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Mis à jour le 09 mai 2012

 Le miniaturiste

   Un papillon dans la peau

 

Le miniaturiste

Un roman de Virginie Lou, édité chez Gallimard en 1996, dans la collection Page noire.

Le miniaturiste Des enfants du village ont tué le chat d'Alicia. Comment des êtres jeunes, gais (...) comment des gamins charmants et bien nourris, vivant au chaud dans des maisons confortables, ont-ils pu s'abandonner à une telle cruauté ? Une troublante histoire vieille de vingt-cinq ans revient alors à la mémoire d'Alicia. Un vieil artiste chinois fabricant des figurines miniatures la fascinait, elle et ses camarades. C'est avec Edmund qu'elle s'est rendue la première fois dans la boutique. Il voulait acheter un Phantom, un avion de chasse rapide et dangereux. Puis elle y est retournée avec Lil, une fille très belle et hautaine. Devenue en quelque sorte la confidente du vieil homme, elle a passé beaucoup de temps dans la boutique, à le regarder fabriquer ses miniatures. Quand elle l'a vu couper les ongles d'une figurine, elle a commencé à avoir vraiment peur, à se douter de la perversité de l'homme... Trop tard !


Au fur et à mesure de la lecture, on est entraîné dans une spirale qui mêle adroitement la réalité et le jeu de enfants, la beauté du travail de l'artiste et la crainte qu'il ne fabrique des miniatures vivantes. On devine progressivement dans quel piège diabolique vont tomber les enfants, à quelles violences ils vont se livrer, quel drame se noue. On est à la fois dans une énigme policière et dans un roman fantastique, dans un conte cruel ou un cauchemar.
C'est une sorte de roman d'atmosphère, qui horrifie le lecteur qui voit les enfants vendre leur vie pour assouvir leur désir de possession, qui joue des tensions psychologiques, qui sous couvert de raconter un souvenir ravive un épisode ambigu de l'enfance de la narratrice. L'écriture est suggestive, permettant à la frayeur de s'installer. Qui, à la fin de la lecture, osera encore chanter le vert paradis des enfances innocentes ?

Un excellent livre pour des lecteurs de 12-13 ans et plus.

© Jean TANGUY -- 16 novembre 1998  

Lire aussi : La vie en rose, dans la collection Page blanche.

Un papillon dans la peau

Un roman de Virginie Lou, édité chez Gallimard, en 2002 
dans la collection Scripto.
Première publication en 2000, dans la collection Page Blanche.

Un papillon dans la peaui   Alexandre, 1m87, est arrivé en plein hiver dans la classe d'Omar, 1m45. Il était habillé comme un extraterrestre... des sandales aux pieds... Il connaissait les pièces de Racine , et aussi la vie de Racine... Pour une fois, nous écoutions. Racine devenait un personnage vivant. Cet amoureux de Rimbaud, doué et plein de charme, était aussi imbattable en histoire et en géographie, ce qui a permis à Omar de se lier avec lui, de se promener dans tous les pays où il avait vécu avec son père.
L'amitié d'Omar pour Alexandre est soudaine, loyale, totale. Celle d'Alexandre aussi, au début. Puis elle évolue. Le retour de son père, un mercenaire, vient polluer les relations d'Alexandre avec Omar. Alexandre est soumis à cet homme qui le persécute, qui veut en faire un homme comme lui. Il n'explique rien de cette relation bizarre où, parfois, le fils domine son père. Comme lors de ce défi dans la piscine, où le père sort épuisé, meurtri dans son amour propre, défait, comme mort.
Même en le surveillant, en le traquant, Omar n'arrive pas à pénétrer la personnalité d'Alexandre qui lui reste étranger. Après une période -compréhensible- de camaraderie avec Paula, Alexandre se lie à Bruno, un boxeur, un garçon violent qu'Omar avait failli noyer parce qu'il l'avait insulté. Il le présente même à son père. Incompréhensible pour Omar, qui ne connaît pas assez la vie de son ami.
Un jour, Alexandre lui laisse entendre que pour l'aider, il n'y a que deux solutions : empêcher son père de partir, ou le tuer.
Alors Omar se prépare à aider Alexandre à fuir, sans se douter que le scooter au réservoir plein d'essence va servir à incendier la maison. Puis ils fuient à cheval. Pendant quelques jours, ils sont libres, ils vivent leur amitié. Mais ils sont traqués.
Un matin, au réveil, Omar constate qu'il n'y a plus qu'un cheval...


Il ne faut pas attendre de Virginie Lou qu'elle écrive des romans à l'eau de rose. Elle traque le mal-être adolescent. Ici, elle met en scène des relations complexes au père. Un père qui fascine, un père si fort qu'on ne peut le vaincre, un père dictateur qui entrave l'épanouissement de son fils.
Dans ce journal destiné à la femme qui a servi de mère à Alexandre, Omar tente de comprendre et de s'expliquer les évènements d'un moment important de sa vie, quand il a été ami avec ce garçon. Alexandre est un adolescent doux et rêveur, complexe et idéaliste, attiré par la beauté de la littérature. Son père est un homme dur, un mercenaire, qui ne conçoit pas d'avoir un fils différent de lui. Omar est lié avec Alexandre par une amitié exclusive, jalouse, quasi-homosexuelle. Il voudrait libérer son compagnon de l'emprise qu'exerce son père, pour posséder la même aura que lui. Alexandre se veut libre de toute entrave, comme le papillon qu'il s'est fait tatouer sur le bras. Quand Alexandre disparaît, son ami se sent coupable et cherche à comprendre la raison de cette fuite.
Dans ce journal d'Omar, Virginie Lou analyse avec finesse les relations que tous ces personnages entretenaient. De l'amour et de la haine, de l'attirance et de la répulsion, de la présence absente, de l'admiration et du dégoût, du pouvoir sur l'autre.
Le monde, dans ce roman sombre et prenant, est dur, les pères -celui d'Alexandre aussi bien que ce lui d'Omar qui est géographe- sont absents et ne comprennent pas leurs fils. S'ils sont présents, ils veulent conformer leurs fils à leur image. Seule la mère nourricière d'Alexandre est douce et discrète.
Et Omar est seul, finalement. Personne ne peut parler avec lui et l'aider à comprendre ces six mois de sa vie. A ceux qui l'ont arrêté, il ne peut rien dire d'Alexandre, ni ses rêves de liberté, ni son refus du monde de guerre et de tueries que voulait lui imposer son père. Parce que jusqu'à leur fugue, il ne peut comprendre son ami, ne sachant rien de sa vie passée. Mais voici qu'il est parti. Il ne sait pas où il est, ni s'il vit encore. Désemparé, se sentant inutile, il lui reste fidèle. Et il garde un peu d'espoir...

Pour grands adolescents et jeunes adultes.

© Jean TANGUY -- 07 juillet 2002