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Mis à jour le 09 mai 2012
 

Inconnu à cette adresse

Un roman de Kressmann Taylor, publié aux éditions Autrement, en 2000, dans la collection Littératures.

Inconnu à cette adresse Ce sont deux amis, Martin Schulse et Max Eisenstein qui sont associés dans une affaire prospère de commerce de tableaux à San Francisco. Martin rentre dans son pays, en Allemagne, au début des années 30. Max reste en Amérique et assume la direction de la galerie. A la même époque, sa soeur, Griselle, entame une carrière de comédienne à Vienne. La première missive de Martin nous apprend qu'ils ont eu une aventure, et que Max a gardé le silence. Cette même lettre démontre en outre que Martin est décidé à faire valoir ses intérêts personnels et qu'il a des ambitions politiques. Très vite, on décèle qu'il tire parti de la situation de son pays pour améliorer sa position déja confortable. Il laisse percer son attrait naissant pour le fuhrër : Franchement, Max, je crois qu'à nombre d'égards, Hitler est bon pour l'Allemagne, mais je n'en suis pas sûr (25 mars 1933). Rapidement, Martin va épouser les vues d'Hitler, le 9 juillet 1933, il lui écrit : Nous devons présentement cesser de nous écrire (...) la race juive est une plaie ouverte (...) je t'ai aimé non à cause de ta race, mais malgré elle.
Pourtant, Max continue de lui écrire, allant même jusqu'à lui demander de prendre soin de sa soeur, Griselle, après qu'un courrier lui soit retourné avec la mention "inconnu à cette adresse". Martin lui refuse l'asile, un jour qu'elle arrive [chez lui] avec une horde de SA, qui défilaient sur le chemin, pratiquement sur ses talons...
Max a compris, il n'est plus qu'un Juif que Martin livrerait aux SA s'il se trouvait à leur portée. Il continue d'écrire à Martin, jusqu'à ce qu'une autre lettre lui revienne avec la même mention...


En moins de vingt lettres et moins de soixante pages, Kressmann Taylor nous montre comment l'Histoire peut s'introduire dans des vies particulières, les pervertir et les détruire. Au début de cette correspondance qui peut se lire comme un journal intime, c'est la distance qui sépare les deux hommes. Puis ce sont leurs origines et le choix politique de l'un d'eux. Au début, Max signe ses lettres d'un "ton fidèle, Max". Après la mort de Griselle, il signe "Que le Dieu de Moïse soit à ta droite, Eisenstein". Comme il n'écrit plus que pour rendre compte de son activité commerciale en des termes peu compréhensible pour qui n'est pas initié, Martin est soupçonné. Dès lors on attend la chute, qui sera pourtant surprenante.
Taylor nous offre un aperçu terrifiant des conséquences de l'inconsistance humaine, morale et psychologique, de Martin, qui le conduit à adopter une idéologie dont on sait les conséquences terriblement dramatiques.
Avec une économie de mots et sans chercher d'effets, il nous livre des pages abruptes et austères, qui nous parle du tragique de la condition humaine, du vide de certaines existences, de la folie des hommes.

Un grand texte à ajouter aux romans que l'on doit faire lire aux collégiens de troisième : La nuit, d'Elie Wiesel, Si c'est un homme de Primo Levi, La danse interdite de Rachel Hausfater-Douieb et quelques autres

A partir de 14 ans.

© Jean TANGUY  17 décembre 2001