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Mis à jour le 09 mai 2012
Le combat d'hiver
  Le combat d'hiver
Le chagrin du roi mort
  Le chagrin du roi mort

 

   

  

  Le Combat d'hiver

Un roman de Jean-Claude Mourlevat, publié chez Gallimard Jeunesse, en 2006 

Le combat d'hiver Milena Bach accompagne Helen Dorman chez sa Consoleuse. Pour pouvoir quitter leur internat, Helen a dû accepter qu'une élève soit mise au Ciel si l'une d'elles ne rentre pas. La surveillante a choisi la petite Catharina Pancek.
En chemin, elles rencontrent Bartolomeo Casal et Milos Ferenzy, des garçons de l'autre internat. C'est si rare qu'ils s'arrêtent, se parlent, se déclarent amis, échangent leurs noms et se promettent de s'envoyer clandestinement des nouvelles. Mais ils n'ont guère le temps de faire plus ample connaissance, car le temps presse. Helen doit rencontrer Paula pour faire le plein d'énergie et se rassasier d'amour. Quand Helen quitte sa Consoleuse, Milena ne l'attend plus. Elle rentre seule et Catharina Pancek est envoyée au cachot.
Dès son retour, Helen écrit à Milos qui lui propose un rendez-vous. Sur les toits de l'internat, il lui apprend que Bartolomeo a reçu d'un homme-cheval, une lettre de son père. Datant de quinze années, elle lui a appris que tous les jeunes des internats ne sont pas des orphelins comme les autres (…) leurs parents ont tous lutté contre la Phalange quand elle a pris le pouvoir. Elle apprend que c'est avec Bartolomeo que Milena s'est enfuie. Milos l'entraîne ensuite dans les greniers de l'internat d'où ils assistent à une assemblée de la Phalange. Désormais conscients de ce qui se passe dans le pays, à leur tour, ils décident de s'enfuir. Avant, ils vont chercher Catharina qui a été libérée avec la complicité de sa gardienne.
Mais la police de la Phalange se met à leur poursuite. Avec ses meilleurs hommes-chiens, Bombardone Mills a pris en chasse Bartolomeo et Milena, mais va se trouver sur la piste des deux autres. A plusieurs reprises, les deux couples se croisent sans le savoir. Chacun rencontre des résistants qui vont les aider.
Sauf Milos qui va être capturé, emmené dans un camp d'entraînement et qui devra livrer le premier combat de l'hiver...


Ce récit est principalement narré par Helen, mais aussi par d'autres personnages, généralement des résistants. Cependant, dans quelques chapitres, Mills et Gus Van Vlick racontent  les événements de leur point de vue.

S'il est clair que c'est un roman de science-fiction, l'intrigue se déroule dans un univers partiellement fantastique. Le contexte d'une dictature cruelle est certes classique, mais les minorités ethniques composées d'hommes-chiens sanguinaires et d'hommes-chevaux fidèles et courageux, créent la dimension fantastique. Ou plutôt étrange, car ils sont employés d'une façon discrète. De même que les Consolantes, ces imposantes correspondantes que les jeunes ont de droit de rencontrer trois fois l'an.
On a l'impression d'être au milieu du 20e siècle, avec cet autocar qui semble antique, l'absence des technologies actuelles. Des lieux sont reconnaissables. Les paysages qu'il décrit sont les nôtres dès qu'on quitte les villes. Les noms des personnages sont européens. La dictature qui est décrite fait penser à celle de Franco en Espagne ou à la dictature de Pinochet au Chili. La pianiste Dora fait penser au guitariste Victor Jara. Et quand Bartolomeo et Milena sont sur le pont Royal, devant les chars, qu'il lève la paume de sa main droite vers eux, comment ne pas penser à la place Tian'anmen ?

Cette sombre et cruelle dictature haineuse est comme combattue par des relations d'amour ou d'affection. L'histoire d'amour de Bartolomeo et Milena est lumineuse, ainsi que, d'une toute autre façon, celle Milos et Helen. Entre Dora et la chanteuse Eva-Maria Bach survit une affectueuse fidélité. Les hommes-chevaux sont fièrement fidèles au souvenir du père de Bartolomeo. Et même le sanguinaire Van Vlyck est amoureusement fidèle à une femme, à un point tel que le lecteur pourrait éprouver quelques sentiments de sympathie.

Dans ce roman, le chant apporte la magie, car le peuple est amoureux d'une voix. C'est ce qui le fait vivre, ce qui lui donne le courage de se révolter, de risquer sa vie pour regagner sa liberté.

La fin de l'histoire est un peu trop rapide et prévisible. Mais l'épilogue est une ode au courage et à l'amour.

Ce roman est écrit avec beaucoup de force, sans effets faciles, avec juste ce qu'il faut de  rebondissements. On ne le lâche pas. Il démarre doucement, presque tendrement quand Helen va chez sa Consolante, puis devient haletant lorsque les jeunes se sont enfuis et que la chasse à l'homme est lancée. Derrière l'atmosphère terrifiante de la dictature, l'oppression, la brutalité, la barbarie des jeux du cirque, il y a la force de la vie, l'espoir de la liberté, le refus de l'esclavage, la détermination à secouer le joug de la dictature, l'exaltation de la lutte dans la résistance. Si on est pris par la lecture, c'est parce ce que l'histoire est presque réelle, parce que les personnages ont une vraie épaisseur humaine.

Très beau livre, dont les 330 pages plairont à des lecteurs dès 13-14 ans et bien au-delà.


 © Jean TANGUY   2 avril 2011     

 

  Le Chagrin du roi mort

Un roman de Jean-Claude Mourlevat, publié chez Gallimard Jeunesse, en 2009 

Le chagrin du roi mort

C'est une petite île froide, quelque part dans le Nord. Le vieux roi vient de mourir. Son corps repose sur la Grand-Place centrale, allongé sur un lit de pierre. Il était très aimé et tous les habitants défilent pour le saluer une dernière fois sa dépouille. Bravant le froid, les deux jumeaux, Aleksander et Brisco se sont joints à la foule. Les enfants n'ont jamais vu autant de monde rassemblé, dans le silence, attendant sereinement leur tour. C'est d'abord le celui de Brisco, puis juste après celui d'Aleks qui fait un pas de côté et reste à regarder le vieux roi. C'est alors qu'il le se redresse et s'assoit sur le bord du lit de pierre, et qu'il dit au garçon "Brisco, attention au feu, au feu qui brûle...". Aleks demeure immobile devant la dépouille du vieux roi, jusqu'à ce que son père vienne le chercher alors qu'il est à moitié gelé.
Peu après, les deux garçons se rendent à la bibliothèque. C'est un palais des livres, un édifice grandiose avec d'ingénieuses galeries dans lesquelles on circule dans de petits wagons qui roulent sur des rails. Les lecteurs pouvait choisir tel ou tel wagon qui les emmenait vers les salles de lecture de romans, d'encyclopédies, de contes... Ce jour-là , il y a soi-disant un problème. Une femme monte avec eux dans un wagonnet pour les conduire. A un moment, Brisco est enlevé.
Les deux garçons vont grandir séparés. Brisco est emmené dans le château de Guerolf, qui convoite la Petite Terre. Aleks reste seul, désespéré...
Quelques années passent. Les enfants sont devenus des jeunes hommes. Brisco a appris la vie d'un jeune seigneur qui devra, un jour, guerroyer. Aleks est devenu menuisier. Guerolf mène des guerres. La Petite Terre est conquise avec facilité. Aleks est enrôlé et part sur la Grande Terre, puis sur le Continent. C'est là, au pied des murailles d'une forteresse imprenable qu'il tombe amoureux de Lia. Il déserte et s'enfuie avec Lia dans un hiver terrible. Aleks sera repris et, comme il est déserteur, promis à la mort.
Lia et Aleks vont se chercher longtemps. Se retrouveront-ils ? Et comment Aleks retrouvera-t-il Brisco malgré la guerre ?
La Louve le leur avait dit : Brisco et Aleks ont un destin, chacun leur leur...


Jean-Claude Mourlevat a écrit un superbe texte pour nous raconter de belles histoires d'hommes et de femmes, pleines d'humanité.

C'est un conte, avec les querelles de pouvoir, des moments fantastiques, une sorcière qui mange des queues de rat, de la magie, des grandes étendues, un château, une adorable petite ville, une guerre atroce et sans fin, le froid, la faim, quelques personnages infâmes, des secrets de familles, des gestes de courage, d'amour, des fidélités et des amitiés sans faille...

La psychologie des personnages est fouillée, ainsi que les relations : la fraternité des deux frères dont l'un a été adopté, la froideur vicieuse de Guerolf, l'ambiguité de La Louve qui reporte son affection sur Brisco, l'enfant qu'elle n'a pas eu, la bonté et la fidélité de Baldur, la tendresse des parents d'Aleks, la déchirure de Brisco. Et ne n'oublions pas la relation qui unit Lia et Aleks, qui se chercheront pendant des années...

Tout ceci est raconté dans une écriture magnifique, très sensible et claire avec des pointes d'humour, un sens poussé du drame et du romantisme, selon les moments. La fin nous laisse un peu sur un manque, comme dans la vraie vie...

Beacoup de lecteurs sont davantage touchés par Le combat d'hiver, qui m'a fasciné. Je dois dire que celui-ci m'a touché  et ému. J'ai été sensible à la beauté calme de la Petite Terre et à la magie de la bibliothèque. J'ai eu froid dans l'hiver de la guerre. J'ai été choqué par la barbarie de cet inutile conflit.  J'ai frémi devant l'appétit de la sorcière Brit. J'ai été triste avec Aleks qui cherchait Lia, j'ai été sensible aux retrouvailles d'Aleks avec ses parents, j'ai tremblé de crainte un instant quand Lia est arrivée dans la cour carrée de l'atelier d'Aleks... L'écriture de Mourlevat possède ce pouvoir de donner à son histoire un aspect de réalité.

Très beau gros livre (400 pages) qu'il ne faudrait pas réserver aux lecteurs de 13-14 ans...


 © Jean TANGUY   16 avril 2011