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Mis à jour le 09 mai 2012
 
  Un ange avec des baskets
  Jusqu'au bout de la peur
Pourquoi ?
  Pourquoi ? 

 

  Un ange avec des baskets

Un roman de Moka, édité à L'Ecole des loisirs en 1998, dans la collection Neuf.

 Paul passe des vacances chez sa grand-mère, avec ses deux cousins, François et Gaspard, David, le fils du fermier d'à côté et Wendy, sa grande sœur. Vacances normale avec une grand-mère qui est un peu mère-poule, une grande sœur plutôt autoritaire, un cousin tyrannique... A l'approche du 14 juillet, on envoie le petit Paul aux mures, de façon à pouvoir faire une andouillerie comme le dit la grand-mère. Paul va errer du côté d'une abbaye en ruines. Il y entend des bruits, y rencontre une fillette de son âge, Rachel, qui vit en 1698, une période de fanatisme et d'inquisition. Elle est emprisonnée dans un cachot en attendant d'être jugée pour sorcellerie et d'être brûlée. Elle croit que Paul est un ange du Seigneur et est persuadée qu'il va la sauver, sinon, pourquoi se tiendrait-il à ses côtés ?  D'abord, il ne dit rien à personne, puis, le secret devenant trop lourd, il se confie à Gaspard, et plus tard, aux autres. Ils retournent à l'abbaye lorsque l'ignoble Barbereau, l'inquisiteur, vient pour condamner Rachel. Vus par la foule, ils manquent d'être à leur tour faits prisonniers. Mais François, le cousin tyrannique, arrive au moment crucial...


Jouant sur l'altération du temps, Moka réussit un roman fantastique tout à fait distrayant. Elle ne recourt pas aux trucs conventionnels des histoires de sorcières. Par contre, elle n'hésite pas à jouer à fond la carte du décalage temporel pour donner aux enfants de 1998 la possibilité de faire un saut de 300 ans en arrière, dans le siècle de l'inquisition. Son roman fonctionne sans devenir ridicule. L'innocence du petit Paul et le regard franchement naïf des enfants permet à Moka de donner à une histoire totalement incroyable, une   dimension tout à la fois humoristique -peut-on et peut-elle se prendre au sérieux ?- et angoissante - Rachel ne peut qu'être brûlée, sauf si...
L'atmosphère est émouvante parce que les personnages sont de vrais enfants, sages et coquins, et qu'ils sont sincères. 
En lisant ce roman facile et agréable, on est parfois épaté par le culot de Moka : écrire une histoire au fantastique aussi appuyé, faut oser !
A partir de 9-10 ans.

 © Jean TANGUY   24 juillet 2000  

  Jusqu'au bout de la peur

Un roman de Moka, édité à L'Ecole des loisirs en 2004, dans la collection Médium.

Jusqu'au bout de la peurLe père de Garance et Quantin est parti dans le milieu de l'après-midi acheter une brioche. Quand leur mère leur téléphone, il est sept heures. Leur père est parti depuis quatre heures, sur son vélo hollandais avec des sacoches, avec son portable mais sans son casque en plastique..
Dehors, il fait nuit, ce sont les vacances d'hiver. Les deux enfants décident de prendre leurs vélos et d'aller à sa rencontre. Ne le trouvant pas, ils rentrent. Un inconnu fouille le bureau de leur père. Ils s'enfuient. Pour lui échapper, ils montent dans un barque plate. Les voici dans le Marais poitevin, par une nuit de tempête, avec une pluie diluvienne. Tout est submergé. On ne voit plus les routes ni les champs. Quentin s'initie vite au maniement de la pigouille, sans trop se soucier d'où il va, sinon qu'il doit échapper au fou qui a sans doute déja tué son père comme il a tué cette jeune femme qu'il a croisé par hasard.
Il ont la chance de profiter de quelques répits, notamment en rencontrant la vieille Armoise qui les accueille dans sa cabane munie d'un poêle. Elle les fait manger des anguilles en matelote.
Loin de là, leur mère devine tout sorte de choses anormales qui lui apportent le certitude que ses enfants sont en danger et que son ex-mari n'est pas mort. Même dans ce Marais poitevin dont elle entend à la radio qu'il est gravement inondé.
Mais sur l'eau, le fou continue de les pourchasser. Il veut les tuer.
Lui échapperont-ils ? Reverront-ils leur père vivant ?


Moka -Elvire Murail dans le civil- est plus habituée à nous faire lire du fantastique et de l'étrange (cf. L'enfant des ombres, Derrière la porte...). Ici, elle signe un vrai thriller qui distille un angoisse insidieuse. On a beau savoir qu'on lit un livre pour enfants dont on sait qu'il aura une fin heureuse ou positive, tout de même,! comment ne pas craindre que le malheur ne frappe ces mômes perdus dans la tempête ?!
L'ambiance angoissante rappelle Fais-Moi peur de Malika Ferdjouk, l'humour en moins et la nature en plus. Ici, pas de chat à sept noms mais la nuit et la tempête. Pas de pop-corns qui transforment le sol de la cuisine en patinoire, mais de l'eau et des bateaux à fond plat. Pas d'horloge-cabine téléphonique, mais des cabanes perchées sur pilotis. Et seulement deux enfants intelligents et débrouillards, certes, mais démunis et fragiles.
Si fantastique il y a, on le trouvera peut-être dans cette certitude de la mère des enfants qui habite à deux heures de son ex-mari et qui devine qu'ils sont en danger. Mais selon Moka, il s'agit de l'instinct maternel.

On appréciera de découvrir le Marais poitevin en même temps que les enfants : les barques des maraîchins qui se dirigent avec une pigouille, les poules d'eau peureuses et les colverts bruyents, les cabanes sur l'eau, la loutre, le traînou et son batai, l'intérieur de la cabane d'Armoise, sa bouilliture et ses habits synthétiques qui sont moins lourds que la laine mouillée.
Moka utilise une jolie palette psychologique pour faire vivre une galerie de personnages réalistes. Que ce soit les gens du cru ou le psychologue plus clinicien que nature. Et la vieille Armoise qui s'avance vers la mort dans un dernier geste de générosité et avec une lucidité sereine : "Armoise pensa à son âme et fit le souhait qu'elle devienne une de ces étoiles tardives qui disparaissent dans la clarté de l'aurore".

Un vrai thriller à lire au chaud, pendant une des froides et humides soirées d'hiver.

 © Jean TANGUY   08 décembre 2004 

  Pourquoi ?

Un roman de Moka, édité à L'Ecole des loisirs en 2005, dans la collection Médium.

Pourquoi ?

Dans une famille de Français originaires de Somalie. Wafa, une jeune adolescente de quatorze-quinze ans, réalise soudainement que Makeda, sa petite soeur, va avoir six ans, l'âge auquel sa soeur aînée, Raquiya, est morte en Somalie.
Wafa est une jeune fille sérieuse. Elle a deux frères plus turbulents. Son père travaille comme éboueur, sa mère vit à la maison. Elle a aussi une grand-mère, Nawal, qui terrorise toute la famille. Nawal est une femme qui perpétue les traditions de son pays d'origine. Elle refuse les lois françaises, refuse d'aller à la mosquée parce qu'il y a trop d'arabes, trouve que son gendre est trop faible et permissif, que son autre fille qui habite l'appartement mitoyen, est frivole parce qu'elle ne se voile pas... Bref, elle est plutôt du genre traditionaliste.
Un soir, Wafa ne revient pas du collège. Elle a pris le train avec Makeda pour aller lui montrer la tour Eiffel, son cadeau d'anniversaire.
Mais pourquoi Wafa n'a t-elle prévenu personne ? Pourquoi passe-t-elle quelques jours difficiles  à Paris, vivant avec des clochards, faisant la manche, se faisant héberger dans un foyer d'accueil ?
Quelques jours avant, un guérisseur yoruba lui a prédit qu'elle devrait faire un choix décisif, qu'il lui faudrait écouter son âme. Est-ce ce qui vient de se passer ?
Dans sa famille, les hommes ne se mêlent pas des affaires des femmes.  Quelle en est la raison ? En s'enfuyant avec sa petite soeur, qu'a-t-elle fuit ?  Que refuse-t-elle ?
Heureusement, le guérisseur et ses filles sont des gens évolués qui ont choisi une autre façon de vivre...


Ce roman montre comment une famille peut être coupée en deux. D'un côté les jeunes qui vont à l'école, qui ont choisi d'être Français, et qui refusent certains comportements et traditions. De l'autre, les adultes qui restent attachés à leur culture d'origine. Seule la tante de la jeune fille transgresse certaines règles en refusant de vivre comme une femme de Somalie.
Moka construit l'histoire de manière à ce que le lecteur s'attache à la jeune fille et à sa jeune soeur. Quand vient le moment où il découvre que la petite risque d'être excisée, l'horreur et la nausée le saisissent.
Moka a pris le parti de dénoncer l'excision et l'infibulation, ne lui trouvant comme excuse que l'obscurantisme, la bêtise et l'absence de réflexion des adultes qui semblent avoir oublié leur propre souffrance, qui n'ont pas le courage de critiquer les coutumes et de s'opposer aux ancêtres.
Dans l'ensemble, c'est cependant un roman équilibré, avec une petite touche pédagogique qui ne gênera pas les jeunes lecteurs.

Lecteurs à partir de 12-13 ans.

 © Jean TANGUY   29 décembre 2005