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Un jour avec LoLa |
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Un swing parfait |
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Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou
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Un
jour avec Lola
Un roman de
Jean-Paul Nozière, édité aux éditions Thierry Magnier
en 2001,
dans la collection Roman.
Lola est collégienne. Dans la 4e 1, la
classe des élèves les plus brillants du collège, la classe canon,
elle est la meilleure élève de la classe. En tout. Elle est
fermement décidée à le rester. Apprendre lui procure du plaisir.
Cette élève canon brille autant par sa vive intelligence,
son tempérament de travailleuse, sa beauté qui fait qu'on la vouvoie et
qu'on l'appelle Mademoiselle Eva Favelas. Son excellence et sa
beauté en font un personnage à part, à qui on pardonne des absences
injustifiées, une fille qui trouble les autres élèves et les adultes,
une fille qu'on ne comprend pas bien, voire pas du tout.
En fait, Lola est une fille seule. Depuis qu'Irène, sa mère, est
partie, elle vit seule avec son père. Ils se sont donnés l'un à l'autre
de nouveaux prénoms : Lola pour Eva, Tom pour Eric. Elle sait que son
père va mal. Son épicerie court à la faillite, les dettes s'accumulent
(le poste de télévision a été saisi), la consommation de bière
augmente. Etre le père canon d'une fille canon ne suffit pas à
régler les problèmes d'intendance.
Le matin, Lola s'habille avec les vêtements que sa mère a laissé dans
l'appartement. ce jour-là, elle choisit une jupe plissée d'un bleu
marine austère qu'elle amadoua par le choix d'un pull à col montant
jaune doré. Le noir épais de ses longs cheveux noirs éclatait sur le
jaune. Habillée ainsi, elle se rend au collège, uniquement pour
travailler car elle n'y a aucun ami, aucune amie. Juste une source très
douteuse de revenus, des rendez-vous, qui lui permettent de se
procurer un peu d'argent pour aider Tom, car Tom déteste parler
d'argent. Elle se sent le devoir de prendre soin de son père,
depuis qu'Irène est partie. Et elle aime particulièrement ces soirées
qui, après le bon repas qu'elle a financé, se transforment en
douce veillées. Quand elle quitte le collège, elle fait parfois un
détour par une église peu fréquentée. Agenouillée sur un prie-dieu
situé sous un Christ en croix dans un angle sombre, elle se confie au
Christ qu'elle appelle le Che, persuadée que le Christ de l'église et
le Che de l'affiche de la maison sont une seule et même personne. Elle
aime cette église, son odeur, la paix qui y règne. Elle aimerait y
passer sa vie.
Mais les types louches des services sociaux envoient des lettres bleues
à son père, des lettres que Lola intercepte sans trop les lire.
Jusqu'au jour où ils viendront la chercher...
Nul doute, Jean-Paul Nozière est bien
documentaliste dans un collège. Même si on est bien devant un roman,
une fiction, il y de nombreux indices d'une connaissance intime de la
vie quotidienne d'un collège. Le bruit, les ballons s'écrasant contre
les murs, les appels des haut-parleurs, les alarmes qui se déclenchent
à l'improviste, le bitume de la cour, les bombes à eau, les petits
arrangements pour entrer dans le collège deux minutes après l'heure,
l'enseignante qui raconte sa vie à la classe, l'infirmière qui pense
d'abord à munir les filles de quelques préservatifs, les brimades
punitives de quelque surveillant, le prof paumé, et même le
documentaliste qui a peur des élèves, ou l'élève qui s'installe au CDI
avec un livre qu'il ne lit pas mais qui lui permet de rester au chaud
et/ou au calme pendant une récréation... N'importe quel écrivain ou
journaliste pourrait raconter tout cela, ce que ne fait pas Jean-Paul
Nozière qui se contente de signaler ces détails pour planter le décor.
Un décor qui donne à ce roman un air plus vrai que nature.
Qu'il soit dit et compris que les filles de 4e ne mènent pas toutes des
vies simples et calmes dans des familles unies et équilibrées. Même les
excellentes élèves. Et ne parlons pas des garçons...
Evidemment, on pourra trouver exagéré le comportement de cette fille
intelligente et belle. On pourra s'offusquer de ce que le personnel de
ce gros collège (1200 élèves !) n'a pas connaissance du trafic très
pervers auquel se livre la jeune fille et que les garçons des petites
classes ne se suffisent pas du manuel de SVT de 4e pour découvrir
l'anatomie du sexe opposé. On pourra être surpris que cette jeune fille
vive seule avec son père, une relation platoniquement incestueuse sans
que les service sociaux ne soient alertés. Mais par qui le seraient-ils
? Qui peut comprendre que cette gamine trop belle et trop élégante, qui
se comporte d'une manière aussi effrontée, affiche ainsi son mal de
vivre sa souffrance, sa douleur de vivre sans sa mère, son désir d'une
autre vie moins pénible que celle-ci.
Toujours est-il que j'ai trouvé ce roman vraisemblable, à la fois
jubilatoire et triste. Car c'est une triste histoire écrite dans un
style vif, coloré qui sied bien à une vie ce collégienne. Tout au long
du roman, on se demande comment l'auteur va se sortir de cette
situation compliquée, quand la vérité va éclater, si elle éclate...
Mais sur ce point, la dernière page est un soulagement inattendu.
Il y a des morceaux magnifiques : la réaction de la surveillante qu'un
élève de 5e menace de niquer, le dialogue de la jeune fille avec le Che
de l'église, l'heure de français, la rêverie devant son carnet de
photos lorsqu'elle est dans les toilettes de l'administration.
Pour des garçons et filles de 14 ans et
plus.
©
Jean TANGUY 29 avril 2001
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Un
swing parfait
Un roman de
Jean-Paul Nozière, édité chez Syros en
2009,
dans la collection Rat noir.
Antoine
Jeunet, un homme d'affaires ambitieux, a créé Le Village, un
lotissement de résidences pour riches, construites à l'intérieur d'un
enclos. On y entre en franchissant une barrière que garde M.
Porato, un ancien inspecteur de police. Le Village a été construit à
Sponge, près de Dijon.
Elena, sa jolie fille de seize ans, un peu timide, s'ennuie souvent
dans ce lotissement où il ne se passe rien. Elle est très amoureuse du
fils de gardien, Lucas Porato, qui ne semble pas s'en émouvoir
vraiment.
Un jour, elle aperçoit et reconnaît celui qui se présente à la barrière
et qui pousse le cri de la chouette. Son frère Ugo est revenu. Il avait
fugué, six ans plus tôt parce qu'il en avait assez de devoir réaliser
le projet de son père de faire de lui un champion de golf. Il y a
passait tout son temps et toute son énergie. Il a maintenant vingt-deux
ans, est plus fin qu'elle ne s'y attendait. Plus aigri, plus agressif
et violent aussi, mais Elena pense que ces années au cours desquelles
il a zoné l'ont transformé. Toutefois, elle s'inquiète de la jalousie
et de la surveillance qu'exerce Ugo sur sa relation avec Lucas qui est
devenu son petit ami.
Heureusement, le gardien est un ancien flic. Un sac qui traîne dans
lequel il découvre une lettre l'intrigue. Les vieux réflexes
reviennent, il commence son enquête...
Le choix de situer l’histoire dans un
lotissement hyper-sécurisé comme on commence à en trouver en
France, donne un nouveau souffle au vieux thème de l’usurpation
d’identité.
Le thème du lieu clos est
correctement
traité : un lieu où se réfugient des gens qui veulent vivre à
l’écart d’un monde qui les insécurise, qui veulent vivre entre
gens de mêmes catégories sociales. Ce sont forcément des riches,
qui considèrent les moins-riches qu’eux comme leurs obligés.
L’existence de ces lieux
témoigne d’une méconnaissance entre ces deux pans de la société,
mais aussi une forme de réclusion et d’exclusion. Jean-Paul
Nozière rend bien cet isolement qu’il renforce en situant l’action
en plein été, ce qui crée une ambiance de léthargie, une envie de se
laisser aller, de ne pas se poser de questions. Une ambiance qui sied
aussi à la séduction amoureuse qu’exerce consciemment Elena sur
Lucas.
La famille Jeunet, pour
respectable
qu’elle semble être, ne fonctionne pas bien. La mère est éteinte
face à un époux autoritaire qui pense surtout à sa gloire et à sa
fortune. Elle s’ennuie ferme dans ce lotissement où elle ne semble
pas avoir de relations. Le fils est parti parce que son père voulait
faire de lui un champion de golf, ce qui l’obligeait à consacrer
tous ses moments libres à l’entraînement. Elena s’ennuie et
cherche à fuir cette ambiance étouffante, ce que sa relation avec
Lucas va lui permettre.
Le gardien est dépeint comme un ancien
flic qui a été obligé de démissionner de la police et qui a pu
trouver cet emploi grâce à son ancien métier. Lui aussi s’ennuie,
puisque le Village est en pleine campagne, qu’il ne s’y passe
rien de répréhensible, qu’il n’y a pas de jeunes à s’agiter
dans le lotissement. Sa femme l’a quitté et il continue de la
regretter. Sa position de gardien lui permet de bien connaître les
habitudes du microcosme.
Les seules personnes qui semblent être
équilibrées sont les deux adolescents, qui se cherchent,
qui finissent par se trouver et font ce qu’il faut pour jouir de leur
amour naissant.
Evidemment, on peut regretter que les
traits soient forcés, que le père d’Elena soit un parvenu brutal,
égoïste, imbu de sa personne, qui n’a aucune considération pour
ses proches, un homme sans autre qualité que d’être un bosseur.
Que le gardien soit un homme qui n’a d’autre choix que d’êre
gardien, un faible, un homme qui se noie dans la nostalgie d’un
bonheur perdu. Que ce soit un gâté par la vie qui devienne un
asocial. Que la mère d’Elena connaisse le vérité sur l’identité
de l’usurpateur mais se taise pour ne pas perdre son luxe facile.
Que tous les habitants du Village soient des riches décomplexés...
Ce décor permet de monter une intrigue
plausible, dont on va pressentir assez tôt l’issue. Une issue dont
l’auteur a raisonnablement choisi qu’elle soit tragique.
L’intérêt du roman est dans cette destruction d’un bonheur
factice, d’une famille qui ne peut rester unie, et aussi dans le
destin des personnages qui retrouvent des raisons de vivre une fois le
drame mis à jour.
Un bon roman noir et réaliste.
©
Jean TANGUY 28 avril 2009
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Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou
Un roman de
Jean-Paul Nozière, édité chez Thierry Magnier
en 2011,
dans la collection Grands romans.
Dans
un parc, un adolescent s'embête à surveiller Elise, sa petite soeur.
Une belle jeune femme le drague, l'entraîne vers son vélo, lui fait une
vague promesse. Comment lui résister ? Quand il revient, Elise n'est
plus là. Elle a été enlevée.
Dix ans plus tard, en juillet, dans la petite ville de Sponge, au bord
du lac du Serpent, Alice, 17 ans, supporte son frère Gabin, un petit
garçon vif et frondeur, plein d'imagination. Elle a pour voisins la
famille de Laura, une
belle adolescente qui joue facilement de son charme auprès de son
voisin, Jean-Alain Quitani.
Jean-Alain, dit Lilin, a du vent
dans la tête.
Il a son
langage, ses habitudes et même ses rituels. Il s'effraie facilement.
C'est un grand
adolescent très doux, un grand enfant sensible qui peut passer beaucoup
de temps à admirer les filles sans jamais les approcher. Il aime
bien regarder Laura.
Alice, qui surveille parfois Jean-Alain à la jumelle, vient chaque jour
dans sa chambre, lui lire vingt pages d'un roman. Elle lui a lu La vie devant soi
et il a beaucoup
aimé le personnage de Momo. Jean-Alain a une grande confiance en Alice,
qui est
peut-être la seule personne qui le comprenne vraiment. Pour son
anniversaire, elle lui fait un cadeau dont il ne faut pas que
Jean-Alain dévoile à qui que ce soit. Un secret qui va bientôt lui jouer un
mauvais tour...
Cet été s'annonce calme,
presqu'ennuyeux. Mais Laura disparaît et Jean-Alain devient le
coupable tout indiqué. Les gendarmes enquêtent, font des tournées pour
recueillir des indices. Le brigadier-chef est connu sous le nom de
Pacino, c'est un type bougon, persuadé que Jean-Alain est le coupable,
surtout qu'il cahe un secret.
Il ne va donc pas relever certains détails. Son collègue, Nour, se lie
plus facilement. Il a un petit faible pour Alice et est sensible à ses
arguments. Mais Alice, qui connaît le secret
de Jean-Alain, ne peut rien dire qui l'innocenterait... Nour a du mal à
imaginer que Jean-Alain ait kidnappé Laura, ou qu'il l'aurait
assassinée. Il cherche, réfléchit, écoute... Il finit par trouver qui
est le kidnappeur. Quelqu'un que personne ne pouvait soupçonner...
Le récit des
événements de cet été est
rapporté selon le point de vue de chacun des personnages. Il y a
parfois
des retours en arrière, comme pour mieux égarer le lecteur... La
psychologie des personnages est bien rendue Leur typologie peut
paraître banale et figée, il n'en est rien. Ce qui importe, ce sont les
relations qui les unissent : Laura qui flirte et allume Linlin, la
sérieuse Alice qui fait la lecture à Jean-Alain, Alice qui est attirée
par Nour et réciproquement, Jean-Alain qui aime être avec des filles,
le brigadier rustre qui ne se lie guère. Et l'inconnu qui prépare un
mauvais coup et qui vit dans un autre monde.
Quand on découvre, bien avant la fin du
livre, l'identité du kidnappeur, on se dit que l'intrigue a perdu de sa
saveur. Il reste au lecteur à finir la lecture en souriant de la
lourdeur du brigadier, en tremblant de peur qu'il n'arrive un malheur à
Laura. Mais on se trompe, on ne connaît pas la chute. Elle est terrible
et diabolique, on a comme un malaise...
La lecture est stressante, parce que
dans cet endoit où il ne se passe jamais rien, ce qui arrive cette
été-là est dramatique. Le lecteur ne peut que craindre le pire pour la
jeune fille. Il craint le geste fou de Freddy. Il attend l'erreur
judiciaire, car il est le seul à savoir que le fou n'est pas celui
qu'on croit. Le roman dérange, car nous savons que nous pourrions
bêtement penser comme le brigadier, croire que le clochard du coin,
l'immigré, le simple d'esprit... Terriblement gênant de ne pouvoir
refuser le miroir que nous tend Nozière...
J'ai particulièrement aimé le
personnage de Jean-Alain. Jean-Paul Nozière s'avère être un excellent
portraitiste d'ados un peu marginaux, d'ados que l'on peut fréquenter
dans la vie réelle et dont on ne voit que ce qu'ils montrent, pas ce
qu'ils sont.
Fin 2011, Jean-Paul Nozière était à Lamballe au festival Noir sur la ville, Là où le
kidnappeur comptait emmener Laura...
Un excellent roman policier. Pour ados.
©
Jean TANGUY 19 mars 2011
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