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Le Passeur |
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L'élue |
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Le garçon qui se taisait |
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Un été pour mourir |
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Passeuse de rêves |
Le Passeur
Un
roman de Lois Lowry,
édité à L'École
des loisirs, en 1994
dans la collection Médium. Traduit de l'anglais.
Lors de la cérémonie annuelle, Jonas, douze ans,
se voit attribuer sa fonction dans sa communauté. Il sera
"dépositaire de la mémoire". Il sera le seul
à exercer cette fonction indispensable à laquelle
son prédécesseur va l'initier.
Jonas ne connaît que ce qui l'entoure et qu'il vit. Un monde
sans guerre, sans pauvre ni riche, sans chômage. Un monde
où la désobéissance et la
révolte n'existent pas, où il est impoli
d'attirer l'attention par une différence, ne serait-ce que
la couleur des yeux ou des cheveux. Une communauté
où les couples sont formés par le
comité des Sages, où les enfants sont
distribués aux familles après un an
passé à la nurserie. Un monde où il ne
fait ni chaud ni froid. Un monde sans souci où chaque
famille reçoit son repas tout préparé
devant sa porte. Un monde où les enfants qui grandissent
mal, le plus léger des jumeaux, les personnes
âgées, sont "élargies", sans que
personne ne sache ce que cela signifie.
Le dépositaire de la Mémoire est le seul
à savoir qu'avant, le monde n'était pas
qu'harmonie. Qu'il y avait des animaux sauvages, qu'on
dévalait en luge le flanc enneigé des montagnes,
qu'on mourrait au cours des guerres, que la famine existait et la
douleur physique. Lui seul sait aussi voir les couleurs, le vert de
l'herbe, le roux des cheveux d'une fille, ce qu'était la
chaleur d'une soirée en famille et qu'on pouvait
être amoureux.
Jonas découvre tout cela au cours de son initiation. Il
apprend qu'être élargi, c'est être
euthanasié. Il découvre l'absence de toute
conscience. Il ressent en lui une déchirure, une brisure qui
vont lui donner le courage de quitter cette
société, emportant avec lui dans son exil,
l'enfant condamné à être
élargi ainsi que la tranquille et béate
quiétude de ses contemporains.
Un roman aux franges de la
science-fiction et du fantastique, qui va de l'agréable et
du doux, de l'attirant, à des moments où
l'horreur vous glace, au cauchemar le plus horrible qui pousse
à désespérer à tout jamais
de l'humanité. Mais il s'agit d'un roman pour les jeunes et
on attend une fin qui ouvre sur l'espoir. Ici donc, comme dans
l'histoire biblique, l'exil ouvre sur une terre promise.
Ne pas manquer de lire ce
roman remarquable, auquel les 11-14 ans ont
décerné un Tam-tam lors du Salon du livre de
jeunesse de Montreuil, en 1995.
© 24 juillet 2000
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L'Élue
Un roman de Lois
Lowry, publié aux éditions Gallimard
en 2001.
Traduit de l'anglais
Dans le monde de Kira, la
fille à la jambe difforme, un enfant malformé est
emporté au Champ, un endroit où les haleurs
posent les corps qui restent exposés et veillés
pendant quatre jours, jusqu'à ce que leur esprit s'en soit
allé.
Sa mère, Katrina, une trisyllabe, avait fait preuve de
fermeté. Son mari étant mort, elle savait qu'elle
n'aurait d'autre enfant que Kira. Elle avait vu poindre dans
ses yeux quelque chose d'extraordinaire qui l'avait
décidée à la garder. Et puis, il y
avait les doigts de Kira, des doigts longs et bien
formés.
Katrina travaillait à l'atelier de broderie. Sa fille l'y
avait rejointe et s'était découverte un don pour
la broderie.
Mais maintenant, Kira était seule. Les gens du village avait
incendié le kot où elles vivaient. Les femmes
voulant l'emplacement étaient décidées
à la faire mourir. Kira réussit à
l'entraîner dans un procès devant le Conseil des
Seigneurs. Elle fût surprise que son défenseur,
Jamison, prenne son parti et de découvrir qu'on avait
forgé des projets pour elle. Elle devrait
désormais habiter au Palais et elle aurait pour fonction de
réparer la Robe du Chanteur. Puis, plus tard,
après le Grand Rassemblement, elle achèverait
cette Robe en inventant le futur du Peuple.
Au Palais, Kira ne manque de rien. Elle a un servant qui lui apporte
à manger, de l'eau dans son appartement pour se laver, et
tout ce qu'il faut pour restaurer la Robe du Chanteur, cette robe sur
laquelle est brodée toute l'histoire de son peuple. Elle y
fait la connaissance de Thomas, un jeune sculpteur qui restaure le
Bâton du Chanteur. Comme la Robe possède une
surface encore dépourvue de broderies, le bâton
possède une partie lisse, sur laquelle Thomas gravera un
jour le futur du peuple.
De temps à autre, Matt, un minot du village et son chien,
vient lui rendre des services. C'est lui qui l'accompagne à
travers la forêt, chez Annabella, la quadrisyllabe qui
connaît si bien les plantes tinctoriales.
A force d'entendre des pleurs, Kira et Thomas découvrent une
très jeune enfant enfermée dans un appartement du
palais. C'est Jo, la future chanteuse.
Mais Kira sait que les artistes ne sont pas libres dans le Palais. Ils
ont été choisis pour une raison
précise. Et il y a quelques détails qui
l'intriguent, des informations différentes selon leur
source... Lors du Grand Rassemblement, grâce à
Matt, elle retrouvera quelqu'un qui lui permettra de comprendre qui
elle est et quelle est l'étendue de son pouvoir, du pouvoir
des artistes...
Dans la même
veine que Le Passeur, l'Elue est un roman qu'on oublie
pas. Dans le monde de Kira, il y a eu une Catastrophe, et
depuis, un groupe qui connaît l'histoire du peuple a pris le
pouvoir. Ils ont installé un système qui
stratifie la société, il y a les Seigneurs, les
gens qui travaillent et ceux qui n'ont rien à faire. Les
Seigneurs sont riches, tous les autres sont pauvres. Les Seigneurs
n'ont pas de dons, ils utilisent leur force pour asservir quelques
créateurs, ce qui permet de donner un sens à la
vie de leur peuple, un peuple de pauvres, de miséreux, un
peuple sans technologie, sans culture, sauvage, brutal.
Mais la camaraderie qui la lie à Matt, l'intelligence et la
débrouillardise du garçon vont lui permettre de
comprendre qu'il y a un autre avenir que la misère et la
barbarie de son peuple. Ailleurs, des hommes vivent autrement, Matt l'a
constaté lorsqu'il est allé, très
loin, chercher le bleu qui manque à Kira. Par lui, il sait
que les parents des artistes ne sont pas morts comme le
prétend Jamison, qu'ils survivent aux terribles blessures
qui les ont obligés à s'éloigner du
peuple, que "là-bas", on peut aimer et se marier
même lorsqu'on est infirme...
Dans ce très beau roman, il y a une atmosphère
étrange : on est dans un autre monde qui pourtant nous est
proche. Il y a du mystère, des choses cachées qui
sont révélées par les enfants. Il y a
de la violence, des symboles et des rites. Le monde qui est
montré est un monde asservi par quelques puissants qui ont
confisqué l'art à leur profit. Mais il y a aussi
une vision d'un autre monde, un monde qui vit et change parce qu'il y a
de la beauté, de la
générosité, de l'idéal et
quelques personnes libres et déterminées qui
portent tout cela en elles.
Texte superbe et émouvant, toutefois desservi par une trop
grande ressemblance avec Le Passeur et qui appellerait une suite. La
couverture aurait pu être mieux réussie.
Ceci dit, c'est un roman initiatique à ne pas manquer .
Pour les garçons et filles à partir de 13-14 ans.
©
Jean TANGUY
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26 mai 2001
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Le garçon qui se taisait
Un roman de Lois
Lowry, publié à L'Ecole
des Loisirs
en 2005, dans la collection Médium.
Traduit de l'anglais
En
1987, devenue vieille, Katy raconte une partie de son enfance entre
1905 et 1911, dans un coin d'Amérique qui semble
isolé
du reste du monde. Elle vit avec ses parents, une cuisinière
et une employée, une fille de ferme, Peggy. Son
père
est médecin et l'initie à son futur
métier en
l'emmenant visiter des malades. C'est en allant chercher Peggy que
Katy a vu pour la première fois Jacob, un garçon
différent, qui ne parle pas mais qui imite bien de nombreux
bruits de la nature. Il est doux avec les animaux, même s'il
n'est pas gêné de noyer les chatons. Katy raconte
la vie
telle qu'elle se déroule : l'incendie du moulin, la passion
de
leur voisin, Mr Bishop, pour l'appareil photographique ou la voiture
automobile, la nouvelle de la grossesse de sa mère (car on
ne
trouve pas les bébés dans le jardin comme le lui
a dit
Mme Bishop), son anniversaire, la vie de Nellie, le
délurée
soeur de Peggy, qui est trop proche du fils Bishop, la visite
à
l'Asile...
Avec
Jacob, ce garçon muet et solitaire, elle entretient une
relation complice, empreinte d'une tendresse respectueuse, faisant
preuve de beaucoup de patience et d'une fine compréhension
de
sa différence. Quand Jacob sera confronté
à un
drame d'adulte qui le dépasse, elle saura la
première
ce qu'il a fait, comprenant que sa bonté est
inadaptée
au monde dans lequel il vit.
Lois
Lowry fait le portrait d'un monde à tout jamais
disparu.
Elle a l'ingénieuse idée de broder son roman
à
partir d'une vingtaine de photographies qu'on lui a confié
ou
qu'elle a trouvé dans un magasin d'antiquités,
qu'elle
place au début de chaque chapitre. Le lecteur a beau savoir
que ces gens ne sont pas les personnages de l'histoire, il est
troublé par leur présence qui donne au roman de
la
densité, de la réalité, et
même une
existence quasi-historique.
On
est dans un monde calme et serein, un monde où chacun
accepte
sa place, un monde presque doux, tout empreint de la
tolérance
du docteur Thatcher et de la tendresse de cette petite fille pour ce
garçon énigmatique qu'on prend pour un
débile.
Pourtant, on pressent avec certitude que le personnage de Jacob va
au-devant d'un drame affreux et violent.
Bien
sûr, ce personnage de Jacob oblige à penser au
roman de
Steinbeck, Des souris et des hommes.
Refermant
le livre, j'ai eu la sensation d'avoir lu un roman désuet,
mais de grande qualité. Et aussi d'avoir partagé
réellement un moment de la vie de ces personnages si pleins
d'humanité, d'en avoir été proche.
Plus que le drame, c'est la tolérance des
Thatcher et leur bonté qui m'ont marqués, ainsi
que la
finesse des observations de Katy et sa tendresse pour Jacob. J'ai eu
une impression de calme. Peut-être parce que devenue vieille,
la narratrice ne semble pas raconter ce monde avec nostalgie, mais en
acceptant sereinement qu'il soit disparu.
Pour les garçons et filles à partir de 13-14 ans.
© Jean TANGUY
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29 décembre 2005
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Un été pour mourir
Un
roman de Lois
Lowry, publié par Casterman
en 2007, dans la collection Comme
la vie.
Traduit de l'anglais
La
famille de Meg a déménagé dans une
toute petite maison en pleine campagne, pour que le père de
Meg, universitaire, puisse être au calme pour
écrire son livre. Elle partage une chambre avec sa soeur qui
a tracé une ligne à la craie pour
délimiter son leiu de vie. Les deux filles sont
différentes : Molly, 15 ans, est belle,
séduisante, a plein de petis amis, aime vivre dans
l'ordre. Son objectif prioritaire : être
pop-pom
girl.
Meg peut vivre dans le bazar, ne se trouve
pas très intéressante, a très peu
d'amis, mais est passionnée de photo et aime les livres.
L'ambiance familiale est chaleureuse, même avec un
père qui se conduit facilement en intellectuel
détaché des contingences matérielles.
Leur
mère s'occupe de la maison. Elle coud un patchwork qui
résume la vie des filles à l'aide de morceaux de
tissus
dont chacun évoque un moement de leur histoire.
Cette année-là, Molly commence à avoir
des ennuis de santé. Puis la maladie s'installe et
s'aggrave.
Elle qui est si sensible à l'apparence, perd ses cheveux.
Une
nuit, elle réveille sa soeur, elle va mal, ses parents
l'emmènent à l'hôpital. Meg
réalise qu'elle
ne reviendra pas. Elle meurt à la fin de
l'été.
Entre temps, la vie suit son cours. Les
filles se chamaillent un peu. Meg se lie d'amitié avec le
propriétaire de leur maison, Will Banks, un homme
cultivé et âgé avec qui elle partage sa
passion pour la photo. Après la mort de sa femme, Will Banks
a
choisi de vivre dans cette maison, sur les terres de son
grand-père. Elle se lie aussi avec un jeune couple
un peu
baba-cool, qui s'installe dans l'autre maison appartenant à
Will
Banks et qui attend la naissance
d'un bébé. Meg leur fait connaître
Molly qui
s'attache à eux.
Après la naissance du bébé, Molly
meurt, rien ne sera plus comme avant,. Mais il y a le monde entier qui
attend, là, et tant de choses merveilleuses à
découvrir.
C'est donc une tranche de vie d'une fille qui entre dans l'adolescence.
Elle vit dans une famille qui, sans avoir de problèmes
financiers, n'est pas une famille friquée, genre "nouveaux
riches qui étalent", mais une famille
cultivée et de bon goût. L'histoire est
émouvante dans ce qu'elle raconte de l'évolution
de la leucémie de Molly et des changements que cela provoque
dans la vie des personnes. Elle est aussi très pudique,
pleine de retenue et de délicatesse. Mais ce n'est pas
qu'une
histoire triste. En même temps que l'on va vers la mort de
Molly, il y a la croissance de Meg, son ouverture à la vie,
l'éclosion de son talent de photographe, la sagesse qu'elle
acquiert auprès de ses amis. D'une certain
façon, c'est un roman initiatique au cours duquel la jeune
fille
apprend que la mort et la naissance sont des temps de la vie,
des
temps forts, mais normaux.
C'est une histoire grave qui ne masque pas le reste de la vie : le
travail du père, les petits soucis de la vie courante, les
amitiés qui se nouent et qui enjolivent la vie, l'amour du
jeune
couple et la naissance du
bébé, la
simplicité de vie de Will Banks, l'activité
photographique de Meg et l'éclosion de son talent
artistique.
J'ai
trouvé intéressant que ce roman soit à
la fois l'histoire poignante de la maladie mortelle de Molly, des
émotions complexes de sa soeur pour qui la vie continue, et
d'une vie de famille au sein de laquelle les valeurs humaines
sont
importantes.
Pour les
garçons et filles à partir de 13-14 ans.
Réédition,
dans une nouvelle traduction, d'un roman publié par Duculot,
dans la collection
Travelling, en 1976-1982, avec deux couvertures différentes.
Traduction
de
J. La Gravière (1986) |
Traduction
de
Laurence Kiefé (2007) |
Cette
ligne partageant
notre chambre en deux, c'est Molly qui l'a
tracée, à la craie. Un gros
bâton de craie blanche datant de l'époque
où nous vivions en ville et jouions à la marelle
sur les trottoirs, quand nous étions toutes deux plus
jeunes. Ce morceau de craie traînait depuis longtemps parmi
les bouts de ficelle et des épingles à cheveux
dans une petite coupe en terre cuite que j'avais fabriquée
l'année précédente à
l'école au cours de poterie.
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Cette
ligne, c'est une initiaitve de Molly
Elle s'est servi d'une craie -un gros bout de craie blanche qui datait
de l'époque où on habitait en ville, quand il y
avait des trottoirs, quand on jouait souvent à la marelle,
quand on était toutes les deux plus jeunes.
Cette craie, on l'avait depuis lontemps et Molly l'avait
dénichée sur un plat en terre que j'avais fait au
cours de poterie l'année précédente;
elle traînait à côté d'un
morceau de ficelle, de quelques trombones et d'une pile
peut-être pas encore périmée. |
© Jean TANGUY
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14 octobre 2007
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Passeuse de rêves
Un
roman de Lois Lowry,
édité à L'École
des loisirs, en 2010
dans la collection Médium. Traduit de l'anglais.
Petite apprend le métier de passeuse de rêves. Sous la tutelle de
Tatillonne, puis de Vieux et Mince, elle apprend à caresser des objets
pour récolter des fragments de souvenirs et à les octroyer, sous forme
de rêves, aux humains pendant leur sommeil. Parfois, un Saboteur, ou
pire, une Horde, vient donner un cauchemar au dormeur. Petite lui
octroie alors un rêve réparateur.
La mission de Petite est d'enjoliver le sommeil -et la vie- d'une
vieille dame qui vit seule avec son chien. Puis de John, le garçon
colérique qui vient vivre dans sa maison, et dont on apprend peu à peu
qu'il a été maltraité par son père. Les objets de John sont peu
nombreux et possédent peu de souvenirs heureux. Petite va devoir faire
preuve de ténacité pour aider John à combattre ses cauchemars. Pas très loin, un autre passeur de rêves s'occupe du sommeil de la mère du garçon...
Une jolie histoire qui mêle le
merveilleux de petites créatures imaginaires octroyant de beaux rêves
aux humains, et le réalisme d’une vie accidentée. Dans un style
dépouillé, simple, ordinaire, Lois Lowry insuffle la vie à ses
personnages et les rend attachants. La magie opère et on est vite sous
le charme de ce conte en forme de roman.
Un texte original, rempli de poésie,
tout en délicatesse, pour des lecteurs sensibles au charme des petites
choses. 11-12 ans et plus.
© 29 mars 2010
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