Un papillon
dans la peau
Un roman de Virginie Lou,
édité chez Gallimard, en 2002
dans la collection Scripto.
Première publication en 2000, dans la collection Page
Blanche.
Alexandre, 1m87, est arrivé en plein hiver dans
la classe d'Omar, 1m45. Il était habillé comme
un extraterrestre... des sandales aux pieds... Il connaissait
les pièces de Racine , et aussi la vie de Racine... Pour
une fois, nous écoutions. Racine devenait un personnage
vivant. Cet amoureux de Rimbaud, doué et plein de charme,
était aussi imbattable en histoire et en géographie,
ce qui a permis à Omar de se lier avec lui, de se promener
dans tous les pays où il avait vécu avec son père.
L'amitié d'Omar pour Alexandre est soudaine, loyale, totale.
Celle d'Alexandre aussi, au début. Puis elle évolue.
Le retour de son père, un mercenaire, vient polluer les
relations d'Alexandre avec Omar. Alexandre est soumis à
cet homme qui le persécute, qui veut en faire un homme
comme lui. Il n'explique rien de cette relation bizarre où,
parfois, le fils domine son père. Comme lors de ce défi
dans la piscine, où le père sort épuisé,
meurtri dans son amour propre, défait, comme mort.
Même en le surveillant, en le traquant, Omar n'arrive pas
à pénétrer la personnalité d'Alexandre
qui lui reste étranger. Après une période
-compréhensible- de camaraderie avec Paula, Alexandre se
lie à Bruno, un boxeur, un garçon violent qu'Omar
avait failli noyer parce qu'il l'avait insulté. Il le présente
même à son père. Incompréhensible pour
Omar, qui ne connaît pas assez la vie de son ami.
Un jour, Alexandre lui laisse entendre que pour l'aider, il n'y
a que deux solutions : empêcher son père de partir,
ou le tuer.
Alors Omar se prépare à aider Alexandre à
fuir, sans se douter que le scooter au réservoir plein
d'essence va servir à incendier la maison. Puis ils fuient
à cheval. Pendant quelques jours, ils sont libres, ils
vivent leur amitié. Mais ils sont traqués.
Un matin, au réveil, Omar constate qu'il n'y a plus qu'un
cheval...
Il ne faut pas attendre
de Virginie Lou qu'elle écrive des romans à l'eau
de rose. Elle traque le mal-être adolescent. Ici, elle met
en scène des relations complexes au père. Un père
qui fascine, un père si fort qu'on ne peut le vaincre,
un père dictateur qui entrave l'épanouissement de
son fils.
Dans ce journal destiné à la femme qui a servi de
mère à Alexandre, Omar tente de comprendre et de
s'expliquer les évènements d'un moment important
de sa vie, quand il a été ami avec ce garçon.
Alexandre est un adolescent doux et rêveur, complexe et
idéaliste, attiré par la beauté de la littérature.
Son père est un homme dur, un mercenaire, qui ne conçoit
pas d'avoir un fils différent de lui. Omar est lié
avec Alexandre par une amitié exclusive, jalouse, quasi-homosexuelle.
Il voudrait libérer son compagnon de l'emprise qu'exerce
son père, pour posséder la même aura que lui.
Alexandre se veut libre de toute entrave, comme le papillon qu'il
s'est fait tatouer sur le bras. Quand Alexandre disparaît,
son ami se sent coupable et cherche à comprendre la raison
de cette fuite.
Dans ce journal d'Omar, Virginie Lou analyse avec finesse les
relations que tous ces personnages entretenaient. De l'amour et
de la haine, de l'attirance et de la répulsion, de la présence
absente, de l'admiration et du dégoût, du pouvoir
sur l'autre.
Le monde, dans ce roman sombre et prenant, est dur, les pères
-celui d'Alexandre aussi bien que ce lui d'Omar qui est géographe-
sont absents et ne comprennent pas leurs fils. S'ils sont présents,
ils veulent conformer leurs fils à leur image. Seule la
mère nourricière d'Alexandre est douce et discrète.
Et Omar est seul, finalement. Personne ne peut parler avec lui
et l'aider à comprendre ces six mois de sa vie. A ceux
qui l'ont arrêté, il ne peut rien dire d'Alexandre,
ni ses rêves de liberté, ni son refus du monde de
guerre et de tueries que voulait lui imposer son père.
Parce que jusqu'à leur fugue, il ne peut comprendre son
ami, ne sachant rien de sa vie passée. Mais voici qu'il
est parti. Il ne sait pas où il est, ni s'il vit encore.
Désemparé, se sentant inutile, il lui reste fidèle.
Et il garde un peu d'espoir...
Pour grands adolescents et jeunes adultes.
© Jean TANGUY --
07 juillet 2002
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