. Elle prend le nom d'Yeux de loup. Elle aura deux enfants, Renard noir et Oiseau moucheté.
Plus tard, elle devra fuir devant les soldats qui décimeront son peuple d'adoption. Elle trouvera refuge chez des Iroquois, chez qui elle restera comme guérisseuse...


Même si on peut le lire séparément, Vies de sorcières se lit après Journal d'une sorcière dont il constitue la suite. On se trouve au début du 21e siècle, à Boston, Massachusetts, dans la vie d'une jeune étudiante. Elle est Indienne, elle ne le cache pas, elle n'exhibe pas, non plus, cette identité. Elle vit dans un foyer d'étudiants, contacte l'anthropologue Alison Ellman par e-mail, circule en voiture sur des autoroutes... Et quand elle retourne dans la réserve et qu'elle a ses visions, on retourne dans le 17e siècle, dans les tribus indiennes qui sont en guerre avec les colons anglais.
Si on sent bien bien que l'histoire est une fiction, on sait aussi que celia Rees s'est sérieusement documentée. Ce qui nous vaut de ne retrouver Mary qu'après un début un peu long. Il s'agit de bien faire comprendre que le passé des Indiens ne peut être fouillé et exposé de n'importe quelle façon. Parce que la vie des Indiens est sacrée, parce que leurs objets peuvent être chargés de pouvoirs, qu'ils peuvent être des incarnations de divinités, leur exhibition est sacrilège et insultante. On peut retrouver cette conception dans Dieu qui parle, un livre de Tony Hillerman très informé des moeurs et coutumes des Indiens Navajo.
C'est tout à la fois une histoire fantastique et un roman historique appuyé sur des références prises dans la vie des Indiens et des premiers colons américains. C'est très bien écrit, très fin, très intelligent. La double inscription dans le 17e siècle et dans le 21e siècle est intéressante.

Je ne saurais dire si j'ai préféré le Journal à Vies de sorcières, mais je crois avoir une préférence pour l'ambiance de celui-ci. J'ai aimé l'incursion dans les coutumes et les conceptions indiennes. J'apprécie aussi que ces deux récits ne soient pas pleins des frasques des sorciers qui volent sur leurs balais et qui fabriquent des potions magiques (même si j'ai du plaisir à lire Harry Potter).
Comment pourrai-je ne pas éprouver de la sympathie et du respect à l'égard d'une héroïne qui, ayant subi la haine des colons, termine malgré tout sa vie à rencontrer et soigner des gens à qui elle ne demandait qu'une chose : c'était de venir avec des intentions pacifiques, de renoncer à toute haine et d'oublier leurs différences ?

Un très beau texte pour des lecteurs à partir de 12-13 ans, et pour les adultes.

© Jean TANGUY   09 octobre 2004  

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