Des romans de Jean-Paul Nozière

Chroniques de littérature de jeunesseC
h
r
o
n
i
q
u
e
s
.
.
.
Accueil
Liste des Auteurs
Liste des Titres
Accès par thèmes
Les nouvelles sont dans le journal
Lire le journal
Lire les archives du journal
Qui tient ces Chroniques ?
Le Chroniqueur
Contact...
Mis à jour le 09 mai 2012
Un jour avec Lola
  Un jour avec LoLa
Un swing parfait
  Un swing parfait
Un swing parfait
  Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou

 

  Un jour avec Lola

Un roman de Jean-Paul Nozière, édité aux éditions Thierry Magnier en 2001,
dans la collection Roman.

Un jour avec Lola  Lola est collégienne. Dans la 4e 1, la classe des élèves les plus brillants du collège, la classe canon, elle est la meilleure élève de la classe. En tout. Elle est fermement décidée à le rester. Apprendre lui procure du plaisir. Cette  élève canon brille autant par sa vive intelligence, son tempérament de travailleuse, sa beauté qui fait qu'on la vouvoie et qu'on l'appelle Mademoiselle Eva Favelas. Son excellence et sa beauté en font un personnage à part, à qui on pardonne des absences injustifiées, une fille qui trouble les autres élèves et les adultes, une fille qu'on ne comprend pas bien, voire pas du tout. 
En fait, Lola est une fille seule. Depuis qu'Irène, sa mère, est partie, elle vit seule avec son père. Ils se sont donnés l'un à l'autre de nouveaux prénoms : Lola pour Eva, Tom pour Eric. Elle sait que son père va mal. Son épicerie court à la faillite, les dettes s'accumulent (le poste de télévision a été saisi), la consommation de bière augmente. Etre le père canon d'une fille canon ne suffit pas à régler les problèmes d'intendance.
Le matin, Lola s'habille avec les vêtements que sa mère a laissé dans l'appartement. ce jour-là, elle choisit une jupe plissée d'un bleu marine austère qu'elle amadoua par le choix d'un pull à col montant jaune doré. Le noir épais de ses longs cheveux noirs éclatait sur le jaune. Habillée ainsi, elle se rend au collège, uniquement pour travailler car elle n'y a aucun ami, aucune amie. Juste une source très douteuse de revenus, des rendez-vous, qui lui permettent de se procurer un peu d'argent pour aider Tom, car Tom déteste parler d'argent.  Elle se sent le devoir de prendre soin de son père, depuis qu'Irène est partie. Et elle aime particulièrement ces soirées qui, après le bon repas qu'elle a financé,  se transforment en douce veillées. Quand elle quitte le collège, elle fait parfois un détour par une église peu fréquentée. Agenouillée sur un prie-dieu situé sous un Christ en croix dans un angle sombre, elle se confie au Christ qu'elle appelle le Che, persuadée que le Christ de l'église et le Che de l'affiche de la maison sont une seule et même personne. Elle aime cette église, son odeur, la paix qui y règne. Elle aimerait y passer sa vie.
Mais les types louches des services sociaux envoient des lettres bleues à son père, des lettres que Lola intercepte sans trop les lire. Jusqu'au jour où ils viendront la chercher...


Nul doute, Jean-Paul Nozière est bien documentaliste dans un collège. Même si on est bien devant un roman, une fiction, il y de nombreux indices d'une connaissance intime de la vie quotidienne d'un collège. Le bruit, les ballons s'écrasant contre les murs, les appels des haut-parleurs, les alarmes qui se déclenchent à l'improviste, le bitume de la cour, les bombes à eau, les petits arrangements pour entrer dans le collège deux minutes après l'heure, l'enseignante qui raconte sa vie à la classe, l'infirmière qui pense d'abord à munir les filles de quelques préservatifs, les brimades punitives de quelque surveillant, le prof paumé, et même le documentaliste qui a peur des élèves, ou l'élève qui s'installe au CDI avec un livre qu'il ne lit pas mais qui lui permet de rester au chaud et/ou au calme pendant une récréation... N'importe quel écrivain ou journaliste pourrait raconter tout cela, ce que ne fait pas Jean-Paul Nozière qui se contente de signaler ces détails pour planter le décor. Un décor qui donne à ce roman un air plus vrai que nature.

Qu'il soit dit et compris que les filles de 4e ne mènent pas toutes des vies simples et calmes dans des familles unies et équilibrées. Même les excellentes élèves. Et ne parlons pas des garçons...

Evidemment, on pourra trouver exagéré le comportement de cette fille intelligente et belle. On pourra s'offusquer de ce que le personnel de ce gros collège (1200 élèves !) n'a pas connaissance du trafic très pervers auquel se livre la jeune fille et que les garçons des petites classes ne se suffisent pas du manuel de SVT de 4e pour découvrir l'anatomie du sexe opposé. On pourra être surpris que cette jeune fille vive seule avec son père, une relation platoniquement incestueuse sans que les service sociaux ne soient alertés. Mais par qui le seraient-ils ? Qui peut comprendre que cette gamine trop belle et trop élégante, qui se comporte d'une manière aussi effrontée, affiche ainsi son mal de vivre sa souffrance, sa douleur de vivre sans sa mère, son désir d'une autre vie moins pénible que celle-ci. 
Toujours est-il que j'ai trouvé ce roman vraisemblable, à la fois jubilatoire et triste. Car c'est une triste histoire écrite dans un style vif, coloré qui sied bien à une vie ce collégienne. Tout au long du roman, on se demande comment l'auteur va se sortir de cette situation compliquée, quand la vérité va éclater, si elle éclate... Mais sur ce point, la dernière page est un soulagement inattendu.
Il y a des morceaux magnifiques : la réaction de la surveillante qu'un élève de 5e menace de niquer, le dialogue de la jeune fille avec le Che de l'église, l'heure de français, la rêverie devant son carnet de photos lorsqu'elle est dans les toilettes de l'administration.

Pour des garçons et filles de 14 ans et plus.

Lire aussi : Blanc comme neige, dans la collection Page Blanche

 © Jean TANGUY   29 avril 2001  

 

  Un swing parfait

Un roman de Jean-Paul Nozière, édité chez  Syros en 2009,
dans la collection Rat noir.

Un swing parfaitAntoine Jeunet, un homme d'affaires ambitieux, a créé Le Village, un lotissement de résidences pour riches, construites à l'intérieur d'un enclos. On y entre en franchissant une barrière que garde  M. Porato, un ancien inspecteur de police. Le Village a été construit à Sponge, près de Dijon.
Elena, sa jolie fille de seize ans, un peu timide, s'ennuie souvent dans ce lotissement où il ne se passe rien. Elle est très amoureuse du fils de gardien, Lucas Porato, qui ne semble pas s'en émouvoir vraiment.
Un jour, elle aperçoit et reconnaît celui qui se présente à la barrière et qui pousse le cri de la chouette. Son frère Ugo est revenu. Il avait fugué, six ans plus tôt parce qu'il en avait assez de devoir réaliser le projet de son père de faire de lui un champion de golf. Il y a passait tout son temps et toute son énergie. Il a maintenant vingt-deux ans, est plus fin qu'elle ne s'y attendait. Plus aigri, plus agressif et violent aussi, mais Elena pense que ces années au cours desquelles il a zoné l'ont transformé. Toutefois, elle s'inquiète de la jalousie et de la surveillance qu'exerce Ugo sur sa relation avec Lucas qui est devenu son petit ami.
Heureusement, le gardien est un ancien flic. Un sac qui traîne dans lequel il découvre une lettre l'intrigue. Les vieux réflexes reviennent, il commence son enquête...


Le choix de situer l’histoire dans un lotissement hyper-sécurisé comme on commence à en trouver en France, donne un nouveau souffle au vieux thème de l’usurpation d’identité.

  Le thème du lieu clos est correctement traité : un lieu où se réfugient des gens qui veulent vivre à l’écart d’un monde qui les insécurise, qui veulent vivre entre gens de mêmes catégories sociales. Ce sont forcément des riches, qui considèrent les moins-riches qu’eux comme leurs obligés. L’existence de ces lieux témoigne d’une méconnaissance entre ces deux pans de la société, mais aussi une forme de réclusion et d’exclusion. Jean-Paul Nozière rend bien cet isolement qu’il renforce en situant l’action en plein été, ce qui crée une ambiance de léthargie, une envie de se laisser aller, de ne pas se poser de questions. Une ambiance qui sied aussi à la séduction amoureuse qu’exerce consciemment Elena sur Lucas.

  La famille Jeunet, pour respectable qu’elle semble être, ne fonctionne pas bien. La mère est éteinte face à un époux autoritaire qui pense surtout à sa gloire et à sa fortune. Elle s’ennuie ferme dans ce lotissement où elle ne semble pas avoir de relations. Le fils est parti parce que son père voulait faire de lui un champion de golf, ce qui l’obligeait à consacrer tous ses moments libres à l’entraînement. Elena s’ennuie et cherche à fuir cette ambiance étouffante, ce que sa relation avec Lucas va lui permettre.
  Le gardien est dépeint comme un ancien flic qui a été obligé de démissionner de la police et qui a pu trouver cet emploi grâce à son ancien métier. Lui aussi s’ennuie, puisque le Village est en pleine campagne, qu’il ne s’y passe rien de répréhensible, qu’il n’y a pas de jeunes à s’agiter dans le lotissement. Sa femme l’a quitté et il continue de la regretter. Sa position de gardien lui permet de bien connaître les habitudes du microcosme.
  Les seules personnes qui semblent être équilibrées sont les deux adolescents, qui se cherchent, qui finissent par se trouver et font ce qu’il faut pour jouir de leur amour naissant.

   Evidemment, on peut regretter que les traits soient forcés, que le père d’Elena soit un parvenu brutal, égoïste, imbu de sa personne, qui n’a aucune considération pour ses proches, un homme sans autre qualité que d’être un bosseur. Que le gardien soit un homme qui n’a d’autre choix que d’êre gardien, un faible, un homme qui se noie dans la nostalgie d’un bonheur perdu. Que ce soit un gâté par la vie qui devienne un asocial. Que la mère d’Elena connaisse le vérité sur l’identité de l’usurpateur mais se taise pour ne pas perdre son luxe facile. Que tous les habitants du Village soient des riches décomplexés...

Ce décor permet de monter une intrigue plausible, dont on va pressentir assez tôt l’issue. Une issue dont l’auteur a raisonnablement choisi qu’elle soit tragique.
L’intérêt du roman est dans cette destruction d’un bonheur factice, d’une famille qui ne peut rester unie, et aussi dans le destin des personnages qui retrouvent des raisons de vivre une fois le drame mis à jour.

Un bon roman noir et réaliste.

 © Jean TANGUY   28 avril 2009  

 

  Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fou

Un roman de Jean-Paul Nozière, édité chez  Thierry Magnier en 2011,
dans la collection Grands romans.


Rien qu'un jour de plus dans la vie d'un pauvre fouDans un parc, un adolescent s'embête à surveiller Elise, sa petite soeur. Une belle jeune femme le drague, l'entraîne vers son vélo, lui fait une vague promesse. Comment lui résister ? Quand il revient, Elise n'est plus là. Elle a été enlevée.
Dix ans plus tard, en juillet, dans la petite ville de Sponge, au bord du lac du Serpent, Alice, 17 ans, supporte son frère Gabin, un petit garçon vif et frondeur, plein d'imagination. Elle a pour voisins la famille de Laura, une belle adolescente qui joue facilement de son charme auprès de son voisin, Jean-Alain Quitani.
Jean-Alain, dit Lilin, a du vent dans la tête. Il a son langage, ses habitudes et même ses rituels. Il s'effraie facilement. C'est un grand adolescent très doux, un grand enfant sensible qui peut passer beaucoup de temps à admirer les filles sans jamais les approcher. Il aime bien regarder Laura. Alice, qui surveille parfois Jean-Alain à la jumelle, vient chaque jour dans sa chambre, lui lire vingt pages d'un roman. Elle lui a lu La vie devant soi et il a beaucoup aimé le personnage de Momo. Jean-Alain a une grande confiance en Alice, qui est peut-être la seule personne qui le comprenne vraiment. Pour son anniversaire, elle lui fait un cadeau dont il ne faut pas que Jean-Alain dévoile à qui que ce soit. Un secret qui va bientôt lui jouer un mauvais tour...

Cet été s'annonce calme, presqu'ennuyeux.  Mais Laura disparaît et Jean-Alain devient le coupable tout indiqué. Les gendarmes enquêtent, font des tournées pour recueillir des indices. Le brigadier-chef est connu sous le nom de Pacino, c'est un type bougon, persuadé que Jean-Alain est le coupable, surtout qu'il cahe un secret. Il ne va donc pas relever certains détails. Son collègue, Nour, se lie plus facilement. Il a un petit faible pour Alice et est sensible à ses arguments. Mais Alice, qui connaît le secret de Jean-Alain, ne peut rien dire qui l'innocenterait... Nour a du mal à imaginer que Jean-Alain ait kidnappé Laura, ou qu'il l'aurait assassinée. Il cherche, réfléchit, écoute... Il finit par trouver qui est le kidnappeur. Quelqu'un que personne ne pouvait soupçonner...


Le récit des événements de cet été est rapporté selon le point de vue de chacun des personnages. Il y a parfois des retours en arrière, comme pour mieux égarer le lecteur... La psychologie des personnages est bien rendue Leur typologie peut paraître banale et figée, il n'en est rien. Ce qui importe, ce sont les relations qui les unissent : Laura qui flirte et allume Linlin, la sérieuse Alice qui fait la lecture à Jean-Alain, Alice qui est attirée par Nour et réciproquement, Jean-Alain qui aime être avec des filles, le brigadier rustre qui ne se lie guère. Et l'inconnu qui prépare un mauvais coup et qui vit dans un autre monde.

Quand on découvre, bien avant la fin du livre, l'identité du kidnappeur, on se dit que l'intrigue a perdu de sa saveur. Il reste au lecteur à finir la lecture en souriant de la lourdeur du brigadier, en tremblant de peur qu'il n'arrive un malheur à Laura. Mais on se trompe, on ne connaît pas la chute. Elle est terrible et diabolique, on a comme un malaise...

La lecture est stressante, parce que dans cet endoit où il ne se passe jamais rien, ce qui arrive cette été-là est dramatique. Le lecteur ne peut que craindre le pire pour la jeune fille. Il craint le geste fou de Freddy. Il attend l'erreur judiciaire, car il est le seul à savoir que le fou n'est pas celui qu'on croit. Le roman dérange, car nous savons que nous pourrions bêtement penser comme le brigadier, croire que le clochard du coin, l'immigré, le simple d'esprit... Terriblement gênant de ne pouvoir refuser le miroir que nous tend Nozière...

J'ai particulièrement aimé le personnage de Jean-Alain. Jean-Paul Nozière s'avère être un excellent portraitiste d'ados un peu marginaux, d'ados que l'on peut fréquenter dans la vie réelle et dont on ne voit que ce qu'ils montrent, pas ce qu'ils sont.

Fin 2011, Jean-Paul Nozière était à Lamballe au festival Noir sur la ville, Là où le kidnappeur comptait emmener Laura...

Un excellent roman policier. Pour ados.

 © Jean TANGUY   19 mars 2011