Une bouteille dans la mer de Gaza
Un roman de Valérie
Zenatti, publié à L'Ecole
des loisirs, en 2005,
dans la collection médium.
Jérusalem, 9
septembre 2003.
Ce sont des jours
de ténèbres, de tristesse et d'horreur,. La peurt
est revenue.
(...) une
explosion venait de se produire tout près de chez nous.
Une explosion,
c'est forcément un attentat.
(...) Le
terroriste s'est fait
exploser à l'intérieur du café Hillel.
On a
ramassé six corps. Ca s'appelle un attentat moyen (...). Une
jeune fille est morte, en compagnie de son
père. Elle
devait se marier aujourd'hui.
Tal a 17 ans, elle habite
Jérusalem. Elle a envie d'y
vivre, pas d'y mourir.
Elle rêve de bonheur et de paix, mais elle a peur et ce
qu'elle
écrit, jour après jour, c'est ce qu'elle voit, ce
qu'elle
vit, ce qu'elle espère et ce qui la déconcerte.
Elle a
l'idée qu'il faut que là-bas, à Gaza,
quelqu'un
lise ce qu'elle écrit de sa vie d'israélienne
à
Jérusalem. Elle glisse une lettre dans une
bouteille
qu'elle donne à son frère Eytan, en lui
demandant de
la jeter dans la mer, devant Gaza où il effectue son service
militaire. Il y met son adresse électronique, un des seuls
moyens de communiquer avec quelqu'un des terrtoires. C'est un jeune
homme, Naïm qui trouvera la bouteille et qui lui
répondra
en utilisant un pseudo, "Gazaman". Car il lui faut se cacher pour
correspondre avec une Israélienne s'il ne veut pas
être
accusé de
pactiser avec l'ennenmi.
Tal et Naïm sont partagés entre
un espoir fou de
vivre en paix et une réalité qui semble
s'évertuer
à repousser sans cesse cet espoir, comme cette
soirée du
4 novembre 1995 où Yitzhak Rabin est assassiné.
Pas par
un Palestinien, mais par
un Juif isaélien.
Au fil de leur correspondance, ils découvrent que
leurs
condition de vie sont différentes. Tal est libre d'aller et
de
venir, de parler, de rencontrer qui elle veut. Naïm vit
dans
des conditions matérielles difficiles, enfermé
dans Gaza,
dans un monde étriquée
et limité.
Le père de Tal, documentariste, lui demande de filmer
Jérusalem tel qu'elle voit cette ville. Un matin,
dans le
rue Gaza, elle filme lorsque le bus 19 explose. Tal
est
choquée, à l'hôpital, on lui donne des
antidépresseurs pour l'aider à se remettre. Cela
va durer
des mois. Pendant ce temps, Naïm part en Angleterre faire des
études de médecine. Avant de partir, il donne
rendez-vous à Tal dans trois ans, le 13 septembre 2007,
à
midi, à Rome devant la fontaine de Trévise. (...)
J'aurai
ta bouteille sous le bras.
Ils taisent leur amour naissant, mais leur
amitié est un espoir...
Dans ce roman, on voit
bien que les
Israéliens et les Palestiniens ne se connaissent plus, que
leurs
mondes sont différents, séparés et
opposés
, qu'ils ne peuvent plus se somprendre. Ils en souffrent, ils
sont malheureux, certains deviennent violents, fatigués
d'attendre une paix toujours promise et sans
cesse repoussée. Comment, alors, se
rencontrer ? De
ce point de vue, Tal et Naïm sont des
privilégiés :
tout en étant séparés, chacun dans son
territoire,
ils se parlent, ils font connaissance.
Le livre de Valérie
Zenatti même
avec bonheur, de l'actualité, de
l'histoire des
relations israélo-palestiniennes et du romantisme (la
bouteille
si pleine d'espoir...). Il actualise -si on peut dire- la
correspondance de Galit Fink et Mervet Akram Sha'ban, Si tu veux être mon amie,
publiée chez Gallimard, en 1988. Pendant une
année, deux
adolescentes, une juive et une Palestinienne, se sont écrit
des
lettres, apprenant ainsi les conditions de vie de l'une et de l'autre.
Ici, c'est un garçon et une fille plus
âgés qui
utilisent la messagerie électronique. Les deux filles
étaient plus que nos deux jeunes, marquées par
les
préjugés de leurs communautés. Ceux du
roman sont
un peu plus libres et critiques, mais le contexte s'est durci, est
devenu plus violent au fur et à mesure que les espoirs de
paix
se sont évanouis et que les Intifadas se sont
succédées.
La correspondance par messagerie électronique rend possible
un
climat relativement dépassionné par le fait que
les
interlocutaurs sont à distance, qu'ils ont pour se
répondre, le temps d'une réflexion qu'ils nous
font
partager. Ce qu'ils disent ne pourrait être
exprimé dans
une conversation orale, même
téléphonique. Ce
procédé entraîne aussi le lecteur dans
cette
réflexion, dans une forme d'empathie avec les deux
jeunes,
qui fait qu'on peut, nous aussi, être attentif à
connaître la réalité de l'autre,
à
éprouver leurs émotions, leurs
anxiétés. A
rêver comme eux, à la paix, à la vie
dans leur
monde si complexe.
J'ai apprécié la façon
dont l'auteur fait
éprouver l'horreur de l'attentat contre le bus 19 sans rien
en
dire, uniquement par l'attente anxieuse de Naïm pendant les
jours
d'hôpital de Tal. J'ai apprécié, aussi,
l'impartialité de l'auteur qui a vécu en
Israël et
qui aime ce pays. Au palisir de la lecture s'ajoute celui de
prendre -ou reprendre- connaissance du contexte historique et politique
de ce pays.
On ne pouvait espérer
une fin heureuse
à cette histoire. Où c'est qu'on ne
connaît rien de
la réalité d'Israël ! Leur
éloignement n'est
que provisoire. Leur amitié cache leur amour et
lui donne
le temps de s'éclore. C'est donc bien un espoir, un signe
que
même là où la peur et la
mort règnent, la vie reste la plus
forte.
Pour des lecteurs et lectrices
de 14-15 ans et plus.
©
Jean TANGUY 18 septembre 2005
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