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Mis à jour le 09 mai 2012
 
Shabanu
Haveli
Afghanes

Shabanu

Un roman de Suzanne Fisher Staples, édité chez Gallimard en 1993,
dans la collection Page blanche.
Traduit de l'anglais.

Dans le désert du Cholistan, au sud du Pakistan, vit un peuple de nomades qui élèvent des chameaux. Leur vie semble la même depuis des siècles.
Shabanu, la fille du vent, est la fille du chef Dalil Abassi. Sa soeur, Phulan, treize ans, va bientôt être mariée. Ce sera ensuite le tour de Shabanu qui est promise à Murad, un homme jeune. Mais une rixe vient bouleverser ce plan. Le fiancé de Phulad est tué et, ainsi que le veut la coutume, elle est mariée à Murad. Au grand désespoir de Shabanu qui est remarquée par Rahim, l'oncle de Murad, un homme de 48 ans, riche et déja marié. Difficile de refuser, surout parce qu'elle sait que son mariage amènera la prospérité sur sa famile...
Mais Shabanu, au cours des préparatifs de la noce, rencontre une de ses tantes, Sharma, qui vit seule avec sa fille. Elle n'a pas une conception traditionnelle des relations entre les hommes et les femmes. Elle apprend à Shabanu que l'essentiel est de garder cachées ses ressources intérieures , qu'elle peut être mariée à un homme de 55 ans et préserver sa plus totale liberté.
Shabanu va-t-elle suivre les conseils de sa tante et rompre avec les traditions millénaires de son peuple et de sa religion ?


L'auteur est journaliste et a vécu plusieurs années au Pakistan. Elle brosse un magnifique portrait d'une jeune fille musulmane impertinente et courageuse, qui, sans s'être frottée à la modernité urbaine occidentale, décide de choisir sa vie.
Ce roman est une chronique relatant à la façon d'un documentaire, la vie d'un peuple de nomades du désert, leurs habitudes tribales et communautaires, leur traditionnalisme culturel et religieux, leur métier d'éleveurs de chameaux. Le cadre est bien dessiné et les personnages bien campés dans une réalité quotidienne -le désert- non située dans le temps.
Il se lit à deux niveaux. Ce qu'il nous décrit peut être une actualité résultant d'une culture inchangée depuis plus de 25 siècles, présentée comme un fait brut, sans juger , sans remettre en cause. Par certains aspects, ce texte est un document ethnologique. Mais en même temps, la jeune fille prend conscience que sa condition peut évoluer. Cette prise de conscience tramée dans le tissu de la vie quotidienne de Shabanu et de sa famille, se présente comme une méditation sur leur histoire, une prise de distance prémice d'une contestation.
Ce livre de 250 pages captive le lecteur. On est tenu en haleine, emporté par la puissance évocatrice du texte, fasciné par la beauté du cadre , étreint par le drame que subissent les personnages. Et on se prend d'espoir pour Shabanu, la "fille du vent" ...
Pour des bons lecteurs et lectrices de 14-15 ans et plus.   

 © Jean TANGUY   -- 24 juillet 2000.     

 

Haveli

Un roman de Suzanne Fisher Staples, édité chez Gallimard en 1993,
dans la collection Page blanche.
Traduit de l'anglais.

A douze ans, Shabanu est devenue la quatrième femme de Rahim, un homme de quarante-huit ans que sa famille lui a choisi. Elle ne lui a donné qu'une fille, Mumtaz. Elle veille à ce qu'elle reste unique, pour garder son attrait physique et parce qu'elle sait que si elle donnait la vie à un garçon, les autres femmes de Rahim se ligueraient pour le supprimer. Mais elle a de la chance, Rahim l'aime et elle a appris à l'aimer. Cet amour ne l'aveugle pas, elle sait que lorsque Rahim mourra, elle sera en danger dnas ce village rural du Pendjab. Elle veut aller vivre à Lahore, dans la Haveli, la vieille demeure familliale dont aucune des femmes ne veut, préférant le confort moderne d'une villa neuve. C'est là qu'elle espère, un jour, mener son existence comme elle l'entend, agir plus librement, élever sa fille loin des intrigues des autres épouses.
Mais cela ne se fera pas sans difficultés. Quand elle rencontre Omar, le fils du frère de Rahim, qui revient de New-York, elle tombe amoureuse de ce bel homme jeune et évolué. Elle sait pourtant que leur union sera impossible. Elle sait même que si leur amour mutuel vient au jour, elle, surtout, sera en danger. Des événements graves lui imposent de se séparer de Mumtaz, qu'elle met en garde dans sa famille qui élève toujours des chameaux dans le désert du Cholistan. Elle perd tragiquement Zabo, sa seule amie, alors qu'elles s'enfuyaient dans le désert. Pour rester en vie, il ne lui reste plus qu'une solution : vivre clandestinement dans l'étage inutilisé de la Haveli, avec la complicité d'une servante, sans plus avoir de nouvelles de sa fille, symbole sa liberté, ni d'Omar, symbole de son amour. Vivre avec l'espoir au coeur.


J'ai beaucoup aimé ce portrait de femme qui, dans des circonstances difficiles, refuse toute compromission pour garder son intégrité, sa pureté, sa liberté.
Le roman est épais, mais la succession des rebondissements garde intact l'intérêt pour l'histoire. Le cadre est toujours magnifique, que l'action se passe dans le village, dans le désert ou dans le vieux quartier de Lahore.
On peut être gêné par les mots écrits en Pendjabi, même traduits dans le glossaire, et par quelques erreurs de traduction en fin d'ouvrage.
Un beau texte écrit par une journaliste qui a rencontré des tribus nomades dans le désert du Cholistan. C'est peut-être ce qui donne de tels accents de vérité à son texte.

  Texte publié dans "Echanges-22", fin 1993. © Jean TANGUY

 

Afghanes

Un roman de Suzanne Fisher Staples, édité chez Gallimard en 2006,
dans la collection Scripto.
Traduit de l'anglais.

Afghanes2001, en Afghanistan.
Nushrat habite Peshawar. Elle est américane d'origine et s'est mariée à un médecin pakistanais pour lequel elle a eu le coup de foudre. Par amour, elle s'est convertie à l'islam et a décidé de venir habiter avec lui dans ce pays qui est sous la coupe des tablibans. Pendant que Faiz est en mission au nord du pays, Nusrat donne des cours à des enfants réfugiés. Ce sont souvent des enfants très affaiblis que lui envoie le gardien du camp voisin parce qu'il sait qu'elle les nourrira le midi.
Najmah vit dans un village au nord de l'Afghanistan. Sa famille est propriétaire d'un petit troupeau et de quelques terres. Sa mère est enceinte et va accoucher d'un garçon. Mais les talibans passent et emmènent Nur, son frère aîné et son père. Quelques semaines plus tard, ce sont les avions qui passent, bombardant le village et tuant sa mère et son bébé. Un jeune couple de voisins la recueillent et l'emmène avec eux. Ils lui ont coupé les cheveux et luuiont donné des vêtements de garçons pour qu'elle soit moins en danger sur les routes. Après un long et difficile voyage, ils  arrivent à  Peshavar. Le gardien du camp la remarque et l'envoie chez Nushrat. 
Cele-ci devine de suite que sous les habits de garçon, il y a une jeune fille. Elle devine aussi qu'elle a vécu de douloureuses épreuves et qu'elle est en danger. Elle la prend sous sa protection. 
Des mois plus tard, Najmah retrouve son frère, apprend la mort de son père. Il sdécident de repartir dasn leur village, vivre sur les terres fammiliales. Nusrat apprend le décès de son mari. Sans renier ce qu'elle a vécu jusqu'alors, elle décide de revenir aux Etats-Unis vivre auprès de ses parents.


Susan Fisher Staples explique sur son site (en anglais) que son roman est basé sur des faits réels, même l'histoire de Najmah. Journaliste pour United Press International, elle a effectué plusieurs séjours en Afghanistan.

Ce roman met à nouveau des femmes en scène, dans un monde où on les imagine discrètes et soummises à un islam traditionnaliste. Pourtant, c'est avec sa famille américaine que Nusrat est dans une relation d'incompréhension, ses parents considérant qu'ils l'ont perdues lorsqu'elle s'est convertie à l'islam. Pourtant, Nusrat pratique un islam modéré, ouvert et moderne. Elle dit, d'ailleurs qu'elle croit que Dieu se moque du nom qu'on lui donne.  Sa vision de la religion met en valeur l'intégrisme exagérément rigoureux des talibans.
Au début, les chapitres alternent le récit de Najmah et Nusrat.  Najmah narre elle-même son hisotire alors qu'un narateur externe parle pour Nusrat. A partir du moment où Haroun, le gardien du camp, amène Najmah chez Nusrat, les deux voix se 
mêlent dans les mêmes chapitres, Najmah continuant à dire "je". Cette façon d'écrire donne du charme au roman.
Puis, Najmah ayant muri, décide de repartir avec son frère sur les terres de sa famille, aux pieds de la montagne qui abrite l'âme de leurs ancêtres. Seule, Nusrat ne peut rester à Peshawar, le gouvernement ne la laisserait pas vivre sans mari. Elle  se rappelle que le nom que lui a donné son mari signifie "celle qui aide", que son choix de vie a privé ses parents de sa présence et que le temps est venu de renouer avec eux en retournant aux Etats-Unis. Elle n'oublie pas cette expérience de vie, sa tolérance et la violence de ce pays.  Pour l'une et l'autre, c'est la marque de leur fidélité.

Cette histoire très documentée est une belle leçon de courage, de tolérance, d'amour. La petite fille afhgane d'un petit éleveur  et la jeune femme d'une bonne famille américaine ont en commun d'être des femmes d'honneur, droites, fidèles : de grandes dames.

On retiendra aussi que la journaliste anglaise nous fait voir la situation de ce pays sans porter de jugement. A chacun de se faire son  opinion. 
pour lecteurs et lectrices de 12-13 ans et plus.  

 © Jean TANGUY  -- 10 mai 2007.