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Mis à jour le 09 mai 2012
 
Le Passeur
  Le Passeur
L'élue
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Le garçon qui se taisait
  Le garçon qui se taisait
Un été pour mourir
  Un été pour mourir
Passeuse de rêves
  Passeuse de rêves

 

  Le Passeur

Un roman de Lois Lowry, édité à L'École des loisirs, en 1994 
dans la collection Médium. Traduit de l'anglais.

  Lors de la cérémonie annuelle, Jonas, douze ans, se voit attribuer sa fonction dans sa communauté. Il sera "dépositaire de la mémoire". Il sera le seul à exercer cette fonction indispensable à laquelle son prédécesseur va l'initier.
Jonas ne connaît que ce qui l'entoure et qu'il vit. Un monde sans guerre, sans pauvre ni riche, sans chômage. Un monde où la désobéissance et la révolte n'existent pas, où il est impoli d'attirer l'attention par une différence, ne serait-ce que la couleur des yeux ou des cheveux. Une communauté où les couples sont formés par le comité des Sages, où les enfants sont distribués aux familles après un an passé à la nurserie. Un monde où il ne fait ni chaud ni froid. Un monde sans souci où chaque famille reçoit son repas tout préparé devant sa porte. Un monde où les enfants qui grandissent mal, le plus léger des jumeaux, les personnes âgées, sont "élargies", sans que personne ne sache ce que cela signifie.
Le dépositaire de la Mémoire est le seul à savoir qu'avant, le monde n'était pas qu'harmonie. Qu'il y avait des animaux sauvages, qu'on dévalait en luge le flanc enneigé des montagnes, qu'on mourrait au cours des guerres, que la famine existait et la douleur physique. Lui seul sait aussi voir les couleurs, le vert de l'herbe, le roux des cheveux d'une fille, ce qu'était la chaleur d'une soirée en famille et qu'on pouvait être amoureux.
Jonas découvre tout cela au cours de son initiation. Il apprend qu'être élargi, c'est être euthanasié. Il découvre l'absence de toute conscience. Il ressent en lui une déchirure, une brisure qui vont lui donner le courage de quitter cette société, emportant avec lui dans son exil, l'enfant condamné à être élargi ainsi que la tranquille et béate quiétude de ses contemporains.


Un roman aux franges de la science-fiction et du fantastique, qui va de l'agréable et du doux, de l'attirant, à des moments où l'horreur vous glace, au cauchemar le plus horrible qui pousse à désespérer à tout jamais de l'humanité. Mais il s'agit d'un roman pour les jeunes et on attend une fin qui ouvre sur l'espoir. Ici donc, comme dans l'histoire biblique, l'exil ouvre sur une terre promise.

Ne pas manquer de lire ce roman remarquable, auquel les 11-14 ans ont décerné un Tam-tam lors du Salon du livre de jeunesse de Montreuil, en 1995.

© 24 juillet 2000

 

   L'Élue

Un roman de Lois Lowry, publié aux éditions Gallimard en 2001.
Traduit de l'anglais

L'élue de Loïs Lowry Dans le monde de Kira, la fille à la jambe difforme, un enfant malformé est emporté au Champ, un endroit où les haleurs posent les corps qui restent exposés et veillés pendant quatre jours, jusqu'à ce que leur esprit s'en soit allé.
Sa mère, Katrina, une trisyllabe, avait fait preuve de fermeté. Son mari étant mort, elle savait qu'elle n'aurait d'autre enfant que Kira. Elle avait vu poindre dans ses yeux quelque chose d'extraordinaire qui l'avait décidée à la garder. Et puis, il y avait les doigts de Kira, des doigts longs et bien formés.
Katrina travaillait à l'atelier de broderie. Sa fille l'y avait rejointe et s'était découverte un don pour la broderie.
Mais maintenant, Kira était seule. Les gens du village avait incendié le kot où elles vivaient. Les femmes voulant l'emplacement étaient décidées à la faire mourir. Kira réussit à l'entraîner dans un procès devant le Conseil des Seigneurs. Elle fût surprise que son défenseur, Jamison, prenne son parti et de découvrir qu'on avait forgé des projets pour elle. Elle devrait désormais habiter au Palais et elle aurait pour fonction de réparer la Robe du Chanteur. Puis, plus tard, après le Grand Rassemblement, elle achèverait cette Robe en inventant le futur du Peuple.
Au Palais, Kira ne manque de rien. Elle a un servant qui lui apporte à manger, de l'eau dans son appartement pour se laver, et tout ce qu'il faut pour restaurer la Robe du Chanteur, cette robe sur laquelle est brodée toute l'histoire de son peuple. Elle y fait la connaissance de Thomas, un jeune sculpteur qui restaure le Bâton du Chanteur. Comme la Robe possède une surface encore dépourvue de broderies, le bâton possède une partie lisse, sur laquelle Thomas gravera un jour le futur du peuple.
De temps à autre, Matt, un minot du village et son chien, vient lui rendre des services. C'est lui qui l'accompagne à travers la forêt, chez Annabella, la quadrisyllabe qui connaît si bien les plantes tinctoriales.
A force d'entendre des pleurs, Kira et Thomas découvrent une très jeune enfant enfermée dans un appartement du palais. C'est Jo, la future chanteuse.
Mais Kira sait que les artistes ne sont pas libres dans le Palais. Ils ont été choisis pour une raison précise. Et il y a quelques détails qui l'intriguent, des informations différentes selon leur source... Lors du Grand Rassemblement, grâce à Matt, elle retrouvera quelqu'un qui lui permettra de comprendre qui elle est et quelle est l'étendue de son pouvoir, du pouvoir des artistes...


Dans la même veine que Le Passeur, l'Elue est un roman qu'on oublie pas. Dans le monde de Kira, il y a eu une Catastrophe, et depuis, un groupe qui connaît l'histoire du peuple a pris le pouvoir. Ils ont installé un système qui stratifie la société, il y a les Seigneurs, les gens qui travaillent et ceux qui n'ont rien à faire. Les Seigneurs sont riches, tous les autres sont pauvres. Les Seigneurs n'ont pas de dons, ils utilisent leur force pour asservir quelques créateurs, ce qui permet de donner un sens à la vie de leur peuple, un peuple de pauvres, de miséreux, un peuple sans technologie, sans culture, sauvage, brutal.
Mais la camaraderie qui la lie à Matt, l'intelligence et la débrouillardise du garçon vont lui permettre de comprendre qu'il y a un autre avenir que la misère et la barbarie de son peuple. Ailleurs, des hommes vivent autrement, Matt l'a constaté lorsqu'il est allé, très loin, chercher le bleu qui manque à Kira. Par lui, il sait que les parents des artistes ne sont pas morts comme le prétend Jamison, qu'ils survivent aux terribles blessures qui les ont obligés à s'éloigner du peuple, que "là-bas", on peut aimer et se marier même lorsqu'on est infirme...
Dans ce très beau roman, il y a une atmosphère étrange : on est dans un autre monde qui pourtant nous est proche. Il y a du mystère, des choses cachées qui sont révélées par les enfants. Il y a de la violence, des symboles et des rites. Le monde qui est montré est un monde asservi par quelques puissants qui ont confisqué l'art à leur profit. Mais il y a aussi une vision d'un autre monde, un monde qui vit et change parce qu'il y a de la beauté, de la générosité, de l'idéal et quelques personnes libres et déterminées qui portent tout cela en elles.
Texte superbe et émouvant, toutefois desservi par une trop grande ressemblance avec Le Passeur et qui appellerait une suite. La couverture aurait pu être mieux réussie.
Ceci dit, c'est un roman initiatique à ne pas manquer .
Pour les garçons et filles à partir de 13-14 ans.

© Jean TANGUY --  26 mai 2001  

   Le garçon qui se taisait

Un roman de Lois Lowry, publié à  L'Ecole des Loisirs en 2005, dans la collection Médium.
Traduit de l'anglais

Le garçon qui se taisait En 1987, devenue vieille, Katy raconte une partie de son enfance entre 1905 et 1911, dans un coin d'Amérique qui semble isolé du reste du monde. Elle vit avec ses parents, une cuisinière et une employée, une fille de ferme, Peggy. Son père est médecin et l'initie à son futur métier en l'emmenant visiter des malades. C'est en allant chercher Peggy que Katy a vu pour la première fois Jacob, un garçon différent, qui ne parle pas mais qui imite bien de nombreux bruits de la nature. Il est doux avec les animaux, même s'il n'est pas gêné de noyer les chatons. Katy raconte la vie telle qu'elle se déroule : l'incendie du moulin, la passion de leur voisin, Mr Bishop, pour l'appareil photographique ou la voiture automobile, la nouvelle de la grossesse de sa mère (car on ne trouve pas les bébés dans le jardin comme le lui a dit Mme Bishop), son anniversaire, la vie de Nellie, le délurée soeur de Peggy, qui est trop proche du fils Bishop, la visite à l'Asile...
Avec Jacob, ce garçon muet et solitaire, elle entretient une relation complice, empreinte d'une tendresse respectueuse, faisant preuve de beaucoup de patience et d'une fine compréhension de sa différence. Quand Jacob sera confronté à un drame d'adulte qui le dépasse, elle saura la première ce qu'il a fait, comprenant que sa bonté est inadaptée au monde dans lequel il vit.


Lois Lowry fait le portrait  d'un monde à tout jamais disparu. Elle a l'ingénieuse idée de broder son roman à partir d'une vingtaine de photographies qu'on lui a confié ou qu'elle a trouvé dans un magasin d'antiquités, qu'elle place au début de chaque chapitre. Le lecteur a beau savoir que ces gens ne sont pas les personnages de l'histoire, il est troublé par leur présence qui donne au roman de la densité, de la réalité, et même une existence quasi-historique.
On est dans un monde calme et serein, un monde où chacun accepte sa place, un monde presque doux, tout empreint de la tolérance du docteur Thatcher et de la tendresse de cette petite fille pour ce garçon énigmatique qu'on prend pour un débile. Pourtant, on pressent avec certitude que le personnage de Jacob va au-devant d'un drame affreux et violent. 
Bien sûr, ce personnage de Jacob oblige à penser au roman de Steinbeck, Des souris et des hommes.

Refermant le livre, j'ai eu la sensation d'avoir lu un roman désuet, mais de grande qualité. Et aussi d'avoir partagé réellement un moment de la vie de ces personnages si pleins d'humanité, d'en avoir été proche. Plus que le drame, c'est la tolérance des Thatcher et leur bonté qui m'ont marqués, ainsi que la finesse des observations de Katy et sa tendresse pour Jacob. J'ai eu une impression de calme. Peut-être parce que devenue vieille, la narratrice ne semble pas raconter ce monde avec nostalgie, mais en acceptant sereinement qu'il soit disparu.


Pour les garçons et filles à partir de 13-14 ans.

© Jean TANGUY --  29 décembre 2005  


   Un été pour mourir

Un roman de Lois Lowry, publié par  Casterman en 2007, dans la collection Comme la vie.
Traduit de l'anglais

Un été pour mourir La famille de Meg a déménagé dans une toute petite maison en pleine campagne, pour que le père de Meg, universitaire, puisse être au calme pour écrire son livre. Elle partage une chambre avec sa soeur qui a tracé une ligne à la craie pour délimiter son leiu de vie. Les deux filles sont différentes : Molly, 15 ans, est belle, séduisante, a plein de petis amis, aime vivre dans l'ordre. Son objectif prioritaire : être pop-pom girl.  Meg  peut vivre dans le bazar, ne se trouve pas très intéressante, a très peu d'amis, mais est passionnée de photo et aime les livres. L'ambiance familiale est chaleureuse, même avec un père qui se conduit facilement en intellectuel détaché des contingences matérielles.  Leur mère s'occupe de la maison. Elle coud un patchwork qui résume la vie des filles à l'aide de morceaux de tissus dont chacun évoque un moement de leur histoire.
Cette année-là, Molly commence à avoir des ennuis de santé. Puis la maladie s'installe et s'aggrave. Elle qui est si sensible à l'apparence, perd ses cheveux. Une nuit, elle réveille sa soeur, elle va mal, ses parents l'emmènent à l'hôpital. Meg réalise qu'elle ne reviendra pas. Elle meurt à la fin de l'été.
Entre temps, la vie suit son cours. Les filles se chamaillent un peu. Meg se lie d'amitié avec le propriétaire de leur maison, Will Banks, un homme cultivé et âgé avec qui elle partage sa passion pour la photo. Après la mort de sa femme, Will Banks a choisi de vivre dans cette maison, sur les terres de son grand-père. Elle se lie aussi avec un jeune couple un peu baba-cool, qui s'installe dans l'autre maison appartenant à Will Banks et qui attend la naissance d'un bébé. Meg leur fait connaître Molly qui s'attache à eux. 
Après la naissance du bébé, Molly meurt, rien ne sera plus comme avant,. Mais il y a le monde entier qui attend, là, et tant de choses merveilleuses à découvrir.



 
C'est donc une tranche de vie d'une fille qui entre dans l'adolescence. Elle vit dans une famille qui, sans avoir de problèmes financiers, n'est pas une famille friquée, genre "nouveaux riches qui étalent", mais une famille cultivée et de bon goût. L'histoire est émouvante dans ce qu'elle raconte de l'évolution de la leucémie de Molly et des changements que cela provoque dans la vie des personnes. Elle est aussi très pudique, pleine de retenue et de délicatesse. Mais ce n'est pas qu'une histoire triste. En même temps que l'on va vers la mort de Molly, il y a la croissance de Meg, son ouverture à la vie, l'éclosion de son talent de photographe, la sagesse qu'elle acquiert auprès de ses amis. D'une certain façon, c'est un roman initiatique au cours duquel la jeune fille apprend que la mort et la naissance sont des temps de la vie, des temps forts, mais normaux. C'est une histoire grave qui ne masque pas le reste de la vie : le travail du père, les petits soucis de la vie courante, les amitiés qui se nouent et qui enjolivent la vie, l'amour du jeune couple et la naissance du bébé, la simplicité de vie de Will Banks, l'activité photographique de Meg et l'éclosion de son talent artistique. 

J'ai trouvé intéressant que ce roman soit à la fois l'histoire poignante de la maladie mortelle de Molly, des émotions complexes de sa soeur pour qui la vie continue, et d'une vie de famille au sein de laquelle les valeurs humaines sont importantes. 

Pour les garçons et filles à partir de 13-14 ans.

Réédition, dans une nouvelle traduction, d'un roman publié par Duculot, dans la collection Travelling, en 1976-1982, avec deux couvertures différentes.

Traduction de  J. La Gravière (1986) Traduction de  Laurence Kiefé  (2007)
Cette ligne partageant notre chambre en deux, c'est Molly qui l'a tracée, à la craie. Un gros bâton de craie blanche datant de l'époque où nous vivions en ville et jouions à la marelle sur les trottoirs, quand nous étions toutes deux plus jeunes. Ce morceau de craie traînait depuis longtemps parmi les bouts de ficelle et des épingles à cheveux dans une petite coupe en terre cuite que j'avais fabriquée l'année précédente à l'école au cours de poterie.
Cette ligne, c'est une initiaitve de Molly
Elle s'est servi d'une craie -un gros bout de craie blanche qui datait de l'époque où on habitait en ville, quand il y avait des trottoirs, quand on jouait souvent à la marelle, quand on était toutes les deux plus jeunes.
Cette craie, on l'avait depuis lontemps et Molly l'avait dénichée sur un plat en terre que j'avais fait au cours de poterie l'année précédente; elle traînait à côté d'un morceau de ficelle, de quelques trombones et d'une pile peut-être pas encore périmée.

© Jean TANGUY --  14 octobre 2007  


  Passeuse de rêves

Un roman de Lois Lowry, édité à L'École des loisirs, en 2010 
dans la collection Médium. Traduit de l'anglais.

Passeuse de rêves   Petite apprend le métier de passeuse de rêves. Sous la tutelle de Tatillonne, puis de Vieux et Mince, elle apprend à caresser des objets pour récolter des fragments de souvenirs et à les octroyer, sous forme de rêves, aux humains pendant leur sommeil. Parfois, un Saboteur, ou pire, une Horde, vient donner un cauchemar au dormeur. Petite lui octroie alors un rêve réparateur. La mission de Petite est d'enjoliver le sommeil -et la vie- d'une vieille dame qui vit seule avec son chien. Puis de John, le garçon colérique qui vient vivre dans sa maison, et dont on apprend peu à peu qu'il a été maltraité par son père. Les objets de John sont peu nombreux et possédent peu de souvenirs heureux. Petite va devoir faire preuve de ténacité pour aider John à combattre ses cauchemars.
Pas très loin, un autre passeur de rêves s'occupe du sommeil de la mère du garçon...


Une jolie histoire qui mêle le merveilleux de petites créatures imaginaires octroyant de beaux rêves aux humains, et le réalisme d’une vie accidentée. Dans un style dépouillé, simple, ordinaire, Lois Lowry insuffle la vie à ses personnages et les rend attachants. La magie opère et on est vite sous le charme de ce conte en forme de roman.

Un texte original, rempli de poésie, tout en délicatesse, pour des lecteurs sensibles au charme des petites choses. 11-12 ans et plus.

© 29 mars 2010