Loin de
Ghadamès
Un roman de Joëlle
Stolz,
édité chez Bayard Jeunesse,
en 2005
dans la collection Estampille.
On
retrouve Malika qui va avoir quinze ans. Il faut qu’elle se
marie
car elle a refusé trois prétendants. Parce que
Malika
n’a pas oublié le jeune homme qui a
passé quelques
temps sur leur terrasse, qui lui a appris à lire et
à
écrire, qui a touché son cœur. Bravant
les coutumes de
Ghadamès une ville du désert
[où] nous avons
tous besoin des autres. Tu ne peux pas vivre ici sans te plier
à
certaines règles, lui dit son père.
Déjà,
une règle est transgressée puisque son
demi-frère
sera marié avant elle,
l’aînée de la famille.
Mais
voici qu’ Abdelkarim est revenu à
Ghadamès. Proscrit,
Malika ne pourra le rencontrer que grâce à la
complicité
de Ladi, la servante. Le jeune homme demande Malika en mariage. Le
père accepte, mais les femmes cherchent par divers
subterfuges
et sortilèges à lui faire changer
d’avis, car elles
ont appris que son futur mari doit l’emmener loin de
Ghadamès
et elles croient que les hommes sont les poutres qui
protègent
les maisons, les femmes sont les piliers qui tiennent toute la ville.
Si on en enlève un, elle finira par
s’écrouler.
A
peine mariés, ils partent pour Derj, puis vers Tripoli, au
Nord. Pour la fille de Ghadamès, le désert est
une
immensité vertigineuse, un espace sans repère, un
lieu
où l’on n’est jamais seul.
Même son mari la surprend
tellement il est différent des hommes de sa ville, il se
conduit comme un Touareg.
A
Tripoli, elle se lie avec Cassandra, la fille du consul anglais de
Tripoli pendant qu’Abdelkarim travaille pour sa
confrérie et
lui parle de ses rêves d’une
société plus
juste, fondée sur la religion. Profitant de sa
liberté
d’aller et venir dans la ville, elle découvre
encore
d’autres façons de vivre, la ville,
l’existence d’autres
ethnies, d’autres religions, mais elle ne voit pas que son
mari a
commencé à changer. Sa confrérie
l’envoie en
mission dans le Hoggar. Malika tient à
l’accompagner alors
même qu’elle apprend qu’elle est
enceinte.
A
Tamanrasset, elle apprend la mort de son père. Elle entre au
service de l’ermite, un moine français qui aide la
population locale, surtout les esclaves. Alors qu’elle se lie
à
lui, son mari lui demande de l’espionner.
Mais
la naissance de sa fille, le rappel d’une promesse
d’Abdelkarim
lorsqu’elle lui a sauvé la vie dans un
tempête de
sable, son amour font réfléchir son mari.
Quand
il leur faut à nouveau partir, c’est à
elle qu’il
demande de décider de la direction.
Dans
cette suite du permier roman, la femme que l’on croit faible
et
soumise aux hommes se révèle être
forte, plus
forte que les apparences. Qu’elle porte les enfants au monde
rend
sa volonté inviolable. Indépendante et finement
intelligente, Malika peut braver les coutumes et les
décisions
de son père, menacer son mari de le quitter en emmenant
l’enfant. Elle échappe ainsi à la
monotonie étriquée
de la vie quotidienne des autres femmes.
Tant
que son mari est proche d’elle, qu’il converses
tout en marchant
dans le désert, il est un homme droit et respectable. Mais
quand il s’éloigne et mène ses affaires
loin d’elle,
il révèle sa faiblesse, son incapacité
à
mener une vie droite et dévie vers le fanatisme dont
l’auteur
choisit de mettre discrètement en scène.
Le
désert est très présent dans ce roman,
comme un
lieu de voyage, d’oasis, de caravanes et de bivouacs. Dans le
précédent ouvrage, il ‘était
comme le ieu de
l’absence des hommes de la ville. Le lecteur aura quelque peu
l’impression magique de voyager aux
côtés du couple,
d’éprouver la grandeur du Hoggar, la violence de
la tempête
de sable, le pas chaloupé du méhari...
Ce
livre d’aventures n’omet pas
d’évoquer la situation
politique de l’époque (présence des
anglais et des
Français, colonisation, esclavage) et le problème
-déjà- de l’extrémisme
islamique.
Mais
au bout du compte, le personnage attachant et fascinant de cette
histoire,
c’est
bien cette femme orientale indépendante,
réfléchie,
volontaire, libre, une reine qui se nomme Malika.
Ne
pas manquer cette lecture, vraiment. A partir de 11-12 ans
jusqu'à...
On peut aisément
trouver des images de Ghadamès, par exemple sur ce
site d'un voyageur, Loïc Marchat.
©
Jean TANGUY 07 août 2006
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